Les États-Unis et le Royaume-Uni ont commencé à bombarder le Yémen cette nuit, notamment les villes densément peuplées du pays. Si l'ampleur de l'assaut n'est pas encore connue, ce bombardement est un acte de guerre illégal visant une nation opprimée et appauvrie qui a déjà été ravagée par un assaut de dix ans de l'Arabie saoudite, soutenue par les États-Unis et leurs alliés.
Cet attaque met en évidence le danger croissant d'un vaste conflit au Moyen-Orient, alors que les États-Unis cherchent à transformer le génocide israélien à Gaza en offensive à l'échelle de la région, visant en particulier l'Iran.
Dans une déclaration à Reuters, un responsable houthi a confirmé que les frappes avaient touché la capitale, Sanaa, qui compte plus de trois millions d'habitants, ainsi que Dhamar au sud-ouest, Sadda au nord-ouest et Al Hudaydah, la plus grande ville portuaire du Yémen, située sur la rive est de la mer Rouge.
Des journalistes de l'Associated Press ont rapporté avoir entendu cinq frappes aériennes à Sanaa. Des images postées sur X/Twitter montrent de fortes explosions à Al Hudaydah. À l'heure où nous écrivons ces lignes, le bilan des morts et des blessés n'est pas connu.
Dans une déclaration citée par l'agence de presse Al Mayadeen, Hussein al-Ezzi, vice-ministre houthi des Affaires étrangères, a déclaré: « Notre pays a fait l'objet d'une attaque agressive massive de la part de navires, de sous-marins et d'avions de guerre américains et britanniques, et ils devront se préparer à payer un lourd tribut et à supporter toutes les conséquences désastreuses de cette agression flagrante ».
Les États-Unis et le Royaume-Uni ont effectivement lancé une nouvelle guerre sans même l'ombre d'une approbation du Congrès ou du Parlement. Dans un contexte de colère populaire généralisée et persistante face au génocide de Gaza, le président américain Joe Biden et le premier ministre britannique Rishi Sunak n'ont pas été devant la presse pour annoncer l'opération ou pour répondre aux questions sur les bombardements.
Au lieu de quoi la Maison Blanche a publié un communiqué au nom de Biden confirmant que les frappes avaient commencé.
« Aujourd'hui, sous ma direction, les forces militaires américaines, en collaboration avec le Royaume-Uni et avec le soutien de l'Australie, du Bahreïn, du Canada et des Pays-Bas, ont mené avec succès des frappes contre un certain nombre de cibles au Yémen utilisées par les rebelles houthis pour mettre en péril la liberté de navigation sur l'une des voies navigables les plus vitales du monde», indique le communiqué.
Biden a conclu en menaçant d'une nouvelle escalade. « Ces frappes ciblées sont un message clair que les États-Unis et leurs partenaires ne toléreront pas les attaques contre leur personnel et ne permettront pas à des acteurs hostiles de mettre en péril la liberté de navigation sur l'un des itinéraires commerciaux les plus importants au monde. Je n'hésiterai pas à prendre d'autres mesures pour protéger notre personnel et la libre circulation du commerce international si nécessaire ».
La tentative de présenter le bombardement comme une action défensive, respectant le droit international, est une fraude de même ampleur que les mensonges sur les armes de destruction massive utilisés pour justifier l'invasion illégale de l'Irak en 2003.
L'objectif évident de ce bombardement est de s'assurer que rien n'entrave le génocide américano-israélien des Palestiniens de Gaza, qui dure maintenant depuis trois mois. Depuis la mi-novembre, les forces houthies ont mené un certain nombre d'opérations en mer Rouge, dans le but déclaré d'empêcher que du matériel de guerre et des fournitures militaires ne soient livrés à Israël et utilisés contre Gaza.
La campagne de bombardement menée par les États-Unis va donc de pair avec le financement par l'administration Biden du génocide de Gaza, à hauteur de dizaines de milliards de dollars, et avec les livraisons « urgentes » répétées de munitions au régime sioniste pour garantir la poursuite du massacre.
La guerre est en préparation depuis des semaines. En décembre, l'administration Biden avait dévoilé l'«Opération Prosperity Guardian », une coalition internationale visant à renforcer le contrôle de facto des États-Unis et d'Israël sur la mer Rouge. Cette opération comprenait un lobbying public auprès des États européens et alliés pour qu'ils s’engagent à déployer des navires de guerre dans la région.
Le 3 janvier, une déclaration orchestrée par les États-Unis et signée par 13 de leurs « partenaires » contenait des menaces belliqueuses de conflit avec les Houthis. Mercredi, les États-Unis ont réussi à faire adopter par le Conseil de sécurité des Nations unies une résolution condamnant les Houthis et préparant le terrain pour une attaque contre le Yémen.
Les États-Unis et le Royaume-Uni attaquent un pays qui a déjà été décimé par une guerre soutenue par l'impérialisme.
En 2014 et 2015, le mouvement Houthi a pris le contrôle de vastes parties du Yémen, dans le cadre d'une lutte de masse contre le gouvernement du président de l'époque, Abdrabbuh Mansur Hadi. Ce dernier était arrivé au pouvoir à la suite d'un soulèvement populaire en 2011 contre le régime impérialiste et saoudien d'Ali Abdullah Saleh, mais n'avait résolu aucune des questions sociales qui avaient donné lieu à ce bouleversement.
L'Arabie saoudite a réagi à l'avancée des Houthis en lançant une guerre brutale en mars 2015 dans le but de rétablir Hadi. Au début de l'année 2022, les Nations unies ont estimé que l'assaut saoudien avait fait 377 000 morts.
Au cours de la guerre, l'Arabie saoudite a mené des actions à caractère génocidaire, dans certains cas parallèles à ce qu'Israël inflige aujourd'hui à Gaza. Cela comprenait un blocus de tous les approvisionnements, initié en 2015 et intensifié en 2017. L'Arabie saoudite a ensuite affirmé avoir levé le siège, mais a continué à entraver et à retarder l'approvisionnement du pays.
L'Arabie saoudite a systématiquement bombardé les cultures agricoles et les denrées alimentaires du Yémen, dans le cadre d'une politique visant à orchestrer délibérément une famine. Selon les estimations, jusqu'à 60 pour cent des décès sont dus à la famine. Cet assaut a contribué à l'apparition de maladies de masse, dont une épidémie de choléra qui a infecté un million de personnes dans un pays de 34 millions d'habitants.
En 2019, les Nations unies ont averti que le Yémen comptait le plus grand nombre de personnes ayant besoin d'une aide humanitaire urgente au monde. Ce groupe englobait environ 75 pour cent de l'ensemble de la population. L'année suivante, le Yémen était le deuxième pays le plus mal placé au monde sur l'indice mondial de la faim, ainsi que le plus haut sur l'indice des États fragiles.
Les crimes de guerre commis au Yémen ont été financés par les administrations américaines successives, à commencer par celle d'Obama. Entre 2015 et 2021, le ministère américain de la Défense a alloué 54,6 milliards de dollars de soutien militaire à l'Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis (EAU), qui ont également joué un rôle central dans les bombardements. Les États-Unis, ainsi que leurs alliés comme la Grande-Bretagne, ont formé les pilotes saoudiens, fourni des renseignements et défendu politiquement l'assaut.
En bombardant le Yémen, les États-Unis et le Royaume-Uni reviennent moins sur les lieux d'un crime antérieur qu'ils n'en poursuivent un qui n'a jamais pris fin. Al Hudaydah, l'une des villes bombardées le 11 janvier, était une cible particulière de l'Arabie saoudite, car il s'agit d'un port. Empêcher les Houthis d'accéder à la mer Rouge était également un élément clé du blocus de l'Arabie saoudite.
Le soutien des États-Unis à l'assaut saoudien était lié au fait que les Houthis sont un mouvement chiite lié à l'Iran. En prenant le pouvoir, ils ont menacé le statu quo dominé par l'impérialisme ainsi que les actions prolongées des États-Unis contre l'Iran.
L'attaque actuelle, qui survient dans un contexte de génocide israélo-américain à grande échelle à Gaza, d'opérations de bombardement sionistes visant le Liban et la Syrie et de menaces de Washington à l'encontre de l'Iran, souligne le danger d'une conflagration massive dans toute la région et plus largement.
(Article paru d’abord en anglais le 12 janvier 2024)