Québec Solidaire accentue sa campagne réactionnaire pour un État capitaliste indépendant

Dans un document publié en grande pompe sous le titre «Nouveau Québec – Construire un pays qui nous ressemble», Québec Solidaire (QS) cherche une fois de plus à donner un vernis «progressiste» au programme réactionnaire pour la formation d’une nouvelle république capitaliste du Québec.

Le document se démarque par sa banalité et ses stupidités nationalistes québécoises. «On veut transformer le Québec, pour bâtir ensemble un pays plus juste, plus vert, un pays libre», écrit QS en guise d’introduction. Ce type de phrases ronflantes et vides de sens caractérise tout le document.

Alors que les travailleurs et les jeunes dans le monde sont confrontés à la pandémie persistante de COVID-19, au génocide en cours à Gaza, au retour du fascisme, aux inégalités sociales croissantes et au danger d'une troisième guerre mondiale, aucune de ces questions brûlantes n’est effleurée par QS.

Les mots «guerre», «capitalisme», «fascisme», «travailleur», «classe sociale», «inflation» et «crise économique» n'apparaissent nulle part dans le document. Pas une seule lutte de la classe ouvrière, que ce soit au Québec (qui vient de traverser une importante grève des travailleurs du secteur public) ou ailleurs en Amérique du Nord et dans le monde, n'est mentionnée.

La photo couverture du document de QS préconisant l’indépendance du Québec [Photo: Québec Solidaire]

Québec Solidaire utilise le terme vague de «justice sociale» sans jamais parler de la lutte des classes. Il ne fait même pas de référence concrète à la situation socio-économique, ce qui révèle le gouffre social qui sépare les éléments de la classe moyenne aisée représentés par QS des préoccupations quotidiennes des travailleurs.

QS cherche à convaincre les travailleurs du Québec qu’ils auraient plus en commun avec les Péladeau, Desmarais et autres milliardaires francophones qu'avec les travailleurs vivant ailleurs en Amérique du Nord, et parlant une autre langue, qui font face à la même exploitation capitaliste. Il prône la fiction de l’«unité nationale», censée effacer les profondes divisions de classe qui traversent la société, renforçant ainsi la domination de la classe capitaliste dirigeante.

En réalité, l’intégration sans précédent de l’économie mondiale et la mise en place de chaines de production planétaires unissant objectivement les travailleurs de tous les continents signifient qu’il ne peut y avoir de solution «nationale» aux grands enjeux de la société contemporaine – que ce soit la crise climatique, les pandémies, la pauvreté de masse ou le danger de guerre mondiale nucléaire.

Seule l’unification de la classe ouvrière internationale dans une lutte commune contre le capitalisme en faillite et son système dépassé des États-nations peut offrir une issue progressiste à l’humanité.

QS légitime le chauvinisme grandissant de la classe dirigeante

Québec Solidaire fait la promotion du projet séparatiste au moment même où une fièvre de chauvinisme québécois s’est emparée de toute l’élite dirigeante de la province, trouvant son expression la plus aigüe dans l’agitation constante du Parti québécois (PQ) contre l’immigration et les minorités linguistiques et religieuses.

La fonction spéciale de QS est de couvrir d’un voile «de gauche» un programme dont le caractère anti-démocratique et historiquement rétrograde est devenu manifeste.

À leur origine, il y a plus d’un demi-siècle, le PQ et le courant dominant du mouvement souverainiste québécois ont cherché à associer leur programme nationaliste à un «projet de société» qui serait porteur de «progrès». Cette prétention a été depuis largement mise au rancart et remplacée par le langage du nationalisme ethnique.

C’est précisément ce tournant chauvin des milieux souverainistes québécois dans lesquels baigne Québec Solidaire depuis sa fondation que ce dernier chercher à camoufler sous la promesse frauduleuse qu’un Québec indépendant serait «démocratique» et «inclusif». Ce qui n’empêche pas QS de s’aligner pleinement sur les projets du PQ de tenir un autre référendum sur la base d’un programme ouvertement de droite et exclusiviste-national pour «le Québec d’abord».

Cela fait partie d’un processus international. En réponse à la montée de la lutte des classes, les élites dirigeantes se tournent partout vers le chauvinisme pour développer une base sociale en soutien à la guerre et à la réaction et pour diviser la classe ouvrière.

Au Québec, cela prend la forme d'une campagne hystérique, menée par la CAQ (Coalition Avenir Québec) sous la pression constante du PQ, où «l’immigration hors de contrôle» est pointée du doigt pour la crise du logement, la détérioration des services publics et les autres problèmes sociaux causés par le système capitaliste.

Comme pour les autres initiatives chauvines de la CAQ qui visent les immigrants et les minorités linguistiques, cette campagne est justifiée par le Premier ministre du Québec, François Legault, comme étant nécessaire pour maintenir la «cohésion sociale», c'est-à-dire diviser la classe ouvrière et empêcher celle-ci de lancer une lutte unifiée contre le capitalisme pourrissant.

Une manifestation contre la Loi 21 du gouvernement Legault qui cible les minorités religieuses [Photo: McGill Students Union/Twitter ]

En insistant pour que les travailleurs au Québec se définissent comme «Québécois» plutôt qu’un contingent de la classe ouvrière internationale, QS contribue à la tentative de la bourgeoisie de diviser les travailleurs du Québec sur des lignes ethniques et linguistiques et de les tenir isolés de leurs frères et sœurs de classe du reste du Canada, des États-Unis et d’outre-mer.

L'hystérie anti-immigrants de la classe dirigeante québécoise est la suite logique de près de deux décennies d'attisement du chauvinisme – de la crise fabriquée des «accommodements déraisonnables» envers les minorités culturelles et la défunte Charte des valeurs du Parti québécois, jusqu’à la Loi 62 du Parti libéral, elle-même largement intégrée à la Loi 21 de la CAQ qui vise en particulier les femmes musulmanes.

QS a justifié tous ces débats toxiques en disant qu'ils étaient «légitimes» et «nécessaires». Et aujourd’hui, non seulement il s’adapte au discours xénophobe de la classe dirigeante, il lui apporte sa propre pierre. Plusieurs de ses dirigeants en vue, y compris son principal porte-parole Gabriel Nadeau-Dubois, ont fait écho au discours de l’extrême-droite en disant que l'immigration est un «facteur aggravant» de la crise du logement.

QS et l'environnement: une approche nationale à un problème mondial

La seule question sur laquelle on peut lire quelque chose de concret dans «Nouveau Québec», au-delà de simples banalités, concerne la crise climatique. QS écrit: «Pourquoi l'indépendance? Parce qu'elle nous donne les leviers nécessaires pour protéger notre environnement».

Alors que la crise de l’environnement est un problème planétaire, causé par l’impossibilité d’une action internationale coordonnée à cause des rivalités entre les différentes cliques nationales de capitalistes, QS présente la formation d’un nouvel État capitaliste indépendant comme un levier pour y faire face.

En réalité, l'approche nationaliste de Québec Solidaire à la crise climatique reflète les intérêts de la bourgeoisie québécoise qui cherche à utiliser son vaste réseau d'hydroélectricité et son expertise dans les énergies renouvelables pour s’accaparer une plus grande part du lucratif marché du «capitalisme vert».

Un exemple récent est donné par le cas de NorthVolt, un fabricant suédois de batteries pour voiture électrique qui a été subventionné à hauteur de milliards de dollars par le gouvernement du Québec et a reçu de ce dernier l’autorisation d’outrepasser la réglementation environnementale pour bâtir son usine dans la province.

Face à l'indignation populaire devant ce pillage des fonds publics et ce mépris pour l’environnement, QS a seulement critiqué la CAQ pour avoir «saboté l'acceptabilité sociale» du projet. Et il a déploré, sur son ton nationaliste typique, que le gouvernement fasse affaire avec une «multinationale étrangère».

Pour QS, comme pour la CAQ et toute la classe dirigeante québécoise, le vrai objectif est de saisir les occasions de profits et d’avantages géostratégiques qu’apporte la «transition énergétique», tout en utilisant un discours «pro-environnement» pour manipuler la classe ouvrière et les jeunes.

QS soutient en outre que «notre souveraineté nous garantirait un total contrôle sur les droits de passage commerciaux», ce qui «nous permettra de nuire grandement à certaines exportations polluantes au Canada, incluant en premier lieu le pétrole sale des sables bitumineux albertains».

Pour commencer, c’est un fantasme nationaliste qui sert à dissimuler l’amère réalité: toute rupture du Québec avec l’État fédéral canadien entraînerait d’intenses conflits économiques et géostratégiques – et probablement militaires – sur des enjeux aussi sensibles que le partage de la dette et le tracé des frontières nationales.

Fait tout aussi significatif, QS critique le Canada en tant qu’«État pétrolier», et non en tant qu’État impérialiste qui a participé à toutes les guerres d’agression lancées par Washington au cours des dernières décennies, y compris en Yougoslavie, en Afghanistan, en Libye. Et QS endosse aujourd’hui le soutien accordé par le Canada à Israël dans son assaut génocidaire sur le peuple palestinien ainsi que sa participation à la guerre provoquée par l’OTAN contre la Russie sur le territoire ukrainien.

Ces guerres n’avaient et n’ont rien à voir avec les «Droits de l'Homme», le prétexte favori d'Ottawa que QS reprend chaque fois tel quel, et tout à voir avec les intérêts économiques et financiers des grandes firmes et banques canadiennes.

La fraude de l’Assemblée constituante

Les références constantes de QS à l’environnement ne sont qu’une façade derrière laquelle se cachent les ambitions commerciales et les objectifs prédateurs du grand capital québécois.

Similairement, son bavardage incessant autour d’une «Assemblée constituante» vise à donner un air «démocratique» au projet d’indépendance du Québec par l’emploi d’un vocabulaire associé à la Révolution française de 1789 – une tout autre époque historique et socio-économique.

C’est un subterfuge pour semer l’illusion que la séparation du Québec permettrait «au peuple» de choisir librement un nouveau type de société où «tout serait possible».

Gabriel Nadeau-Dubois, l’ancien leader étudiant devenu co-porte-parole de Québec Solidaire, est l’un des architectes de son tournant marqué à droite. [Photo: (Wikipedia) ]

En réalité, cette promesse de monts et merveilles est un énorme piège pour la classe ouvrière partout au Canada. Tout processus de séparation de la province rattacherait et subordonnerait la classe ouvrière aux violentes luttes de pouvoir qui vont inévitablement éclater entre les différentes factions de la classe dirigeante capitaliste.

Il est d'ailleurs révélateur que QS donne l'Inde comme modèle d'une Assemblée constituante. La partition du sous-continent indien en 1947, sous l’égide des anciens maîtres coloniaux, a mené à des violences ethniques entre les promoteurs d’une Inde hindouiste et les partisans d'un Pakistan musulman. Ces affrontements ont fait jusqu’à deux millions de morts et de 16 à 20 millions de réfugiés.

C’est pour camoufler les implications ultra-réactionnaires du séparatisme national que QS critique timidement la récente poussée du PQ en faveur de l’indépendance du Québec, et conseille à ce dernier de ne pas faire appel au «ressentiment» mais d’adopter plutôt un discours «ouvert» et «rassembleur».

Quelle fraude! Comme noté plus haut, QS s’est entièrement adapté à la campagne ethno-chauvine de toute l’élite dirigeante. Et il a signalé son intention de se joindre au PQ – avec lequel il maintient des canaux de communication et de collaboration – et au camp du OUI dans tout futur référendum sur la souveraineté du Québec.

L’alternative internationale au programme indépendantiste

Encouragé par les milieux souverainistes bourgeois et petits-bourgeois, notamment les éléments pseudo-socialistes qui publient le site web Presse-toi à gauche, QS apporte sa contribution à une nouvelle éruption de chauvinisme québécois en renouvelant sa campagne pour la séparation du Québec.

Le programme préconisé par QS est la création d'un nouvel État impérialiste en Amérique du Nord qui intensifierait le démantèlement des services publics et participerait aux guerres d’agression des grandes puissances en demandant l’adhésion à l’OTAN et à NORAD (Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord).

Ce programme correspond aux intérêts d'une section de la classe dirigeante québécoise, qui estime qu'elle serait en mesure d’obtenir un meilleur accord avec Washington et Wall Street tout en utilisant le chauvinisme québécois anti-immigrant et anti-anglophone pour diviser les travailleurs.

Ce projet est à contre-courant des profondes tendances objectives de la société contemporaine – d’abord et avant tout, l’intégration sans précédent de l’économie mondiale, qui bute sur le système historiquement dépassé des États-nations rivaux.

Chaque clique de capitalistes à la tête de chaque pays cherche à surmonter cette contradiction aux dépens de ses rivales géopolitiques et en attaquant les conditions de la classe ouvrière.

La création d'un nouvel État impérialiste en Amérique du Nord – préconisée par QS en tant que «clef de voûte pour agir sur tous les fronts» – ne ferait qu'accélérer ces processus réactionnaires et la campagne vers une troisième guerre mondiale, qui signerait la fin de la civilisation humaine.

La contradiction entre l’économie mondiale et le système des États-nations ne peut être résolue de manière progressiste que par la lutte unifiée de la classe ouvrière internationale, l'abolition des frontières nationales archaïques et la réorganisation de l'économie mondiale sur une base rationnelle et démocratique afin de satisfaire les besoins sociaux.

Cela veut dire que la classe ouvrière doit préserver son indépendance politique et son unité de classe envers tous les États capitalistes, toutes les sections de la classe dirigeante et tous leurs représentants politiques – y compris au Canada les partis fédéralistes, les souverainistes québécois et d’autres partis séparatistes comme les promoteurs de l’indépendance de l’Alberta.

C’est pourquoi les travailleurs doivent rejeter fermement le projet rétrograde des indépendantistes québécois pour rebrasser les frontières et créer un nouvel État impérialiste en Amérique du Nord.

Ce projet a été discrédité parmi de larges couches de travailleurs suite aux féroces coupes budgétaires appliquées par le Parti québécois chaque fois qu’il est passé au pouvoir au cours du dernier demi-siècle. Il s’agit maintenant pour les travailleurs conscients au Québec et partout au Canada d’en tirer toutes les conséquences.

Aux efforts de la classe dirigeante pour les diviser sur une base ethno-linguistique, les travailleurs doivent opposer leur propre programme basé sur la solidarité de classe et l’unité internationale, afin de préparer le renversement du système dépassé des États-nations capitalistes et son remplacement par le socialisme mondial.

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