Alors qu’Israël met en œuvre sa «solution finale» à Gaza, trois États européens – l’Irlande, la Norvège et l’Espagne – ont annoncé qu’ils reconnaîtraient un État palestinien.
En annonçant cette décision la semaine dernière à Dublin, le Premier ministre irlandais Simon Harris a déclaré: «Il s’agit d’une déclaration de soutien sans équivoque à une solution à deux États, seule voie crédible vers la paix et la sécurité pour Israël, pour la Palestine et pour leurs peuples». D’autres pays devraient suivre dans les semaines à venir, a-t-il ajouté, notant que 139 des 193 États membres des Nations unies avaient déjà reconnu un État palestinien non existant.
Le Premier Ministre Norvégien, Jonas Gahr Støre, a déclaré qu’il ne pouvait y avoir de paix au Moyen-Orient sans la reconnaissance d’un État palestinien, «avec tous les droits et obligations que cela implique».

Le Premier Ministre Espagnol Pedro Sanchez a déclaré devant le parlement à Madrid: «Nous allons reconnaître la Palestine pour de nombreuses raisons, et nous pouvons résumer cela en trois mots: paix, justice et cohérence», ajoutant: «Nous devons faire en sorte que la solution à deux États soit respectée et qu’il y ait des garanties mutuelles de sécurité».
C’est la politique du geste creux dans ce qu’elle a de plus cynique. Sanchez, Harris et Støre tentent de tromper les travailleurs et les jeunes horrifiés par la violence génocidaire d’Israël et la complicité de leurs gouvernements en leur faisant croire qu’ils sont sensibles au sort des Palestiniens et qu’ils «sont à l’écoute» des masses. Leur principale crainte est de voir le soutien populaire mondial aux Palestiniens fusionner avec la colère croissante suscitée par la détérioration des conditions sociales de leurs propres citoyens.
Mais personne ne peut sérieusement croire que la proposition, morte depuis longtemps et en faillite, d’un mini-État palestinien créé par le biais d’une «solution à deux États» puisse être relancée, étant donné l’intention avérée de Jérusalem d’établir un «Grand Israël » par le biais du meurtre de masse et du nettoyage ethnique.
Cette chimère – promise depuis la signature des accords d’Oslo par Yasser Arafat en 1993 – a eu pour seul résultat la création d’une prison pour les Palestiniens, supervisée en Cisjordanie par l’Autorité palestinienne (AP) du Président Mahmoud Abbas dominée par le Fatah, et emmurant une enclave de Gaza assiégée et contrôlée par le Hamas, aujourd’hui largement détruite.
Israël a soumis les Palestiniens à un régime militaire de fait et a lancé des attaques militaires répétées pour renforcer un système d’apartheid discriminatoire et violent. Il a massacré au moins 36.000 personnes à Gaza et autorisé les colons à commettre des pogroms en Cisjordanie sous la protection de l’armée et de l’État.
L’engagement insignifiant en faveur d’une solution à deux États à l’avenir n’est qu’un écran de fumée derrière lequel les gouvernements internationaux, les puissances impérialistes et les régimes arabes corrompus avant tout, peuvent continuer de permettre à Israël de faire tout ce que bon lui semble.
Dans la mesure où elle est censée avoir une signification pratique, la proposition est liée aux discussions sur «ce qui se passera ensuite», lorsqu’Israël et ses parrains de Washington détermineront finalement qu’ils ont obtenu tout ce qu’ils pouvaient à force de violence sanguinaire. Elle donne à l’Autorité palestinienne, à l’Égypte, à la Jordanie, à l’Arabie saoudite et aux États du Golfe l’occasion d’intervenir et de policer les ruines de Gaza sous l’œil vigilant de Washington et de l’Union européenne.
C’est une tentative désespérée des puissances européennes de trouver un mécanisme politique pour maintenir la «sécurité» en réprimant toute opposition dans la région à la poursuite de l’occupation militaire des territoires palestiniens par Israël ; et en empêchant que n’éclate un conflit régional plus large qui menacerait non seulement Israël, mais aussi les États arabes qui sont depuis des décennies de connivence avec lui. Elle aide les régimes arabes à rejoindre Israël dans l’escalade de l’agression militaire impérialiste contre l’Iran, qui fait partie des préparatifs de guerre de l’Occident visant la Chine.
La Norvège et l’Espagne sont membres de l’OTAN et ont soutenu les États-Unis dans les guerres qu’ils ont menées au cours des 30 dernières années. Seule la République d’Irlande est nominalement neutre, mais elle n’est pas véritablement indépendante de l’impérialisme américain. Elle a envoyé des troupes pour participer à l’opération menée par l’OTAN contre l’Afghanistan; elle a permis aux avions de chasse et de transport américains de se ravitailler à l’aéroport de Shannon pendant leur invasion et occupation de l’Irak; elle n’a pas condamné l’expansion de l’OTAN vers l’est visant la Russie; et elle a apporté un soutien diplomatique et politique à l’Ukraine contre la Russie.
En outre, Dublin maintient depuis 1978 un petit nombre de soldats dans le cadre de la «Force intérimaire au Liban» des Nations unies, qui aide les forces armées libanaises à maintenir la «ligne bleue» – définie après l’attaque du Liban par Israël en 2006 et, depuis le 7 octobre, théâtre de l’escalade des hostilités entre Israël et le Hezbollah.
Si ces trois pays ont, à des degrés divers, exprimé leurs «préoccupations» concernant le massacre des Palestiniens par Israël, aucun n’a cherché à rompre ses relations diplomatiques et commerciales, à interdire les ventes d’armes à Israël ou à imposer des sanctions aux dirigeants, aux banques, aux institutions financières ou aux entreprises israéliennes, et encore moins à qualifier ce pays d’«État terroriste».
C’est la Norvège, qui n’est pas membre de l’Union européenne, qui a joué le rôle de médiateur dans les pourparlers de 1992-1993 entre Israël et l’OLP (Organisation de libération de la Palestine). Ces pourparlers ont abouti aux accords d’Oslo, censés déboucher sur la création d’un État palestinien aux côtés d’Israël. Depuis, la Norvège préside un groupe de donateurs qui coordonne l’aide internationale aux territoires palestiniens, le Comité de liaison ad hoc (AHLC), et fait des tentatives «pro forma» pour rouvrir un «canal diplomatique» entre Israël et les Palestiniens. Le ministre des Affaires étrangères Espen Barth Eide a averti qu’il devenait urgent de travailler à une solution fondée sur la coexistence de deux États, car le conflit s’étendait dans la région, mais que seuls les États-Unis et le peuple israélien pouvaient influencer la position d’Israël.
Le Premier ministre espagnol Sanchez a déclaré que la reconnaissance était essentielle «pour la paix et la sécurité». Il a insisté sur le fait que cette décision n’était «dirigée contre personne, et surtout pas contre Israël». Il a souligné qu’elle témoignait du «rejet catégorique du Hamas, qui s’oppose à la solution des deux États».
Mais un mini-État palestinien est un anathème pour le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou, son parti du Likoud et ses partenaires de la coalition d’extrême droite, qui ont rejeté la solution des deux États lorsqu’elle a été évoquée pour la première fois en 1993. Ceux-ci ont acclamé les foules qui traitaient de traître le Premier ministre Yitzhak Rabin – l’un des signataires de l’accord – et réclamaient sa mort, quelques semaines avant d’être assassiné par un nationaliste ultraorthodoxe, en novembre 1995.
Netanyahou s’est emporté, dénonçant l’initiative des trois pays européens comme un «prix décerné au terrorisme». «Ce serait un État terroriste. Il essaierait de perpétrer le massacre du 7 octobre encore et encore – et cela, nous ne l’accepterons pas», a-t-il déclaré.
Le ministre israélien des Affaires étrangères Israël Katz a rappelé les ambassadeurs d’Israël en Irlande et en Norvège et a averti que d’autres «conséquences graves» pourraient s’ensuivre. Israël avait déjà rappelé son ambassadeur en Espagne en novembre après que Sanchez eut accusé Tel-Aviv de violer le droit humanitaire international dans sa guerre contre Gaza.
Bezalel Smotrich, ministre des Finances et chef fasciste du Parti du sionisme religieux, a ordonné des mesures punitives à l’encontre de l’Autorité palestinienne, annulant l’accord conclu entre Israël et la Norvège pour collecter des taxes au nom des Palestiniens et transférer les fonds à l’Autorité palestinienne. Il a annoncé qu’il «révoquerait indéfiniment tous les permis VIP accordés aux responsables de l’Autorité palestinienne à tous les points de passage et imposerait des sanctions économiques supplémentaires aux hauts responsables de l’Autorité palestinienne et à leurs familles». Il a ensuite approuvé la construction de 10.000 nouveaux logements en Cisjordanie occupée et a émis une directive visant à construire une colonie pour chaque pays reconnaissant la Palestine.
L’AP et le Hamas ont tous deux salué l’annonce des trois pays européens, intervenue au lendemain de la demande du procureur de la Cour pénale internationale Karim Khan de délivrer des mandats d’arrêt contre Netanyahou et le ministre de la Défense Yoav Gallant, pour répondre aux accusations de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité perpétrés depuis le 7 octobre.
Début mai, l’Assemblée générale des Nations unies a adopté à une majorité écrasante une résolution non contraignante approuvant l’éligibilité de la Palestine à devenir membre à part entière. Elle a exhorté le Conseil de sécurité à «réexaminer la question favorablement» après que les États-Unis ont opposé leur veto à une adhésion de la Palestine à part entière.
La seule force véritablement internationale qui puisse empêcher la course à la guerre et assurer «la paix et la stabilité» dans la région est la classe ouvrière internationale. Mais il faut que ses luttes soient unifiées au niveau mondial et orientées vers la lutte pour le socialisme et l’abolition du système de l’État-nation, au Moyen-Orient comme dans le monde. Cela comprend la dissolution de l’État israélien existant et la création d’une nouvelle fédération socialiste binationale.
(Article paru en anglais le 31 mai 2024)