Alors que les Forces de défense israéliennes (FDI) font la guerre à Gaza avec le soutien inconditionnel des États-Unis et de l’OTAN et que les responsables israéliens menacent de larguer une bombe nucléaire sur l’enclave assiégée, la confrontation s’intensifie entre l’Iran et les puissances impérialistes au sujet de l’expulsion par Téhéran d’un certain nombre d’inspecteurs de l’AIEA (Agence internationale de l’énergie atomique) qui surveillaient son programme d’énergie nucléaire.
Il est donc urgent que les manifestations de masse contre la guerre génocidaire des FDI à Gaza s’opposent à l’escalade militaire impérialiste contre l’Iran. Il est de plus en plus probable que Washington puisse attaquer l’Iran et que la guerre de Gaza embrase tout le Moyen-Orient.
Les États-Unis ont déjà envoyé deux groupes de porte-avions dans la région et, fait rarissime, ont récemment fait savoir qu’ils avaient également déployé dans la région un sous-marin à propulsion nucléaire et potentiellement doté d'armes nucléaires.
Au cours des deux dernières décennies, les responsables américains ont menacé maintes fois de lancer une première frappe, éventuellement avec des armes nucléaires, afin d’empêcher l’Iran d’obtenir une bombe nucléaire.
Mercredi, les responsables de l’AIEA se sont plaints que l’Iran refusait d’accréditer plusieurs de ses inspecteurs, dont des citoyens français et allemands, tout en continuant à produire de l’uranium fortement enrichi. Le gouvernement iranien a retiré l’accréditation des inspecteurs en représailles à ce qu’il a appelé des «abus politiques» de la part des gouvernements américain, britannique, français et allemand.
«L’attitude de l’Iran est non seulement sans précédent, mais aussi clairement contraire à la coopération requise», a écrit Rafael Grossi, directeur de l’AIEA. Grossi a également pointé les stocks de plus en plus importants d’uranium fortement enrichi que l’Iran a constitués depuis 2018, lorsque le président américain de l’époque Donald Trump avait unilatéralement annulé l’accord de 2015 sur le nucléaire iranien, soutenu par l’ONU, et a imposé des sanctions économiques dévastatrices à l’Iran. Washington a utilisé sa domination du système financier mondial pour intimider ses alliés européens et une grande partie du reste du monde afin qu’ils appliquent ces sanctions, elles-mêmes équivalentes à un acte de guerre.
Les responsables de l’AIEA ont découvert en septembre que l’Iran possédait 128,3 kilos d’uranium enrichi à 60 pour cent. Il s’agit d’une opération technique relativement simple pour transformer l’uranium enrichi en uranium de qualité militaire, enrichi à 90 pour cent, qui peut alors être utilisé pour fabriquer des bombes nucléaires. L’AIEA a indiqué que, sur cette base, l’Iran disposait de suffisamment d’uranium enrichi à 60 pour cent pour fabriquer trois bombes nucléaires en quelques semaines, une fois cet uranium enrichi à 90 pour cent.
En mai, les représentants de l’AIEA en Iran ont déclaré avoir détecté des traces d’uranium enrichi à plus de 83 pour cent, c’est-à-dire très proche de la qualité militaire.
L’Iran avait initialement annulé la certification des inspecteurs de l’AIEA en septembre, après que les puissances européennes eurent annoncé qu’elles continueraient à appliquer une série de sanctions devant bientôt expirer en vertu de l’accord sur le nucléaire iranien de 2015. Les actions de Téhéran avaient alors suscité une protestation de la part de l’AIEA. L’agence de l’ONU basée à Vienne avait publié une déclaration selon laquelle «cette mesure, bien qu’officiellement autorisée […] a été exercée par l’Iran d’une manière qui affecte directement et sérieusement la capacité de l’Agence à mener efficacement ses activités de vérification en Iran, en particulier dans les installations d’enrichissement».
Cependant, cette semaine — après le déclenchement de la guerre d’Israël contre Gaza en octobre et alors que les questions sur l’état du programme nucléaire iranien et du stock d’uranium se multiplient — l’AIEA a publié une nouvelle déclaration dénonçant l’annulation de la certification comme étant «extrême et injustifiée».
Le gouvernement iranien a réagi en envoyant une lettre à l’AIEA mercredi, déclarant qu’il était «dans son droit» de retirer la certification aux inspecteurs. Il a toutefois ajouté qu’il «étudiait les possibilités de répondre à la demande» formulée par l’AIEA.
Les responsables du contrôle des armements soulignent que si l’Iran continue à enrichir de l’uranium, il y a un risque croissant que Washington et Tel-Aviv s’en servent comme prétexte pour l’attaquer. En outre, l’une des principales installations du programme nucléaire iranien, une nouvelle usine de traitement souterraine située sous une montagne près de Natanz, à plus de 80 mètres de profondeur, serait suffisamment enfouie pour survivre aux attaques de toutes les bombes conventionnelles américaines. Cela accroît le risque que Washington choisisse de la bombarder avec des armes nucléaires.
L’achèvement d’une installation aussi profondément enfouie «risque de déclencher une nouvelle spirale d’escalade», a averti Kelsey Davenport, directrice de la politique de non-prolifération à l’Arms Control Association, basée à Washington. «Étant donné que l’Iran est très proche de la bombe, il ne dispose que de très peu de marge de manœuvre pour intensifier son programme sans franchir les lignes rouges des États-Unis et d’Israël. À ce stade, toute nouvelle escalade augmente donc le risque de conflit».
Contacté par l’Associated Press (AP) en mai, le gouvernement Biden avait confirmé qu’il était prêt à attaquer l’Iran, y compris potentiellement avec des armes nucléaires, pour l’empêcher de développer la capacité de fabriquer sa propre bombe atomique. «Nous pensons que la diplomatie est le meilleur moyen d’atteindre cet objectif, mais le président a également été clair sur le fait que nous n’avons retiré aucune option de la table», a déclaré la Maison-Blanche à l’AP.
Washington et ses alliés impérialistes européens n’ont jamais pardonné la révolution iranienne de 1979 qui a renversé la dictature sanglante du Shah d’Iran, soutenue par les États-Unis. En plus de 30 ans de guerre impérialiste au Moyen-Orient depuis la dissolution stalinienne de l’Union soviétique en 1991, l’Iran s’est retrouvé entouré de guerres menées par les États-Unis en Irak, en Afghanistan, en Syrie et au-delà, et qui ont fait des millions de morts. Et malgré ses ouvertures répétées aux États-Unis, Téhéran s’est retrouvé à maintes reprises dans le collimateur du Pentagone.
Le régime iranien a considéré son programme nucléaire, lancé sous le Shah, comme une monnaie d’échange utile dans ses relations avec Washington.
La politique de la corde raide nucléaire du gouvernement iranien ne contribue pas à développer les luttes de la classe ouvrière en Iran ou dans le monde. Elle n’est pas progressiste et ne mérite pas le soutien de la classe ouvrière. En effet, les sondages en Iran indiquent que seulement 33 pour cent de la population soutient le programme, contre environ 10 pour cent avant la guerre d’Israël contre gaza. Le rôle le plus agressif dans cette crise est toutefois joué par les puissances impérialistes qui pillent cette région riche en pétrole.
Les responsables américains, en particulier, ont menacé maintes fois d’envisager les actions les plus draconiennes, y compris des actes génocidaires de meurtre de masse, pour bloquer le programme nucléaire iranien. Après avoir menacé d’envahir et d’occuper l’Iran immédiatement après l’invasion et l’occupation illégales de l’Irak par les États-Unis en 2003, Washington et ses alliés européens ont lancé une campagne qui dénonçait le programme nucléaire de l’Iran et son opposition à Israël. En 2008, Hillary Clinton, alors candidate démocrate à la présidence des États-Unis, avait menacé d’«anéantir» l’Iran.
Les tensions ont augmenté entre les puissances impérialistes de l’OTAN et l’Iran après que l’alliance de l’OTAN eut lancé en 2011 une guerre de changement de régime en Syrie, qui continue encore aujourd’hui. L’Iran et la Russie sont intervenus pour soutenir le gouvernement syrien après que Washington, Londres et Paris eurent menacé de bombarder la Syrie en 2013. Après l’annulation par Washington du traité sur le nucléaire iranien de 2015, le programme nucléaire iranien est devenu le point de mire des tentatives américaines d’utiliser le contrôle du dollar américain, la principale monnaie d’échange mondiale, pour exclure l’Iran du système financier mondial et écraser son économie.
L’Iran a noué des liens plus étroits avec la Russie et la Chine, en particulier ces derniers temps, ce qui accroît le risque qu’une attaque des États-Unis ou de l’OTAN contre l’Iran ne déclenche des guerres qui s’étendront non seulement au Moyen-Orient, mais encore au monde entier. En 2021, l’Iran a signé avec la Chine un traité d’amitié d’une durée de 25 ans et d’une valeur de 400 milliards de dollars, qui inclurait une promesse d’assistance militaire mutuelle en cas de guerre. L’année dernière, la Russie et l’Iran ont noué des liens étroits pour la fabrication de drones, de munitions et d’autres fournitures militaires que la Russie utilise dans sa guerre contre l’OTAN en Ukraine.
Une guerre dirigée par les États-Unis contre l’Iran dans les années 2020, dans le contexte de l’émergence d’une troisième guerre mondiale, impliquerait rapidement des forces bien plus puissantes que celles qui se sont opposées à Washington en Afghanistan, en Irak et dans d’autres guerres dans les années 2000.
Le mois dernier, alors que Washington déployait deux groupes de combat de porte-avions au Moyen-Orient en réponse à la guerre d’Israël contre Gaza, le South China Morning Post a rapporté que la Chine enverrait sa propre flottille de six navires de guerre dans la région du golfe Persique.
Dans le cadre de sa guerre avec l’OTAN en Ukraine, Moscou envisagerait également de fournir à l’Iran des avions de chasse modernisés en échange des drones et des munitions qu’il reçoit de l’Iran. Moscou négocie également avec le chef de guerre libyen Khalifa Haftar en vue d’établir une base militaire en Méditerranée orientale, dans la ville de Tobrouk, dans l’Est libyen, à partir de laquelle il pourrait surveiller l’Europe et les forces militaires européennes en Méditerranée.
(Article paru en anglais le 17 novembre 2023)