Le gouvernement allemand et les partis d’opposition se réfèrent régulièrement à un prétendu «pare-feu» qu’ils ont érigé contre l’Alternative pour l’Allemagne (AfD), un parti d’extrême droite. En réalité, un tel mur n’a jamais existé et dans la mesure où ils avaient quelques divergences mineures avec l’AfD, elles ont disparu depuis longtemps.
Cela n’est nulle part plus évident que dans la politique des réfugiés. Tous les partis représentés au Bundestag – des conservateurs de la CDU/CSU aux partis de gouvernement, en passant par les sociaux-démocrates (SPD), les Verts, le parti néolibéral FDP et le Parti de gauche – ont adopté le programme de l’AfD. Le slogan «Les étrangers dehors!», autrefois réservé aux skinheads et aux néonazis, est devenu le cri de guerre des principaux milieux politiques allemands.
Le 21 octobre, l’hebdomadaire Der Spiegel a publié en couverture une photo du chancelier Olaf Scholz et le titre: «Nous devons enfin procéder à des déportations à grande échelle». Depuis lors, la campagne de haine contre les réfugiés n’a pas cessé.
Le vice-président de la CDU, Jens Spahn, a demandé que les «mouvements d’immigration irréguliers» soient stoppés «par la force physique» si nécessaire et que les réfugiés recueillis par bateau en Méditerranée soient renvoyés illégalement «sur la côte nord-africaine».
Puis, le 25 octobre, le cabinet allemand a adopté un «plan législatif global pour un rapatriement accru et plus rapide» qui combine l’inhumanité et la cruauté sadique. Les demandeurs d’asile sans droit de séjour, qui ont vécu et travaillé ici pendant des années, peuvent être tirés de leur lit sans avertissement et brusquement enfermés pendant 28 jours avant d’être expulsés de force. La police est autorisée à fouiller non seulement leur logement et leurs téléphones portables, mais aussi le logement de leurs voisins, le tout sans autorisation.
Les médias en ont parlé comme si l’avenir de l’Allemagne dépendait de l’expulsion de quelques milliers de réfugiés. Ils font du plus faible des faibles le bouc émissaire de la crise des municipalités allemandes, qui ont réduit les dépenses sociales depuis des décennies. En fait, une fraction des 80 milliards d’euros qui seront consacrés au réarmement au cours de l’année à venir ou des milliards de bénéfices réalisés par les grandes entreprises allemandes suffirait à subvenir aux besoins de tous les réfugiés vivant en Allemagne.
L’agitation contre les réfugiés fait partie d’une attaque globale contre les droits démocratiques fondamentaux. Le gouvernement, l’opposition et les médias adoptent les politiques de l’AfD et renforcent ainsi la position de ce parti fasciste afin d’intimider et de réprimer toute opposition à ses politiques de guerre et à ses attaques sociales.
Le soutien du gouvernement allemand et de tous les partis du Bundestag à la campagne du gouvernement israélien visant à affamer et décimer 2,3 millions de Palestiniens à Gaza s’accompagne d’une attaque sans précédent contre le droit à la liberté d’expression. En Allemagne, les manifestations exprimant la moindre sympathie pour les Palestiniens ont été interdites et violemment dispersées par la police. Il suffit de montrer un drapeau palestinien ou de porter un foulard palestinien pour être malmené et arrêté par la police. Les Juifs qui s’opposent aux crimes de guerre du régime de Netanyahou sont également touchés.
Le chef de la CDU, Friedrich Merz, a exigé que seuls ceux qui déclarent leur soutien à la sécurité d’Israël puissent devenir citoyens allemands. «Quiconque n’est pas d’accord avec cela n’a rien à faire en Allemagne», a-t-il déclaré à la télévision allemande. Par principe, Merz veut priver les réfugiés palestiniens de tout accès à l’Allemagne.
Cette politique n’a rien à voir avec la défense du peuple juif. Il suffit pour s’en convaincre de constater que l’AfD, truffée de néonazis et d’antisémites, soutient sans réserve le gouvernement israélien. Pour les cercles dirigeants allemands, le conflit au Moyen-Orient est un autre front d’une guerre mondiale qui ne vise rien de moins qu’une nouvelle division du monde.
Au cours des dix dernières années, l’élite dirigeante allemande a ouvertement déclaré la «fin de la retenue militaire» et poursuivi une nouvelle politique de «grande puissance» fondée sur la force militaire. Dans la guerre en Ukraine, elle joue le rôle principal derrière les États-Unis. Elle sacrifie la vie de centaines de milliers de jeunes hommes pour vaincre la Russie, démanteler le pays et placer ses vastes ressources sous le contrôle de l’Allemagne.
Au Moyen-Orient, les États-Unis déploient une flotte de guerre massive, principalement dirigée contre l’Iran. Après 33 ans de guerre, qui ont conduit à la dévastation de l’Afghanistan, de l’Irak, de la Libye et de la Syrie, les États-Unis tentent à nouveau de dominer la région. L’Allemagne n’est pas disposée à rester à l’écart et à manquer le butin de guerre.
Cette politique insensée, qui risque de conduire directement à une troisième guerre mondiale nucléaire, est incompatible avec la démocratie et se heurte déjà à une résistance massive dans le monde entier. Chaque jour qui passe révèle le caractère génocidaire de la guerre contre les Palestiniens. Dans le même temps, on assiste à une résistance croissante à l’impact des coûts énormes de la guerre, qui sont répercutés sur les travailleurs par le biais de réductions de salaires, de licenciements et de coupes sociales.
C’est la raison pour laquelle les partis de l’establishment en Allemagne serrent maintenant les rangs, adoptent les politiques de l’AfD et soutiennent un parti aussi méprisé. Aujourd’hui, ils attaquent quiconque s’oppose à la guerre menée contre les Palestiniens, demain ils attaqueront quiconque s’opposera à leurs attaques sociales.
La lutte contre la guerre, la défense des droits démocratiques et la résistance au système de profit capitaliste sont indissociables. Le mouvement grandissant contre la guerre doit être uni aux luttes mondiales de la classe ouvrière. Cela nécessite, avant tout, la construction de la Quatrième Internationale et des partis de l’égalité socialiste en tant que direction socialiste de la classe ouvrière.
(Article paru en anglais le 31 octobre 2023)