L’Office de secours et de travaux des Nations unies (UNRWA) affirme que les Palestiniens libérés des prisons israéliennes à Gaza ont été contraints de faire de faux aveux de l’existence de liens entre l’Office et le Hamas et que son personnel a participé à l’incursion du 7 octobre.
Selon Reuters et le Times of Israel, ces affirmations figurent dans un rapport daté de février 2024, qui détaille les mauvais traitements et les abus subis par les habitants de Gaza et indique que «les membres du personnel de l’Office ont fait l'objet de menaces et de coercition de la part des autorités israéliennes pendant leur détention, et ont subi des pressions pour faire de fausses déclarations contre l’Office, notamment que l’Office a des liens avec le Hamas et que des membres du personnel de l’UNRWA ont pris part aux atrocités du 7 octobre 2023».
Le rapport de 11 pages de l’UNRWA, qui n’a pas encore été publié, indique que l’armée israélienne a détenu plusieurs employés palestiniens de l’UNRWA à Gaza dans des prisons israéliennes. Les mauvais traitements et les abus comprennent des coups sévères, la torture par l’eau et des menaces à l’encontre de membres de la famille. En plus de descriptions des efforts utilisés pour obtenir de faux aveux, ces personnes et d’autres détenus palestiniens ont fait état de coups, d’humiliations, de menaces, d’attaques de chiens, de violences sexuelles et de décès de détenus à qui l’on avait refusé un traitement médical.
Juliette Touma, directrice de la communication de l’UNRWA, a déclaré que l’agence prévoyait de transmettre le rapport aux Nations unies et à d’autres agences de défense des droits de l’homme concernées par d’éventuelles violations des droits de l’homme, en déclarant : « Lorsque la guerre prendra fin, il faudra mener une série d’enquêtes pour examiner toutes les violations des droits de l’humains ». Elle a expliqué que ce document était basé sur des entretiens que l’agence avait menés avec des dizaines de Palestiniens libérés de la détention israélienne.
Philippe Lazzarini, commissaire général de l’UNRWA, a mis en garde contre « une campagne délibérée et concertée » qui vise à mettre fin au travail de l’agence, citant les commentaires du Premier ministre fasciste israélien, Benjamin Netanyahu, sur la destruction de l’infrastructure de l’agence à Gaza et son remplacement par une autre agence de l'ONU. À la fin du mois de janvier, la guerre d’Israël contre Gaza avait tué 152 employés palestiniens de l’UNRWA et frappé ses installations à 263 reprises, causant la mort de 360 civils.
Samedi, Lazzarini a déclaré à la chaîne suisse RTS : « L’agence est menacée de mort, elle risque d’être démantelée. Ce qui est en jeu, c’est le sort des Palestiniens aujourd’hui à Gaza, à court terme, qui traversent une crise humanitaire absolument sans précédent ».
Le recours à la violence et aux abus pour obtenir de faux aveux s’inscrit dans une démarche criminelle qui vise à justifier la fermeture de l’UNRWA, créé par les Nations unies en 1949 et chargé d’assurer des services d’éducation, de santé et d’aide aux 5,7 millions de réfugiés palestiniens et à leurs descendants dans les territoires palestiniens occupés, en Jordanie, au Liban et en Syrie.
Cela fait suite à une liste de mensonges éhontés et réfutés de la part de responsables israéliens, notamment le refus du gouvernement de tenir compte des avertissements d’une attaque imminente, les affirmations concernant la décapitation de 40 bébés et le viol collectif du 7 octobre, le prétendu vaste centre de commandement souterrain sous l’hôpital Al-Shifa, et l’affirmation selon laquelle les 112 Palestiniens tués dans le «massacre de la farine» sont morts à la suite d'une bousculade pour obtenir l’aide alimentaire et non de tirs à balles réelles des forces militaires israéliennes.
En décembre, un rapport confidentiel du ministère israélien des Affaires étrangères a été divulgué, proposant l’élimination de l’UNRWA de Gaza en trois étapes : allégation de coopération des membres du personnel de l’UNRWA avec le Hamas ; réduction des services de l’UNRWA à Gaza, puis transfert de ses fonctions à l’entité qui gouvernera Gaza à la fin de la guerre, donnant ainsi à Israël le contrôle total.
En janvier, il a mis son plan à exécution, accusant 12 membres du personnel de l’UNRWA d’avoir participé à l’attaque du 7 octobre. Il a ensuite affirmé que 450 de ses 13.000 travailleurs à Gaza étaient membres du Hamas ou d’autres groupes militants, sans fournir la moindre preuve.
Le ministre des Affaires étrangères d’Israël, Katz, a déclaré qu’il avait notamment pour objectif de « promouvoir une politique garantissant que l’UNRWA ne fera pas partie du lendemain » d’une victoire israélienne à Gaza. L’agence est visée parce qu’elle rassemble les Palestiniens ensemble plutôt que de tenter de les disperser, et qu’elle consacre le droit des réfugiés palestiniens à rentrer chez eux, conformément à la résolution 194 de l’Assemblée générale des Nations unies. Les États-Unis ont immédiatement suspendu tout financement de l’UNRWA, suivis par 15 autres États, dont l’Allemagne, le Royaume-Uni et la France, mettant ainsi en péril la survie même de l’agence.
Le rapport de Reuters sur les efforts abusifs déployés par Israël pour contraindre les habitants de Gaza à faire de faux aveux fait suite à des articles parus dans le New York Times, le Guardian et Ha'aretz, basés sur le même document de l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA). Alors que les articles des journaux décrivaient les horribles conditions de détention des Palestiniens dans les prisons israéliennes, notamment le fait que les détenus étaient «battus, déshabillés, volés, avaient les yeux bandés, subissaient des abus sexuels et n’avaient pas accès à des avocats et à des médecins, souvent pendant plus d’un mois», ils ne disaient rien sur les tentatives de forcer les Palestiniens à faire de faux aveux sur leurs liens supposés avec le Hamas.
Ce silence est conforme à la partialité systématique des grands médias dans leur couverture de la guerre génocidaire d’Israël contre Gaza afin de soutenir sa poursuite et son extension à l’Iran et à ses alliés dans la région.
Comme l'indique le Times, l'enquête de l’UNRWA s’est appuyée sur le témoignage de plus de 100 des 1.002 civils détenus sur trois sites militaires en Israël et libérés par la suite sans inculpation. Les détenus étaient des hommes et des femmes âgés de 6 à 82 ans, dont certains souffraient de la maladie d'Alzheimer, de déficiences intellectuelles et de cancers. Certains habitants de Gaza sont morts en détention, notamment ceux qui n'ont pas eu accès à un traitement médical. Nombre d'entre eux ont été capturés dans le nord de la bande de Gaza alors qu'ils s'abritaient dans des hôpitaux et des écoles ou qu'ils fuyaient vers le sud, tandis que d'autres se sont vu retirer leur permis de travail en Israël après le 7 octobre, ce qui les a laissés bloqués et détenus en Israël.
Le rapport décrit « une série de mauvais traitements auxquels des habitants de Gaza de tous âges, de toutes capacités et de toutes origines ont déclaré avoir été confrontés dans des centres de détention improvisés en Israël » et conclut qu’ils « ont été utilisés pour obtenir des informations ou des aveux, pour intimider et humilier, et pour punir ». On estime que 3.000 habitants de Gaza sont toujours détenus par Israël sans avoir accès à un avocat, un droit refusé pendant 180 jours aux détenus capturés à Gaza en vertu de la législation adoptée depuis le début de la guerre.
Certains détenus de sexe masculin ont déclaré avoir été frappés sur leurs parties génitales, tandis que des femmes ont subi des 'attouchements inappropriés pendant les fouilles et comme forme de harcèlement alors qu'elles avaient les yeux bandés' et ont été forcées de se déshabiller devant des soldats de sexe masculin pendant les fouilles.
Les conclusions du rapport confirment celles de plusieurs groupes de défense des droits israéliens et palestiniens, ainsi que des enquêtes distinctes menées par deux rapporteurs spéciaux des Nations unies, qui font état d'abus similaires dans les prisons israéliennes.
Jeudi, Ha'aretz a rapporté que 27 détenus de Gaza étaient morts en détention dans des camps de prisonniers temporaires situés dans des centres militaires israéliens depuis le début de la guerre. En décembre, Ha'aretz a révélé que les détenus de Sde Teiman étaient menottés et avaient les yeux bandés toute la journée.
Selon les données que le Centre HaMoked pour la défense de l'individu a reçues de l'administration pénitentiaire israélienne, au 1er mars, l'administration pénitentiaire détenait 793 résidents de Gaza dans ses prisons sous le statut de 'combattants illégaux', en plus d'un nombre inconnu de Gazaouis détenus dans des centres de détention militaires.
Dans un autre article paru la semaine dernière, Ha'aretz a rapporté que la police détenait des Palestiniens, y compris ceux qui se sont retrouvés bloqués après la guerre lorsque leurs permis de travail ont été révoqués, dans des cages de fortune faites de barreaux, sans murs, sans lits ni toilettes, en raison d'une pénurie de cellules de prison, les laissant exposés au froid, 24 heures sur 24. Bien que le juge Gad Ehrenberg, lors d'une audience au tribunal de première instance de Jérusalem, ait qualifié les conditions de vie dans une base de la police des frontières à Atarot, près de Jérusalem, d''inadaptées à l'homme' et ait exigé qu'il soit mis fin à cette pratique, rien n'a changé.
Dans un autre cas, un Palestinien qui avait été détenu pendant quatre jours sans être autorisé à prendre une douche et 'sans nourriture ni couverture appropriées, malgré le froid extrême', comme l'a expliqué son avocat, a été libéré après qu'un tribunal a statué le mois dernier que 'les conditions qui y règnent violent grossièrement la loi régissant les détentions, violant ainsi les droits fondamentaux des suspects'.
Les prisonniers de sécurité et les détenus de la prison de Gilboa et de Megiddo-où deux prisonniers sont morts dans les semaines qui ont suivi le début de la guerre- dans le nord d'Israël ont signalé que les gardiens de prison les avaient agressés, humiliés et maltraités après le 7 octobre, notamment en les menaçant de violence s'ils refusaient d'embrasser le drapeau israélien. L'administration pénitentiaire n'a pas tenu compte de leurs plaintes, sous les instructions du leader du Pouvoir juif et ministre de la sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir, qui a depuis longtemps déclaré la guerre aux prisonniers palestiniens, en donnant notamment l'ordre de fermer les boulangeries qui fournissent du pain aux prisonniers, ce qu'il a décrit comme une 'indulgence', et en limitant de manière drastique l'utilisation de l'eau.
(Article paru en anglais le 12 mars 2024)