Le gouvernement allemand utilise la guerre génocidaire menée par Israël contre Gaza et l’offensive militaire de l’OTAN contre la Russie pour faire avancer de manière agressive la militarisation de sa politique intérieure et extérieure. C’est ce que soulignent les déclarations faites par le ministre de la Défense Boris Pistorius (social-démocrate, SPD) dans la dernière édition de l’émission «Berlin Direkt» de la chaîne publique ZDF.
Abordant l’intensification des guerres et des crises internationales et le rôle de l’Allemagne dans celles-ci, Pistorius a déclaré :
Nous avons besoin d'un changement de mentalité. Parmi les troupes, cela bat son plein. Je le remarque, par exemple, lorsque nous parlons de la brigade lituanienne. Nous en avons besoin au ministère de la Défense, là, nous avons posé les jalons. Mais nous en avons également besoin dans la société dans son ensemble, et nous en avons encore besoin dans la politique. Le gouvernement fédéral s’est clairement engagé à respecter l’objectif [de l’OTAN] de 2 % .
Mais, et c’est très important, le changement de mentalité dans la société est lui aussi approprié. Nous devons à nouveau nous habituer à l'idée que le danger d’une guerre pourrait menacer l'Europe, ce qui signifie que nous devons être aptes à la guerre, que nous devons être vaillants et que nous devons mettre la Bundeswehr [armée allemande] et la société en état de le faire.
Les déclarations de Pistorius sont un sérieux avertissement. Près de huit décennies après la chute du Troisième Reich, la classe dirigeante allemande considère que le moment est venu d’agir à nouveau ouvertement comme puissance guerrière et de mener une guerre majeure – avec toutes les conséquences.
La dernière fois que l’Allemagne a été «apte à faire la guerre» et «vaillante», elle a détruit tout un continent et a commis, avec la guerre d’extermination contre l’Union soviétique et le meurtre de six millions de Juifs dans l’Holocauste, les plus grands crimes de l’histoire de l’humanité. Pour «mettre la société en état de le faire», la classe dirigeante a eu besoin d’une dictature fasciste qui a brutalement réprimé toute opposition.
Toute la propagande officielle sur la «liberté» et la «démocratie» ne peut cacher le fait que la bourgeoisie allemande suit à nouveau ces traditions et qu’elle revient aux objectifs et aux méthodes criminels des nazis: une politique de guerre génocidaire pour imposer ses intérêts impérialistes à l’extérieur et l’instauration d’un régime autoritaire à l’intérieur.
Sur ZDF, Pistorius a une fois de plus soutenu «sans réserve» les actes génocidaires du régime d'extrême droite de Netanyahou contre les Palestiniens, qui rappellent la répression nazie du soulèvement juif dans le ghetto de Varsovie en 1943, ou l'insurrection de Varsovie en 1944. Le bombardement de saturation monté par l’armée israélienne a déjà coûté la vie à 8 000 personnes et a détruit entièrement de grandes parties de la bande de Gaza, notamment des milliers de maisons, d’écoles, d’hôpitaux, de mosquées et d’églises.
Pistorius a déclaré impassible: «Il s'agit de légitime défense et du droit d'Israël à exister, et l'Allemagne fait clairement partie de ceux qui disent oui sans réserve à ce droit. C’est pourquoi il est de notre devoir de nous tenir aux côtés d’Israël et en même temps d’utiliser notre influence, dans la mesure où elle existe et peut être utilisée, pour garantir qu’il n’y aura pas de nouvelle escalade. »
La deuxième partie de la phrase est un pur mensonge. En fait, Berlin non seulement soutient le génocide de Gaza, mais joue également un rôle central dans la préparation d’une guerre par les puissances impérialistes contre l’Iran, qui menace de transformer toute la région en brasier. Les États-Unis ont déjà envoyé deux porte-avions, des avions de combat et des soldats. Et selon certaines informations, la Bundeswehr aurait également déployé des navires de guerre supplémentaires et plus de 1 000 soldats dans la région ces derniers jours.
La plupart d’entre eux étaient initialement stationnés à Chypre. Sur cette île de la Méditerranée orientale, située à peine à 400 kilomètres de Gaza, la Bundeswehr a mis en place un état-major de planification et de commandement – officiellement pour une éventuelle mission d’évacuation – et y a positionné des forces spéciales de la marine allemande (KSM). D’autres soldats du commandement des forces spéciales (KSK) se trouvent en Jordanie. Des soldats et des avions ravitailleurs allemands sont déjà déployés sur la base aérienne d’al-Azrak dans le cadre de la mission internationale anti-EI («Contrer Daesh»).
Des navires de guerre allemands sont également mobilisés. Selon la marine allemande, la frégate Baden-Württemberg a quitté Wilhelmshaven le 20 octobre «comme premier navire de classe 125» à participer à la mission FINUL au large des côtes libanaises. Elle remplace la corvette Oldenburg, qui doit également rester dans la région. Elle sera rejointe par le navire ravitailleur du groupement tactique Frankfurt-am-Main. Le plus grand navire de guerre allemand, d'une longueur de 174 mètres et avec équipage de 159 hommes, serait arrivé au port chypriote de Limassol la semaine dernière.
En fait, la classe dirigeante ne se soucie pas avec son renforcement militaire de sauver les citoyens allemands ou même les «vies juives» comme voudrait nous le faire croire la propagande officielle. Comme en Ukraine et en Russie, l’impérialisme allemand poursuit au Moyen-Orient des intérêts géostratégiques et économiques et est prêt à les imposer par des moyens militaires.
Lorsque Pistorius appelle à ce que l’Allemagne soit «apte à faire la guerre», il rêve de guerres pour les matières premières et les sphères d’influence dans le monde entier.
Dans une récente tribune libre dans Die Welt, il écrivait: «En même temps, il existe pour nous toutes sortes de raisons d'élargir notre regard et de nous impliquer non seulement dans notre voisinage immédiat, mais encore au-delà. Par exemple, dans l’Inde-Pacifique, une région du monde qui devient un défi grandissant, pour nos amis américains et pour nous, face à une Chine de plus en plus affirmée qui remet en partie en question l’ordre fondé sur des règles. »
Il ne cache pas non plus les motivations impérialistes. «En tant que nation commerçante, nous avons un intérêt vital à la stabilité et à la sécurité dans la région Inde-Pacifique. La liberté de navigation des routes maritimes, l'accès, le commerce et la coopération dans la région sont d'une importance capitale pour l'économie mondiale et donc aussi pour nous.» C’est pourquoi l’Allemagne devait là-bas aussi «être plus présente».
Il faut que les travailleurs et les jeunes comprennent que ce sont eux qui paieront sous tous les rapports cette nouvelle folie guerrière mondiale de la classe dirigeante. Comme chair à canon sur les champs de bataille et sous forme d'attaques massives contre les droits sociaux et démocratiques, pour financer et imposer cette politique de guerre mondiale.
Dans une autre déclaration de l'Office pour l'infrastructure, la protection de l'environnement et les services de la Bundeswehr, qui a fait l'objet d'une large couverture au journal télévisé de lundi soir, Pistorius a déclaré: «Il doit y avoir accord sur le fait qu'une augmentation des dépenses de défense est et reste nécessaire pour que la Bundeswehr puisse remplir sa mission.» Puis : « Formation et exercice ont de nouveau pour objectif la crise... Et cette crise s'appelle la guerre. »
Pistorius et Cie peuvent crier en faveur de la guerre jusqu’à l’épuisement. Cela ne change rien au fait que l’antimilitarisme a des racines profondes, notamment depuis les crimes nazis chez les travailleurs en Allemagne. Au contraire, plus la classe dirigeante exprime ouvertement sa politique et plus tous les partis de l'establishment – du Parti de gauche au parti d'extrême droite Alternative pour l'Allemagne (AfD) – serrent les rangs derrière le génocide israélien et criminalisent toute opposition à son égard, plus la résistance se développe de manière explosive. La tâche cruciale est de l'orienter vers les luttes de la classe ouvrière internationale et de l'armer d'un programme socialiste.
(Article paru en anglais le 1er novembre 2023)