Le Comité de base de coordination des travailleurs du secteur public appelle les travailleurs à tracer un bilan critique du sabotage de notre lutte – l’une des plus grandes mobilisations ouvrières des dernières décennies – par les syndicats.
Ces appareils bureaucratiques ont réussi, malgré la combativité des membres de la base, l’immense appui de la population et une vaste opposition aux ententes de trahison, à mener notre mouvement à la défaite.
C’est seulement en tirant les leçons de cette défaite qu’on peut se préparer à ce qui sera un assaut encore plus intense sur les services publics et les droits sociaux de la classe ouvrière.
Le Premier ministre du Québec, François Legault, a obtenu ce qu’il voulait: des conventions collectives de cinq ans qui comprennent des hausses salariales de 17,4% (bien en dessous de la hausse réelle du coût de la vie) et aucune amélioration dans les conditions de travail déjà intolérables.
Les vagues promesses d’investissement dans l’éducation et la santé – totalement insuffisantes après des décennies de compressions budgétaires – sont soumises à une série de critères qui garantissent leur non-application. Par exemple, les enseignants du primaire ne pourront recevoir de l’aide dans leur classe que si 60% des élèves de leur cohorte sont reconnus comme étant «en difficulté». Le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, a admis une fois les conventions signées que, sous prétexte d’un manque de personnel, cette aide ne verra jamais la lueur du jour.
Le sabotage des syndicats aura miné la confiance de bien de travailleurs dans leur pouvoir social, semant la confusion et le découragement à court terme. Le gouvernement Legault compte là-dessus pour passer à l’offensive. Il a déjà adopté son projet de loi 15 visant à privatiser les soins de santé et signalé son intention d’attaquer les droits des travailleurs de la construction par une nouvelle réforme de cette industrie.
Le gouvernement fédéral de Justin Trudeau et toute l’élite dirigeante canadienne vont aussi en profiter pour attaquer les acquis des masses ouvrières au pays, privatiser ce qui reste des services publics, et financer les plans militaires de l’impérialisme canadien contre la Russie et la Chine en alliance étroite avec Washington.
Mais nous savons fort bien que les travailleurs ne vont pas rester les bras croisés pendant que les différents paliers de gouvernement mettent la hache dans les dépenses sociales au profit des entreprises privées et de l’agression impérialiste.
D’âpres luttes ouvrières vont éclater dans la période à venir, y compris parmi les 600.000 travailleurs du secteur public québécois. Comme partout dans le monde, le Québec et le Canada connaissent une remontée de la lutte des classes face aux inégalités sociales grandissantes, aux dangers de guerre mondiale, à la crise climatique et aux pandémies.
La question centrale est de commencer à s’y préparer dès maintenant en tirant les leçons de notre lutte et en agissant en conséquence.
Notre mouvement de grève pour défendre des emplois et des services publics de qualité était avant tout une lutte politique qui ne pouvait progresser sans remettre en question le carcan provincialiste des «négos» et toute la perspective nationaliste des syndicats. Comme l’a expliqué notre Comité dans sa déclaration de fondation du 20 décembre:
«Objectivement, ce mouvement représente un défi non seulement pour Legault, mais pour l’ensemble du programme de guerre de classe de l’élite dirigeante et sa volonté systématique de transférer la richesse sociale du bas vers le haut. Nous devons maintenant faire de ce défi implicite une stratégie consciente, en faisant de notre lutte le fer de lance d’une contre-offensive industrielle et politique de la classe ouvrière contre l’austérité et la guerre».
La tâche centrale était d’étendre la lutte aux travailleurs à travers la province qui nous soutenaient fortement dans la défense des services publics et de lancer un appel à nos frères et sœurs de classe partout en Amérique du Nord qui font face au même assaut patronal sur les emplois, les salaires et les programmes sociaux.
Mais tout l’appareil syndical – les quatre centrales du Front commun, la Fédération autonome de l’enseignement (FAE) et la Fédération interprofessionnelle de la santé (FIQ) – était déterminé à étouffer notre mouvement de résistance et à imposer les concessions patronales.
Les syndicats ont mené notre lutte dans un mur après une longue campagne de division et de démobilisation. Il y a eu le silence total entourant les négociations à huis clos avec le gouvernement; les grèves partielles et isolées du Front commun au mépris d’un puissant mandat de grève générale; le refus de dévoiler le contenu des ententes conclues avec le gouvernement; et les manœuvres anti-démocratiques lors des assemblées générales pour les faire adopter.
Cela vaut également pour la direction de la FAE qui a été forcée, sous la pression de ses membres, de déclencher une grève générale illimitée ayant duré 22 jours. Comme la FIQ, qui isole les infirmières et autres professionnels de la santé sur la base qu’ils sont un «cas à part», la FAE a refusé de se tourner vers les travailleurs du Front commun et l’ensemble de la classe ouvrière pour une lutte commune contre l’austérité capitaliste.
La conduite des bureaucrates syndicaux a été guidée par la crainte qu’une grève générale n’échappe à leur contrôle et ne remette en question l’ordre capitaliste établi qui garantit leur position sociale privilégiée.
Comme l’a admis le vice-président de la Confédération des syndicats nationaux, François Enault: «Les travailleurs sont prêts à débrayer demain matin, mais nous [les dirigeants syndicaux], ce n’est pas ce qu’on veut». Quant au président de la Centrale des syndicats du Québec, Éric Gingras, il a qualifié le processus de négociations – voulant parler du risque de confrontation entre le gouvernement et les employés de l’État – de «psychodrame» qu’il fallait éviter à tout prix.
Dans toute cette campagne de division, les syndicats du Québec ont été assistés de leurs confrères du reste du Canada, qui ont maintenu un silence radio sur la lutte du secteur public.
Les travailleurs ont besoin d’une perspective radicalement différente et de nouvelles organisations de lutte.
Comme l’a expliqué notre Comité dès le début de la lutte, ce n’est pas en faisant pression sur les appareils syndicaux que nous pourrons améliorer nos conditions, mais plutôt en opposition à leurs politiques nationalistes et pro-capitalistes.
Les syndicats ne peuvent pas être réformés. Ils sont dirigés par une bureaucratie privilégiée, soutenue par l’État capitaliste, qui a étouffé et saboté la lutte de classe pendant des décennies et dont les intérêts sont complètement étrangers et hostiles à ceux des travailleurs qu’ils prétendent représenter. Cela est vrai non seulement au Québec et au Canada, mais partout dans le monde.
Pour aller de l’avant dans leurs prochaines luttes, il sera vital pour les travailleurs de mobiliser l’immense pouvoir social de la classe ouvrière dans une lutte politique contre tout le programme réactionnaire de l’élite financière et patronale.
La construction de comités de base dans tous les lieux de travail est un élément central de la lutte pour mobiliser la classe ouvrière dans la défense des conditions de travail et des services sociaux et, par le fait même, contrecarrer les manœuvres de la bureaucratie syndicale.
C’est seulement ainsi qu’il sera possible pour les travailleurs de mettre de l’avant leurs propres revendications, tout en unissant les divers contingents de la classe ouvrière au-delà des secteurs, des provinces et des frontières nationales dans une contre-offensive au système de profit moribond.
Nous appelons tous les travailleurs intéressés par cette perspective à rejoindre le Comité de base de coordination des travailleurs du secteur public. Contactez-nous à cbsectpub@gmail.com ou en remplissant le formulaire au bas de cet article.