Le procureur Karim Khan a accusé les dirigeants israéliens de présider au «meurtre» et à «l’extermination» de Palestiniens, dans le cadre d’un «plan commun visant à utiliser la famine comme méthode de guerre et d’autres actes de violence contre la population civile de Gaza comme moyen de [...] punir collectivement la population civile de Gaza».
En annonçant les charges, le procureur a accusé Netanyahou et Gallant des «crimes de guerre et crimes contre l’humanité suivants»: «Affamer des civils en tant que méthode de guerre, ce qui constitue un crime de guerre; infliger délibérément de grandes souffrances ou des atteintes graves à l’intégrité physique ou à la santé, ou des traitements cruels, ce qui constitue un crime de guerre; tuer délibérément, ou commettre un meurtre, ce qui constitue un crime de guerre; exterminer ou tuer, y compris dans le contexte des décès causés par la famine.»
Le procureur a déclaré: «Nous soutenons que les crimes contre l’humanité incriminés ont été commis dans le cadre d’une attaque généralisée et systématique contre la population civile palestinienne, conformément à la politique de l’État. Nous estimons que ces crimes se poursuivent encore aujourd’hui.»
Outre Netanyahou et Gallant, Khan a également demandé des mandats d’arrêt contre des dirigeants du Hamas, ce qui reflète sans aucun doute la pression des gouvernements capitalistes et des partisans d’Israël. Cependant, la principale signification politique de la demande de mandats est claire: l’État d’Israël est un régime criminel.
Les accusations justifient pleinement les manifestations mondiales de masse qui ont éclaté au cours des sept derniers mois et qui ont fait l’objet de calomnies agressives de la part de la classe dirigeante et des médias. Les manifestants ont été battus, arrêtés et accusés d’«antisémitisme» pour avoir dénoncé et cherché à mettre fin à l’un des plus grands crimes de guerre de l’ère moderne.
En réponse à ces accusations, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou a déclaré: «Avec quelle audace osez-vous comparer les monstres du Hamas aux soldats de Tsahal, l’armée la plus morale du monde ?»
Cette «armée la plus morale du monde» a détruit la majorité des maisons, des écoles et des hôpitaux de Gaza, ainsi que toutes les universités. Ses dirigeants ont qualifié la population civile de Gaza d’«animaux», déclarant: «Il n’y aura pas d’électricité, pas de nourriture, pas de carburant» et affirmant leur intention d’infliger une punition collective à une «nation entière».
Il s’agit en effet de «l’armée la plus morale» depuis la Wehrmacht d’Hitler.
Le gouvernement Biden a réagi en dénonçant furieusement les accusations du procureur de la CPI. Dans un communiqué, Biden a déclaré: «La demande du procureur de la CPI de délivrer des mandats d’arrêt contre des dirigeants israéliens est scandaleuse. Et permettez-moi d’être clair: quoi que ce procureur puisse laisser entendre, il n’y a pas d’équivalence – aucune – entre Israël et le Hamas. Nous nous tiendrons toujours aux côtés d’Israël contre les menaces qui pèsent sur sa sécurité.»
En effet, il n’y a pas d’équivalence. Les Palestiniens vivent dans des conditions horribles d’oppression et d’occupation illégale par Israël. Même si l’on mettait un signe d’égalité entre l’oppresseur, Israël, et l’opprimé, les Palestiniens, Israël a tué 40 habitants de Gaza pour chaque Israélien tué lors des attaques du 7 octobre.
La condamnation de la Cour pénale internationale par Joe Biden est intervenue moins de 24 heures après son discours au Morehouse College, en Géorgie, où il avait déclaré: «J’ai appelé à un cessez-le-feu immédiat pour mettre fin aux combats». Mais la réponse de Biden à l’acte d’accusation du procureur montre clairement que ses critiques à l’égard du gouvernement de Netanyahou sont des exercices cyniques de limitation des dégâts, visant à faciliter et à permettre le génocide à Gaza.
Les efforts du gouvernement Biden pour réfuter l’acte d’accusation du procureur consistent en une absurdité après l’autre.
«Les États-Unis ont clairement indiqué, bien avant le conflit actuel, que la CPI n’était pas compétente en la matière», a déclaré le porte-parole du département d’État, Matthew Miller. Ce n’est pas vrai. En 2021, la Cour pénale internationale a statué que «la Cour peut exercer sa compétence pénale dans la situation dans l’État de Palestine», y compris à Gaza et en Cisjordanie, à la suite de l’adoption du Statut de Rome par la Palestine en 2015.
La Maison-Blanche a notamment soutenu les poursuites engagées par la CPI contre le président russe Vladimir Poutine dans le cadre de la guerre en Ukraine, bien que ni l’Ukraine ni la Russie ne soient signataires du Statut de Rome.
Pressé de répondre à la question de savoir qui est compétent pour dire si Israël a commis des crimes de guerre, Miller a répondu de manière absurde: «Israël». En d’autres termes, c’est aux criminels qu’il revient de décider s’ils sont ou non coupables du crime.
Miller a déclaré que l’acte d’accusation «pourrait compromettre les efforts en cours pour parvenir à un accord de cessez-le-feu qui permettrait de faire sortir les otages de Gaza et d’acheminer l’aide humanitaire». Mais le Hamas a déjà accepté les conditions proposées par les États-Unis pour la libération des otages en échange d’un cessez-le-feu, conditions qui ont été rejetées par Israël.
Biden a été rejoint par de hauts responsables des partis démocrate et républicain pour dénoncer les actions du procureur. Le président républicain de la Chambre des représentants, Mike Johnson, a menacé de sanctionner la Cour pénale internationale, ce qui constituerait en soi une violation du droit international.
Outre la défense d’Israël, la réponse des responsables américains exprime la reconnaissance de leur culpabilité dans l’aide et le soutien apporté à tous les crimes détaillés par le procureur. Johnson a explicitement exprimé cette préoccupation en avertissant: «Si la CPI est autorisée à menacer les dirigeants israéliens, les nôtres pourraient être les prochains.»
En effet. L’ensemble de l’establishment politique des États-Unis, dont Johnson et Biden, est coupable de financer, armer et justifier politiquement un génocide.
En conclusion de l’acte d’accusation, le procureur a déclaré: «Si nous ne démontrons pas notre volonté d’appliquer la loi de manière égale, si elle est perçue comme étant appliquée de manière sélective, nous créerons les conditions de son effondrement [...]»
Cet état de fait n’est pas une hypothèse lointaine, mais une réalité. Les puissances impérialistes assassinent et torturent en toute impunité dans le monde entier. Elles agissent comme une loi en soi, défiant le droit international à chaque instant.
Si la CPI a certainement un poids moral, elle n’aura aucun effet sur les politiques des gouvernements impérialistes. Près de cinq mois se sont écoulés depuis que la Cour internationale de justice a ordonné à Israël de cesser de tuer et d’affamer les civils palestiniens. Depuis lors, des dizaines de milliers de Palestiniens ont été assassinés et toute la population a été privée de nourriture, d’eau et de soins médicaux.
Les travailleurs et les jeunes ne doivent pas se faire d’illusions quant à la capacité des Nations unies ou de toute autre institution bourgeoise de droit international à mettre un terme au génocide à Gaza.
Cela ne peut se faire que par la mobilisation de masse de la classe ouvrière, avec les jeunes du monde entier, en prenant la tête de la lutte contre le sionisme, l’impérialisme et le système capitaliste.
(Article paru en anglais le 21 mai 2024)