La Riposte veut garder les travailleurs du secteur public au Québec sous l’emprise de la bureaucratie syndicale

Alors que les 600.000 travailleurs du secteur public ont voté massivement en faveur de la grève et bénéficient d'un large soutien dans la population, le gouvernement de la CAQ (Coalition Avenir Québec) dirigé par François Legault maintient la ligne dure: «hausse» de salaires sous l'inflation, érosion des retraites, surcharge de travail, et intensification de la privatisation.

Cela met à nu la faillite de la stratégie des chefs syndicaux axée sur la «négociation», qui vise en fait à étouffer la résistance des travailleurs et à bloquer toute mobilisation de masse contre Legault. C’est dans ce contexte que des éléments de la pseudo-gauche, comme La Riposte socialiste, enjoignent les travailleurs à faire pression sur la bureaucratie syndicale dans le vain espoir de pousser celle-ci à adopter une politique «plus militante».

La Riposte cherche ainsi à empêcher les travailleurs de tirer deux conclusions vitales des luttes passées et de la situation politique contemporaine.

Premièrement, les travailleurs du secteur public font face à une lutte politique. Ils sont confrontés à une élite dirigeante qui poursuit simultanément la défense aggressive de ses intérêts géopolitiques dans le monde et la guerre de classe au pays avec «la baisse continuelle des salaires et des conditions de travail, la réduction massive de l’impôt sur la grande entreprise, et le démantèlement de ce qui reste des programmes sociaux», comme l’expliquait récemment le World Socialist Web Site.

Des dizaines de milliers de travailleurs du secteur public sont descendus dans les rues de Montréal le 23 septembre dernier en opposition au gouvernement Legault (photo: WSWS).

Deuxièmement, les travailleurs du secteur public ne peuvent aller de l'avant sans une rupture avec la bureaucratie syndicale pro-capitaliste. Au lieu des futiles appels des syndicats à la CAQ en faveur de la «négociation» et du «dialogue social», il faut former des comités de la base dédiés à mobiliser toute la force sociale des travailleurs, au Québec et dans l’ensemble du Canada, dans une contre-offensive ouvrière pour renverser l’austérité capitaliste.

En opposition à cette perspective socialiste, La Riposte préconise une politique de protestation plus bruyante, autour de questions exclusivement reliées aux conventions collectives des travailleurs du secteur public au Québec. Ce groupe pseudo-socialiste rejette la conception que l’obtention de meilleures conditions de travail et la défense des services publics sont inextricablement liées à une lutte politique indépendante de toute la classe ouvrière. Sa principale fonction sociale est de garder les travailleurs sous l’emprise de la bureaucratie syndicale nationaliste et pro-capitaliste.

Cela s'exprime dans son appel pour la formation de «comités de mobilisation». Dans une déclaration publiée le 21 septembre, La Riposte écrit: «Des comités de mobilisation devraient être formés dans chaque école, hôpital, milieu de travail. Les immenses ressources des syndicats doivent être utilisées pour aider à la formation de tels comités de la base».

En quoi ces comités permettraient-ils de sortir des paramètres budgétaires fixés d'avance par le gouvernement et pleinement acceptés par les syndicats? En quoi permettraient-ils de briser l'isolement des travailleurs du secteur public et de mobiliser toute la classe ouvrière dans une lutte commune contre l'austérité?

En fait, les «comités de mobilisation» de La Riposte seraient créés et contrôlés par les bureaucrates syndicaux eux-mêmes. Ce groupe n'explique jamais comment, après des décennies où les chefs syndicaux ont systématiquement étouffé et isolé chaque lutte ouvrière, les appareils sclérosés que sont les syndicats seront transformés en véhicules pour satisfaire les demandes des travailleurs.

Les chefs syndicaux ont des intérêts sociaux fondamentalement différents de ceux des travailleurs de la base. Comblés par des salaires à six chiffres et de nombreux privilèges, ils visent avant tout à maintenir les relations confortables qu'ils entretiennent avec la classe dirigeante. Depuis les années 1980, ils ont été intégrés à la gestion du capitalisme sous la forme de comités tripartites État-patronat-syndicat et ont reçu le contrôle de fonds d'investissements de plusieurs milliards de dollars, tel que le Fonds de solidarité FTQ (Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec).

Cela fait partie d’un processus international qui a vu durant cette période la destruction des syndicats en tant qu’organisations dédiées à la défense des intérêts économiques immédiats des travailleurs et leur transformation – dans tous les pays – en appareils bureaucratiques voués à imposer aux membres de la base qui s’y retrouvent prisonniers les reculs exigés par la grande entreprise.

En opposition aux efforts de La Riposte pour enchaîner les travailleurs aux appareils syndicaux, les comités de la base préconisés par le Parti de l'égalité socialiste et le World Socialist Web Site sont conçus pour développer l'initiative indépendante des travailleurs et mobiliser leur force de classe.

Tel qu’expliqué dans la déclaration du WSWS, de tels comités permettront aux travailleurs d'élaborer les «revendications précises, basées sur leurs véritables besoins et non ce que le gouvernement prétend pouvoir payer, que les travailleurs du secteur public s’engagent à obtenir, non par de futiles “négociations”, mais par la lutte des classes, y compris la préparation d’une grève générale».

Malgré ses prétentions «socialistes», La Riposte s’adapte entièrement à la politique nationaliste et pro-capitaliste de la bureaucratie syndicale. Dans sa déclaration, tout est présenté comme une question purement «québécoise»: on y chercherait en vain une référence aux luttes de masse qui ont émergé au cours des dernières années à travers le monde.

Toutes ces luttes – que ce soit la révolte de la classe ouvrière française contre l’assaut de Macron sur les retraites, la vague de grèves au Royaume-Uni ou la grève courageuse des travailleurs ontariens de soutien en éducation en défi à une loi anti-grève – ont démontré d’une part l’immense force sociale de la classe ouvrière, et d’autre part, la nécessité d’une rupture politique et organisationnelle avec la bureaucratie syndicale pour que cette force sociale puisse s’exprimer.

Ainsi, La Riposte renforce le nationalisme québécois prôné par la bureaucratie syndicale en tant que ciment idéologique de sa politique basée sur le corporatisme, la subordination politique des travailleurs à la grande entreprise, et la division des travailleurs au Québec de leurs frères et sœurs de classe en Amérique du Nord. C’est précisément sur cette base nationaliste que les syndicats soutiennent pleinement la campagne chauvine anti-immigrants de la CAQ et son agitation démagogique autour de la «défense du français».

Une importante lutte sociale falsifiée par la Riposte dans son appel aux travailleurs du secteur public est la grève étudiante de 2012, qui est décrite comme «un succès» et un modèle à suivre parce qu’elle aurait «déchaîné la créativité et l’implication massive des étudiants».

En réalité, la principale leçon à tirer de la grève étudiante massive de 2012 est qu'elle a été trahie par la bureaucratie syndicale. Devant l’entrée en lutte des travailleurs aux côtés des étudiants lors de manifestations de masse, ce qui ouvrait la voie pour un vaste mouvement social contre l’austérité capitaliste, les syndicats sont rapidement intervenus pour mettre fin à la grève. Ils l’ont détournée derrière un appui électoral pour le Parti québécois, le parti de l’aile la plus nationaliste de la bourgeoisie québécoise avec qui ils sont en alliance politique depuis un demi-siècle. Une fois porté au pouvoir, le gouvernement péquiste de Pauline Marois a intensifié les coupes sociales de l’élite dirigeante et imposé une hausse permanente des frais de scolarité.

Pendant que La Riposte cherche à subordonner les travailleurs à la bureaucratie syndicale, elle sème des illusions sur la possibilité de «pousser Québec Solidaire à gauche». QS est en fait un parti des classes moyennes aisées qui est organiquement hostile à la lutte des classes.

Au Canada anglais, Fightback (nom anglais de La Riposte) fait la promotion du NPD social-démocrate, un parti pro-capitaliste qui a conclu une alliance de long terme avec les libéraux du premier ministre Justin Trudeau – ce qui constitue essentiellement un gouvernement de coalition autour d’un programme de guerre de classe au pays et de guerre impérialiste à l’étranger.

Les travailleurs conscients doivent rejeter la politique nationaliste, pro-capitaliste et pro-impérialiste de La Riposte. Après des décennies de coupes budgétaires et la réponse catastrophique de la classe dirigeante à la pandémie de COVID-19, les conditions sont plus propices que jamais pour faire de la mobilisation des travailleurs du secteur public le coup d’envoi d’une lutte plus large de la classe ouvrière contre l'austérité.

Les travailleurs du secteur public qui cherchent une nouvelle stratégie de lutte, y compris la formation de comités de la base indépendants des appareils syndicaux, devraient contacter dès maintenant le Parti de l'égalité socialiste et le World Socialist Web Site.

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