La déclaration qui suit sera diffusée samedi par des partisans du Parti de l’égalité socialiste (Canada) à une manifestation des travailleurs du secteur public à Montréal.
Les travailleurs du secteur public font face à un gouvernement Legault déterminé à leur faire porter le poids d’une crise capitaliste aux dimensions catastrophiques. Après les décennies de coupes budgétaires des gouvernements libéraux et péquistes précédents, la Coalition Avenir Québec (CAQ) maintient aujourd’hui la ligne dure: hausses salariales de 9% sur cinq ans; érosion des régimes de pensions; augmentation de la charge de travail; privatisation des services publics.
Legault agit au nom d’une classe dirigeante qui est obsédée, comme aux États-Unis ou en Europe, par un double objectif: l’accumulation des profits et la défense de ses intérêts géostratégiques dans le monde.
Le premier objectif se traduit par la baisse continuelle des salaires et des conditions de travail, la réduction massive de l’impôt sur la grande entreprise, et le démantèlement de ce qui reste des programmes sociaux. Le second se traduit par la guerre – aujourd’hui contre la Russie en Ukraine, demain contre la Chine en Asie-Pacifique – financée par les «économies» réalisées sur le dos des travailleurs et des services publics.
Contrairement à ce que prétendent le Front commun (CSN, CSQ, FTQ et APTS) et les syndicats qui n’en font pas partie (FIQ, FAE), ce n’est pas un gouvernement avec qui les travailleurs peuvent négocier. Il ne s’agit pas de faire «entendre raison» à Legault par quelques gestes futiles de protestation.
Les travailleurs du secteur public se dirigent vers une collision frontale avec le gouvernement ultra-droitier de la CAQ. Il s’agit avant tout d’une lutte politique autour de grands enjeux de société. À quoi doivent servir les avancées technologiques et les richesses produites par le labeur des travailleurs? À grossir les fortunes du 1% le plus riche? Ou bien à garantir à tous des salaires décents, une retraite confortable et des services publics de qualité?
Il n’y a pas une minute à perdre pour se préparer à cette confrontation. La CAQ, comme le PLQ et le PQ avant elle, s’apprête à recourir aux lois anti-grève et à tout l’arsenal répressif de l’État. Mais les 600.000 travailleurs du secteur public peuvent compter sur une force sociale encore plus puissante: l’ensemble de la classe ouvrière – dans la province, le reste du Canada et au sud de la frontière – qui fait face au même assaut patronal sur son niveau de vie, ainsi que ses droits démocratiques et sociaux.
Le principal obstacle qui se dresse entre les travailleurs du secteur public québécois et leurs alliés dans la classe ouvrière nord-américaine, c’est la politique désastreuse des syndicats. Ces derniers font tout pour isoler leurs membres et les soumettre à la grande entreprise – notamment par leur alliance politique de longue date avec le Parti québécois, qui représente les sections les plus nationalistes de la classe dirigeante québécoise.
Les 40 dernières années ont vu ces appareils bureaucratiques torpiller les mobilisations émergentes et imposer à leurs membres les brutales mesures d’austérité exigées par la classe dirigeante. Les deux dernières rondes de négociations dans le secteur public, par exemple, ont produit des conventions collectives pleines de concessions au niveau des salaires, conditions de travail et régimes de retraite, tout en permettant de nouvelles compressions massives dans l’éducation et la santé.
Dès le début de la pandémie de COVID-19, les chefs syndicaux ont invoqué «l’unité nationale» pour soutenir la politique du gouvernement Legault basée sur la préservation des profits au détriment de la santé publique et des vies humaines. Ils ne se sont opposés, ni au maintien des travailleurs sur les lieux de travail (y compris par les décrets ministériels et le temps supplémentaire obligatoire), ni à la levée progressive des mesures sanitaires.
Depuis l’échéance des conventions collectives en mars dernier, les syndicats n’ont rien fait pour préparer une mobilisation face aux demandes provocatrices du gouvernement Legault. Pendant des mois, ils ont gardé leurs membres dans le noir pendant qu’ils suppliaient le gouvernement de faire un geste symbolique afin de pouvoir cacher à la base leur capitulation sur les enjeux essentiels.
Ces derniers jours, le Front commun a admis avoir «frappé un mur» et annoncé des assemblées générales pour obtenir un mandat permettant de déclencher «au moment jugé opportun» une grève «pouvant aller jusqu’à la grève générale illimitée», tout en précisant que ce «sera précédé de séquences de grève» – c’est-à-dire des grèves rotatives et partielles visant à essouffler les membres.
Toutes ces conditions et étapes préliminaires entourant une éventuelle grève générale, loin dans le futur, démontrent que c’est la dernière chose que veulent les chefs syndicaux. Pour eux, les mandats de grève font partie de leur théâtre politique pour désamorcer la colère sociale qui gronde parmi les travailleurs de la base. Leur orientation centrale demeure la «négociation», le processus institutionnel par lequel cette couche bureaucratique privilégiée vend ses services à la classe dirigeante en tant que garante de la «paix sociale», c’est-à-dire la répression de la lutte des classes.
Pour défendre leurs intérêts, les travailleurs du secteur public doivent établir des comités de la base, c’est-à-dire des organisations démocratiques, organisationellement et politiquement indépendantes des appareils bureaucratiques syndicaux. Ces comités pourront mobiliser les 600.000 travailleurs du secteur public et le soutien actif de tous les travailleurs – à l’échelle provinciale, canadienne et nord-américaine – dans une contre-offensive ouvrière contre l’austérité et la guerre.
Ils pourront établir des lignes de communication avec des comités semblables formés au Canada et aux États-Unis parmi les enseignants, les infirmières, les travailleurs de l’auto, etc., dans le cadre de l’Alliance ouvrière internationale des Comités de base.
Ces comités devront lutter pour l’unité des travailleurs au-delà des différences de langue, religion ou origine, ce qui signifie le rejet de la politique nationaliste-chauvine du gouvernement Legault (largement soutenue par les syndicats) pour imputer aux travailleurs immigrants les maux sociaux causés par le capitalisme en faillite.
Ces comités pourront élaborer les revendications précises, basées sur leurs véritables besoins et non ce que le gouvernement prétend pouvoir payer, que les travailleurs du secteur public s’engagent à obtenir – non par de futiles «négociations», mais par la lutte des classes, y compris la préparation d’une grève générale.
Cela requiert une vaste campagne politique dans la population pour expliquer que la cause des travailleurs du secteur public est celle de tous les travailleurs: le rejet de l’austérité capitaliste; l’abolition des lois anti-grève; la défense des services publics et des conditions de travail de ceux et celles qui les fournissent.
Une telle campagne mettra les travailleurs du secteur public dans une solide position pour défier toute loi spéciale et mobiliser toute la classe ouvrière à leur défense.
L’expérience des 55.000 travailleurs scolaires de l’Ontario en novembre dernier est instructive à cet égard. Ces derniers ont défié une loi anti-grève adoptée par le gouvernement conservateur ontarien de Doug Ford pour réduire leurs salaires réels et imposer d’autres concessions. Cette position courageuse a secoué le gouvernement et fait naître un sentiment pour une grève générale provinciale. Mais les principaux syndicats canadiens sont intervenus pour mettre soudainement fin à la grève des travailleurs de soutien scolaire en échange d’un retrait par Ford de sa loi draconienne, le tout ayant mené à de nouveaux reculs pour ces travailleurs.
Il y a une double leçon à tirer pour les travailleurs du secteur public au Québec: 1) comme Ford, le gouvernement Legault est beaucoup plus faible qu’il ne parait et sera rapidement mis sur la défensive dès qu’ils entreront ouvertement en lutte contre lui; 2) une telle lutte ne doit pas être laissée aux mains de la bureaucratie syndicale: les travailleurs doivent former des comités de base pour élargir leur lutte en un mouvement politique de masse contre la guerre, l’austérité et les inégalités sociales et pour un gouvernement ouvrier.
Nous appelons tous les travailleurs du secteur public intéressés à cette perspective à contacter le World Socialist Web Site (wsws.org/fr). Pour avoir plus d’informations ou former des comités de base, veuillez nous écrire à: cbsectpub@gmail.com.