Le refus d'Israël de fournir de la nourriture à la population de Gaza pourrait être une tentative délibérée d'affamer la population, a déclaré mardi le plus haut responsable des droits de l'homme des Nations unies.
Dans une déclaration, Volker Türk, Haut Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, a indiqué que «l’ampleur des restrictions qu’Israël continue d’imposer à l’entrée de l’aide à Gaza ainsi que la manière dont il continue de mener les hostilités peuvent équivaloir à l’utilisation de la famine comme méthode de guerre, ce qui constitue un crime de guerre».
Les commentaires de Türk interviennent alors que le taux de famine et de malnutrition augmente dans la population emprisonnée de Gaza, qui compte plus de 2 millions de personnes.
Selon Türk, «la situation de faim, de famine et de malnutrition est le résultat des restrictions considérables imposées par Israël à l’entrée et à la distribution de l’aide humanitaire et des biens commerciaux, du déplacement de la majeure partie de la population, ainsi que de la destruction d’infrastructures civiles essentielles».
Interrogé mardi sur les déclarations de Türk selon lesquelles Israël pourrait utiliser la famine comme «arme de guerre», le porte-parole du département d’État américain, Vedant Patel, a répondu: «Ce n’est pas quelque chose que nous avons observé ou dont nous avons été témoins».
Ce déni absurde est contredit par la réalité de la famine de masse imposée à la population de Gaza.
Un rapport distinct publié mardi par le partenariat Integrated Food Security Phase Classification (IPC), l’organisme mondial officiel qui détermine s’il y a famine, conclut que «la famine est imminente», avec une «accélération majeure des décès et de la malnutrition».
L’évaluation de l’IPC indique que 1,1 million de personnes devraient être confrontées à des niveaux catastrophiques de faim et risquer la famine à Gaza, ce qui représente le nombre le plus élevé de personnes dans cette catégorie jamais enregistré depuis le début du système de classification actuel.
«Il s’agit du nombre le plus élevé de personnes confrontées à une faim catastrophique jamais enregistré par l’Integrated Food Security Phase Classification, partout et de tout temps», a déclaré le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, lors d’une conférence de presse lundi.
Avant l’assaut israélien sur Gaza, moins de 1 pour cent des enfants de Gaza âgés de moins de cinq ans souffraient de malnutrition aiguë. Mais ce chiffre a grimpé en flèche pour atteindre entre 12,4 et 16,5 pour cent.
Le rapport conclut que «la famine est imminente dans les gouvernorats du nord et devrait se produire entre la mi-mars et mai 2024».
Le rapport indique que chaque habitant de la bande de Gaza vit dans divers degrés d’insécurité alimentaire. Le rapport prévoit que si l’ensemble de la bande de Gaza se trouve actuellement dans la phase «d'urgence» de l’insécurité alimentaire, l’ensemble du nord de la bande de Gaza sera en proie à la famine d’ici quelques mois.
Israël impose la famine à la population de Gaza de multiples façons. La plus visible est l’imposition d’un blocus qui empêche les organisations humanitaires de fournir de la nourriture aux personnes affamées.
Dans un communiqué publié mardi, le bureau du secrétaire général des Nations unies a déclaré qu’Israël avait laissé entrer moins de la moitié des missions humanitaires que les Nations unies avaient prévu d’envoyer à Gaza.
«Au cours des deux premières semaines de mars, moins de la moitié des missions d’aide humanitaire prévues dans le nord de la bande de Gaza ont été facilitées par les autorités israéliennes, soit 11 missions sur 24», indique le communiqué. «Les autres ont été refusées ou reportées. L’acheminement de l’aide vers le nord de la bande de Gaza nécessite des autorisations quotidiennes de la part des autorités israéliennes.»
Le blocus en cours s’accompagne de l’assassinat systématique et délibéré des travailleurs humanitaires. Jeudi, l’armée israélienne a mené la dernière de ses attaques répétées contre le rond-point Koweït, où le reste de la population de la ville de Gaza se rend pour recevoir de l'aide alimentaire.
Al Jazeera a rapporté que 23 travailleurs humanitaires ont été tués lors de la dernière attaque qui, selon les autorités locales, était une attaque ciblée sur les travailleurs responsables de distribuer la nourriture.
Cette attaque contre les travailleurs de la distribution alimentaire s’est accompagnée d’un assaut de grande envergure contre l’hôpital al-Shifa de Gaza, qui, selon l’armée israélienne, a fait des dizaines de morts.
Mais même ce bain de sang n’est qu’un acompte sur ce que le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou a en réserve avec l’invasion prévue de Rafah.
Mardi, Netanyahou a déclaré qu’il avait été «extrêmement clair» avec le président américain Joe Biden lors d’une conversation téléphonique: «Nous sommes déterminés à achever l’élimination de ces bataillons à Rafah, et il n’y a pas d’autre moyen d’y parvenir que de s’y rendre au sol.»
Malgré ses critiques rhétoriques des plans de Netanyahou d’envahir Rafah, où plus d'un million de personnes sont réfugiées, le gouvernement Biden a clairement indiqué qu’il continuerait à fournir des armes et du financement à Israël, quoi qu’il fasse.
Lors d’une conférence de presse lundi, le conseiller à la sécurité nationale de la Maison-Blanche, Jake Sullivan, a déclaré que «le président a souligné son engagement profond à assurer la sécurité à long terme d’Israël». Sullivan a ajouté: «Israël a le droit de s’en prendre au Hamas, auteur du pire massacre du peuple juif depuis l’Holocauste. Israël a fait des progrès significatifs contre le Hamas.»
Au début du mois, Jared Kushner, le gendre de l’ancien président Donald Trump et l’un de ses principaux conseillers sur les questions relatives au Moyen-Orient, a approuvé la perspective d’expulser la population de Gaza de la Palestine.
Lors d’une intervention à l’université de Harvard, Kushner a déclaré qu’il serait «possible» de faire passer la population de Gaza «en Égypte [...] avec la bonne diplomatie». Il a également évoqué la possibilité de déplacer la population de Gaza dans le désert du Néguev, en Israël, en déclarant: «Si j'étais Israël en ce moment, j’essaierais de raser une zone au bulldozer dans le Néguev. J’essaierais d’y déplacer des gens. Je sais que ce n’est pas très populaire, mais je pense que c’est la meilleure solution pour pouvoir finir le travail.»
«Les terrains riverains de Gaza pourraient avoir une grande valeur», a déclaré Kushner.
(Article paru en anglais le 20 mars 2024)