Gaza devient une «zone de la mort» alors que les Nations unies suspendent l’aide humanitaire à des centaines de milliers de personnes dans le nord du territoire

Des Palestiniens font la queue pour un repas gratuit à Rafah, dans la bande de Gaza, le vendredi 16 février 2024. Le Programme alimentaire mondial a déclaré mardi qu'il avait interrompu les livraisons de nourriture dans le nord de la bande de Gaza. [AP Photo/Fatima Shbair]

Le Programme alimentaire mondial des Nations unies (PAM) a annoncé mardi la suspension de toute aide humanitaire à la partie nord de la bande de Gaza. Les quelque 400.000 personnes qui languissent encore dans la ville de Gaza et ses environs n’ont pratiquement pas reçu d’aide depuis des mois en raison du blocus israélien. Des informations font état de familles qui survivent grâce à de la nourriture pour animaux.

Les livraisons n’ont repris que dimanche, après une pause de trois semaines due au bombardement par Israël d’un camion de l’Office de secours et travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine au Proche-Orient (UNRWA). Le communiqué du PAM annonçant cette dernière suspension de l’aide indique que «le plan était d’envoyer 10 camions de nourriture pendant sept jours d’affilée, pour aider à endiguer la vague de faim et de désespoir et pour commencer à établir la confiance dans les communautés qu’il y aurait assez de nourriture pour tout le monde ».

«Dimanche, alors que le PAM entamait sa route vers la ville de Gaza, le convoi a été encerclé par des foules de personnes affamées à proximité du point de contrôle de Wadi Gaza. Après avoir repoussé les multiples tentatives de gens essayant de monter à bord de nos camions, puis avoir essuyé des tirs à l’entrée de la ville de Gaza, notre équipe a pu distribuer une petite quantité de nourriture en cours de route. Lundi, le deuxième convoi s’est dirigé vers le nord et a été confronté au chaos et à la violence en raison de l’effondrement de l’ordre civil. Plusieurs camions ont été pillés entre Khan Younes et Deir al Balah, et un chauffeur de camion a été battu. Le reste de la farine a été distribué spontanément à partir des camions dans la ville de Gaza, dans un climat de forte tension et de colère explosive».

Après avoir prédit en décembre que les habitants seraient confrontés à une famine d’ici mai si la situation ne s’améliorait pas radicalement, l’agence a fait état cette semaine de «niveaux de désespoir sans précédent» pour les habitants du nord. Un rapport publié lundi par le PAM et l’UNICEF révèle qu’un enfant sur six âgé de moins de deux ans dans le nord de la bande de Gaza souffre de malnutrition aiguë.

Cette situation épouvantable est le résultat délibéré de l’attaque génocidaire d’Israël sur Gaza, qui a déjà coûté la vie à plus de 30.000 personnes. Le bilan officiel a dépassé les 29.300 morts mercredi, et 7.000 autres personnes ont été déclarées disparues et présumées mortes. Depuis le début des bombardements en octobre dernier, Israël a intentionnellement empêché l’aide d’atteindre Gaza, utilisant la nourriture comme arme de guerre.

En novembre, Giora Eiland, l’ex-chef du Conseil national de sécurité israélien, a publié un article dans lequel il préconise l’utilisation de la famine et de la maladie pour décimer la population. «La communauté internationale nous met en garde contre une catastrophe humanitaire à Gaza et de graves épidémies. Nous ne devons pas nous dérober, aussi difficile que cela puisse être. Après tout, de graves épidémies dans le sud de la bande de Gaza rapprocheront la victoire et réduiront les pertes parmi les soldats de Tsahal», a-t-il écrit.

Comme le World Socialist Web Site l’a noté à l’époque, cette politique s’apparente à la stratégie des nazis pendant la Seconde Guerre mondiale à l’égard des Juifs, qu’on a laissé croupir dans les ghettos où beaucoup sont morts de faim et de maladie avant que ceux ayant survécu ne soient expédiés dans les camps de concentration.

Si le taux de faim et de maladie dans le nord est extrême, la situation à laquelle est confrontée toute la population de Gaza est épouvantable. Le directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), Tedros Adhanom Ghebreyesus, a décrit mercredi Gaza comme une «zone de la mort». Il a ajouté: «La situation sanitaire et humanitaire à Gaza est inhumaine et continue de se détériorer».

La rapporteuse spéciale des Nations unies Francesca Albanese a parlé d’un «effondrement total de l’ordre civil» dans l’enclave. Prenant acte de la décision du PAM de suspendre l’aide au nord, elle a ajouté: «Imaginez un parent qui doit se battre pour obtenir de la nourriture pour son enfant qui meurt de faim… Nous devons tous avoir honte de permettre cette trahison de l’humanité».

Al-Jazeera à parlé à une mère vivant dans la cour d’une école de l’UNRWA, au camp de réfugiés de Jabalia dans le nord de la bande de Gaza, qui est forcée de nourrir sa famille de huit personnes avec des crêpes frites fabriquées à partir d’aliments pour animaux broyés. Cette femme a déclaré: «Avec cette nourriture on continue d’avoir faim. Mon petit dernier se réveille la nuit en criant famine, car les enfants n’ont que du pain pour remplir l’estomac ».

«Aujourd’hui, j’ai trouvé cette farine de maïs, et peut-être que je ne la trouverai pas demain... la situation empire de jour en jour, notre situation est très misérable».

À l’hôpital al-Nasser de Khan Younes, une mission conjointe du Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA), de l’OMS et du Croissant-Rouge palestinien a découvert des «conditions épouvantables» lors de l’évacuation des patients les plus gravement blessés suite à un siège de plusieurs semaines par l’armée israélienne. Jonathan Whittall, fonctionnaire de l’OCHA, a déclaré: «Il y a 150 patients dans l’un de ces bâtiments. Ils n’ont ni nourriture, ni eau, ni électricité. Il ne reste que très peu de médecins et d’infirmières à l’intérieur de cet hôpital… »

«Il y a des cadavres dans les couloirs. Les patients sont dans une situation désespérée. C’est devenu un lieu de mort, pas un lieu de guérison».

Au milieu de cette misère, les bombardements quotidiens d’Israël se poursuivent. Mardi soir, une frappe sur une maison familiale à Rafah a tué Nour Naser abu al-Nour, avocate du Centre palestinien pour les droits de l’homme, ainsi que sept membres de sa famille. L’organisation a déclaré qu’elle jouait un rôle dans la documentation des violations des droits de l’homme et dans la lutte contre l’injustice. Les frappes sur le quartier Zeitoun de la ville de Gaza et sur le camp de réfugiés de Nuseirat, dans le centre de la bande de Gaza, ont tué au moins 12 personnes mercredi, dont un journaliste et sa femme.

La catastrophe à laquelle sont confrontés les Palestiniens de Gaza continue de s’aggraver en raison du soutien illimité apporté à Israël par l’impérialisme américain et ses alliés européens. Mardi, alors que les informations faisant état d’une famine massive affluaient de Gaza, Washington a utilisé son droit de veto au Conseil de sécurité de l’ONU pour bloquer une résolution appelant à un cessez-le-feu. Le texte vaguement formulé proposé par les États-Unis au lieu du texte original soumis par l’Algérie appelait à un cessez-le-feu «dès que possible», c’est-à-dire à la discrétion du gouvernement d’extrême droite d’Israël qui a déclaré à plusieurs reprises son intention de lancer un génocide contre les Palestiniens.

Le ministre israélien de la Guerre Benny Gantz a réaffirmé mercredi qu’Israël était prêt à lancer une offensive totale sur Rafah pendant le ramadan. Au moins 1,4 million de personnes sont entassées dans la ville, qui ne comptait que 280.000 habitants avant les bombardements israéliens. Une offensive terrestre forcerait les Palestiniens à quitter leur dernier refuge à Gaza, réalisant ainsi le plan israélien de nettoyage ethnique de l’enclave afin d’y établir des colonies juives et d’y exercer un contrôle sécuritaire direct.

L’approbation de cette sauvagerie par les puissances impérialistes est liée à leur poursuite d’une guerre à l’échelle de la région visant l’Iran et ses alliés. Le Moyen-Orient apparaît rapidement comme l’un des fronts d’un nouveau partage du monde par les puissances impérialistes, motivé par les contradictions insolubles du système de profit capitaliste. De nouvelles frappes aériennes américaines contre les Houthis au Yémen ont été signalées mercredi, tandis qu’Israël a effectué une frappe sur Damas qui aurait visé un haut responsable du Hezbollah. Washington est déterminé à tout prix à consolider sa domination sur le Moyen-Orient, riche en énergie, face à ses rivaux, principalement la Chine et la Russie, même au prix d’un bain de sang régional.

La seule force sociale capable de mettre fin à la détresse de la population de Gaza et d’arrêter la descente du Moyen-Orient dans la guerre est la classe ouvrière internationale. En mobilisant l’opposition massive au génocide israélien exprimée par des millions de gens lors de manifestations organisées dans le monde entier ces derniers mois, les travailleurs doivent lutter pour mettre un terme à toutes les livraisons et productions militaires destinées à Israël. La tâche urgente est la construction d’un mouvement anti-guerre international pour arrêter le génocide et l’escalade des impérialistes vers une troisième guerre mondiale et la lutte pour un programme socialiste afin de mettre fin au capitalisme rongé par la crise.

(Article paru en anglais le 22 février 2024)

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