Environ 640.000 personnes ont manifesté à travers la France samedi contre la montée de l’extrême droite aux élections européennes et contre la possibilité que le RN néofasciste pourrait faire un score record aux élections anticipées appelées par Macron le 7 juillet.
Des centaines de milliers de travailleurs et de jeunes ont manifesté leur colère contre l’ordre social existant totalement pourri. Les manifestants ont évoqué leur crainte de l’escalade militaire de l’OTAN contre la Russie et leur opposition au génocide à Gaza, à l’austérité et aux violences policières. Ces sentiments reflètent une profonde opposition au capitalisme français et mondial.
Cette opposition bute toutefois sur l’obstacle posé par l’alliance procapitaliste du Front populaire qui a appelé la manifestation avec les bureaucraties syndicales. Cette alliance rassemble la France insoumise de Jean-Luc Mélenchon, le PS bourgeois, et le PCF stalinien. Le PS et le PCF sont des partis de gouvernement capitaliste qui ont imposé des décennies d’austérité et de guerre à la classe ouvrière; Mélenchon est ex-ministre PS.
Il a fait étalage de son cynisme monumental quand il a chaleureusement accueilli l’ex-président PS François Hollande dans le Front populaire. 7 ans après son mandat présidentiel, Hollande est toujours très impopulaire. Il a envahi le Mali, imposé l’état d’urgence pour suspendre les droits démocratiques, et lancé des assauts brutaux des forces de l’ordre contre les grèves et les manifestations qu’ont provoqué ses mesures d’austérité, dont sa loi travail.
On ne peut combattre l’extrême droite en s’alliant avec Hollande, qui l’a promue sans relâche. En 2015, il est devenu le premier président à accueillir un dirigeant néofasciste, Marine Le Pen, à l’Elysée. Pendant l’état d’urgence, il a tenté une réconciliation avec les néofascistes en proposant de légaliser la déchéance de nationalité, mesure utilisée sous l’Occupation pour justifier la déportation des Juifs et la traque des résistants.
Mais hier Mélenchon a salué Hollande quand le PS a annoncé qu’il reviendrait en politique pour disputer son ancien fief en Corrèze. Mélenchon a twitté: «Le Parti Socialiste choisit les candidats qu'il souhaite. Tout renfort est bienvenu pour combattre le RN, y compris François Hollande. Nous devons tous jeter les rancunes à la rivière.»
Cette alliance avec des forces brutalement réactionnaires, justifiées avec l’argument réactionnaire du moindre mal, est un piège politique pour les travailleurs. Cela les subordonne aux représentants du capital financier français qui non seulement appellent à l’escalade militaire contre la Russie en Ukraine, mais jouent un rôle central pour légitimer le néofascisme. Ainsi elle sème la confusion et la démoralisation parmi les travailleurs et les jeunes mobilisés contre l’extrême droite.
Les journalistes du WSWS sont intervenus dans les manifestations à Paris et dans le Midi. A Paris, Emilie et Claudia leur ont dit qu’elles manifestaient contre l’extrême droite et qu’elles craignaient l’escalade contre la Russie: «Cela fait peur de pouvoir en fait se retrouver dans une guerre. On voit qu’à aucun moment il n’a été question de ce que les Français voulaient.»
Interrogée sur pourquoi tant de Français votent RN malgré l’histoire de la collaboration de l’extrême droite avec le nazisme, Emilie a pointé la faillite des autres partis: «Il y a un ras-le-bol général. Il y a le sentiment de ne pas être représentés par les autres partis.»
Elle a aussi souligné la promotion de l’extrême droite par l’aristocratie financière et par l’empire médiatique du milliardaire Vincent Bolloré: «Les médias jouent aussi un rôle avec CNews qui est à présent la première chaïne d’informations de France. Ils distillent la peur. Les gens qui vivent à la campagne qui ne voient pas d’immigrés commencent à s’imaginer une menace partout. … Les réseaux sociaux ont joué un rôle énorme. Les vidéos de Bardella le montraient comme une personne charismatique et ne donnaient aucune idée de sa politique.»
Claudia, qui a vécu dans le bassin minier du nord désindustrialisé par le PS et qui vote maintenant pour le RN, a dit: «Ces personnes se sentent tellement délaissées qu’elles se tournent vers les seules personnes qui semblent leur porter un tout petit peu d’intérêt. Et ils tombent dans le piège de se dire, ‘Ce parti-là, on ne l’a pas encore essayé’, même s’ils savent aussi que c’est vachement faux.»
Sarah et Lucie ont aussi dénoncé la promotion officielle du néofascisme auprès du WSWS. Sarah a dit, «Ça fait des années qu’on présente l’extrême droite comme des partis respectables, républicains et inoffensifs. Toutes les chaînes Bolloré donnent carte blanche. Les partis de gauche ont longtemps été très décevants, on a eu des lois dégueulasses sous Hollande et ensuite on a eu Macron. Donc les gens par réaction se disent par réaction que l’extrême droite n’est pas si mal que ça, vu la soupe qu’on leur sert.»
Lucie a dit qu’elle veut l’unité de la gauche, malgré le rôle du PS: «S’ils commencent à tous dire ‘Oui mais moi je veux’, comme ça, ils posent toutes sortes de conditions comme à chaque fois et au final il n’y a pas de véritable union, ils finiront par avoir une droite au pouvoir, si ce n’est pas une extrême droite. … Evidemment les partis de gauche ne sont pas exempts de défauts. Mais je ne voudrais pas commencer à discuter est-ce qu’on s’allie avec le PS ou pas … Il faut se concentrer sur les élections et se mobiliser pour qu’ils tiennent leurs promesses.»
Quand le WSWS a observé que le PS a toujours trahi ses promesses électorales dès sa première arrivée au pouvoir en 1981 et réprimé l’opposition ouvrière, Lucie a dit: «Il faudra faire la grève générale. On a des armes de guerre face à nous, il ne faudrait pas se faire massacrer par la police.»
Anna, une sympathisante de LO qui lit le WSWS, a dit au WSWS pourquoi elle manifestait: «Il y a une tensions guerrière qui monte, une pression de l’extrême droite qui augmente non seulement en France mais dans le monde en général. Ces partis nous amènent tous vers la guerre et vers plus de destruction. … Si ça continue comme cela, on va vers la Troisième Guerre mondiale. C’est cela qui me fait peur. Les travailleurs français n’ont aucun intérêt à combattre les travailleurs russes ou ukrainiens. C’est Liebknecht qui disait que notre ennemi est dans notre propre pays.»
Anna a souligné sa méfiance du Front populaire: «Je ne suis pas forcément pour. Cette alliance depuis Hollande jusqu’à Poutou, c’est mentir aux travailleurs. C’est dire ‘Votez pour nous et ensuite on s’occupe du reste’.»
Elle a souligné que les désillusions et l’apathie que nourrissent ces partis créent un terrain fertile pour la montée du néofascisme: «Les gens ne sont pas devenus fascistes, mais il n’y a pas de mouvement dans la classe ouvrière. On dit aux gens d’aller voter. ... Il y a une réaction face à la montée de l’extrême droite, mais elle doit être bien plus puissante. Et il faut qu’elle vienne des travailleurs eux-mêmes, on ne peut pas avoir une direction unilatérale.»
Le danger de guerre et d’un gouvernement néofasciste est en réalité un avertissement aux travailleurs en France et à l’international: il faut construire une avant-garde marxiste. Une escalade majeure de la guerre contre la Russie est en préparation. Ce sera le sujet d’un sommet de l’OTAN à Washington deux jours après la fin de l’élection française.
L’alliance Mélenchon-Hollande soulignent que LFI et le Front populaire ne constitueront aucun obstacle sérieux à l’éruption d’une guerre même plus sanglante et à l’austérité que l’impérialisme français imposerait pour financer l’escalade militaire. Il est urgent de construire une direction révolutionnaire marxiste internationaliste qui peut écraser l’influence sur les travailleurs des partis capitalistes et diriger les travailleurs dans une lutte pour le pouvoir et pour le socialisme.
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