Xi Jinping reconduit à la tête d'un régime chinois en état de siège

Le 10 mars, l’Assemblée populaire nationale (APN) de Chine a officiellement investi Xi Jinping pour un troisième mandat de président. Le 11 mars, elle a nommé Premier ministre Li Qiang, un proche collaborateur de Xi. Cette assemblée, qui fait office de législature, est en train de finaliser d’autres nominations au gouvernement, les partisans de Xi étant nommés à des postes clés.

Le président chinois Xi Jinping, à gauche, et le Premier ministre chinois Li Qiang, à droite, arrivent pour une session de l’Assemblée populaire nationale au Grand Hall du Peuple à Pékin, dimanche  12  mars 2023.

La reconduction de Xi pour un troisième mandat de président ne faisait guère de doute à la suite de sa confirmation pour un troisième mandat de secrétaire général du PCC au congrès du parti en octobre dernier. C’est l’aboutissement du processus lancé par Xi en 2018, lorsqu’on a modifié la constitution chinoise pour mettre fin à la limite de deux mandats présidentiels.

Le congrès du PCC a également peuplé en grande partie l’organe supérieur du parti, le Comité permanent du Politburo, de partisans de Xi et a incorporé la «Pensée Xi Jinping sur le socialisme aux caractéristiques chinoises pour une nouvelle ère» dans la constitution du parti. Les responsables du parti et les médias publics déclarent rituellement que Xi est le «noyau dur» de la direction du parti et du gouvernement.

La couverture du congrès par les médias américains et occidentaux est le revers de l’éloge officiel de Xi en Chine. Dans le cadre de la propagande pour l’accélération des préparatifs de guerre avec la Chine, les médias américains dépeignent Xi comme un homme fort et un autocrate – le dirigeant le plus puissant de la Chine depuis Mao Zedong. En réalité, Xi a été propulsé sur le devant de la scène par un régime fragile, assiégé tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays. C’est une figure bonapartiste en équilibre entre factions rivales du parti et de la classe capitaliste, dans un contexte de tensions sociales et géostratégiques de plus en plus vives.

Pékin est confronté à l’escalade des provocations militaires et diplomatiques des États-Unis à propos de Taïwan et des mers de Chine méridionale et orientale, ainsi qu’au renforcement spectaculaire de l’armée et des alliances américaines dans toute la région Inde-pacifique. En outre, le gouvernement Biden a non seulement maintenu les mesures de guerre commerciale mises en place par Trump, il a encore accumulé les interdictions sur le transfert vers la Chine de semi-conducteurs avancés et des machines nécessaires à leur fabrication.

La semaine dernière, dans une démarche inhabituelle, Xi a explicitement accusé les États-Unis de chercher à affaiblir la Chine: «Les pays occidentaux, sous la houlette des États-Unis, ont mis en œuvre une politique globale d’endiguement, d’encerclement et de répression à l’égard de la Chine». Une restructuration majeure du Conseil d’État, approuvée vendredi par l’ANP, met en évidence plusieurs aspects importants de la crise croissante à laquelle est confronté le régime.

Le Conseil d’État, qui fait office de gouvernement, renforcera son contrôle sur le ministère de la Science et de la Technologie qui devra redoubler d’efforts pour créer une industrie de pointe de la fabrication de puces informatiques en Chine. Un nouveau Comité central de la Science et de la Technologie sera créé, directement sous l’égide du Conseil d’État, afin de superviser toutes les activités du ministère.

La Chine – qui dépend fortement des importations de semi-conducteurs – a été durement touchée par les interdictions imposées par les États-Unis. Selon les derniers chiffres des douanes chinoises, le nombre de semi-conducteurs importés par la Chine au cours des deux premiers mois de l’année a chuté de 26,5  pour cent par rapport à la même période de 2022, pour atteindre 67,6  milliards d’unités. Leur valeur totale a chuté de 30,5  pour cent, passant de 68,8  milliards de dollars à 47,8  milliards de dollars par rapport aux deux premiers mois de 2022.

Bien qu’un plus grand nombre de puces relativement bas de gamme aient pu être fabriquées en Chine, l’impact le plus préjudiciable est le manque d’accès aux semi-conducteurs avancés, essentiels pour les applications commerciales et militaires.

Le plan de réforme approuvé par l’APN déclare qu’il est nécessaire de «rationaliser le système de direction et de gestion scientifique et technologique… afin de surmonter les difficultés rencontrées dans les technologies clés, et d’accélérer la réalisation d’une autonomie et d’une puissance technologiques de haut niveau».

Malgré sa taille économique, la Chine est cependant confrontée à d’énormes problèmes pour reproduire et concurrencer une industrie organisée à l’échelle mondiale. Les États-Unis ont non seulement interdit la vente d’équipements et de semi-conducteurs américains à la Chine, ils ont aussi fait pression sur le Japon, Taïwan, les Pays-Bas et la Corée du Sud pour qu’ils fassent de même. La Taiwan Semiconductor Manufacturing Company détient un quasi-monopole mondial dans la production des puces les plus avancées.

Le Financial Times a rapporté la semaine dernière que les Pays-Bas s’apprêtaient à interdire l’exportation d’équipements de fabrication de semi-conducteurs vers la Chine sous prétexte de sécurité nationale. La société néerlandaise ASML est le plus grand fournisseur mondial d’équipements de pointe pour la fabrication de puces. L’article suggère qu’une interdiction de l’entretien et de la réparation des équipements ASML existants en Chine pourrait être envisagé.

La réforme du Conseil d’État renforce également la surveillance du secteur financier chinois, menacé par l’effondrement du secteur immobilier après des années de spéculation effrénée, ainsi que par le haut niveau de la dette publique. Selon les estimations, la dette publique s’élèverait à 18.000  milliards de dollars, dont 10.000  milliards de dollars de «dette cachée», possédée par des plates-formes peu solides de financement des collectivités locales.

Une nouvelle Administration nationale de régulation financière doit être créée pour prendre le relais de l'actuelle Commission chinoise de régulation des banques et assurances. Elle exercera de nouveaux pouvoirs de surveillance importants sur l'industrie financière, à l'exclusion des marchés d'actions, y compris sur les petites banques locales qui représentent près de la moitié du secteur bancaire du pays. Il est important de noter que ses responsables nationaux prendront la relève des régulateurs locaux. Elle sera directement administrée par le Conseil d'État.

L’économie dans son ensemble s’est brutalement affaissée. La croissance économique n’était que de 3  pour cent en 2022, bien en deçà des 5,5  pour cent projetés et l’un des chiffres les plus bas depuis des décennies. Le Premier ministre sortant Li Keqiang a annoncé, le jour de l’ouverture de l’APN, une croissance prévue pour 2023 «d’environ 5  pour cent». Le régime du PCC a longtemps considéré 8 pour cent de croissance comme le chiffre minimum nécessaire pour minimiser le chômage et maintenir la stabilité sociale.

Sous la pression intense des grandes puissances et de l’élite patronale, le gouvernement chinois a brusquement mis fin, en décembre, à sa politique de «zéro COVID», qui avait permis de réduire au minimum les infections et les décès en Chine, et a supprimé pratiquement toutes les restrictions sanitaires. Les infections ont donc fait des ravages dans la population ; le nombre de morts est estimé à plus d’un million. Si le régime du PCC espère que la fin du «zéro COVID» lui donnera un coup de pouce économique, l’adoption de la même politique meurtrière du « laisser-sévir » que les gouvernements du reste du monde ne fera que saper davantage ses prétentions à s’occuper du bien-être de la population.

Au cours de la dernière décennie, Xi a effectivement mis Li Keqiang sur la touche et pris le contrôle de la politique économique, qui relevait traditionnellement du Premier ministre. Li Keqiang s’était fait l’avocat d’une plus grande ouverture de l’économie chinoise aux investissements étrangers, dans le cadre d’un plan Chine  2030, élaboré avec la Banque mondiale. En réponse à l’attitude de plus en plus antagoniste de Washington et à la crise économique mondiale, Xi a cherché à stimuler les entreprises chinoises et la capacité de la Chine à être compétitive sur le plan technologique.

Li Qiang, le nouveau premier ministre, est étroitement associé à Xi. Il a travaillé pour Xi comme secrétaire lorsque ce dernier était gouverneur de la province côtière plus riche de Zhejiang, au milieu des années  2000. Lorsque Xi est devenu président en 2012, Li est devenu gouverneur du Zhejiang, puis chef du parti dans la province voisine de Jiangsu. En 2017, il a été nommé au poste puissant de secrétaire du PCC à Shanghai, où il a convaincu Elon Musk, le fondateur de Tesla, d’y construire la première usine de cette entreprise à l’étranger. Li devait s’exprimer hier sur l’orientation de la politique économique et il était certain qu’il suivrait de près la ligne de son mentor.

(Article paru d’abord en anglais le 13 mars 2023)