Chris Marsden, candidat du Parti de l'égalité socialiste [Socialist Equality Party – SEP (UK)] dans la circonscription de Sheffield Central, a pris la parole lors d'une plate-forme électorale organisée à la Madina Masjid, la première mosquée construite en tant que telle à Sheffield.
L'événement visait en particulier à présenter la position des différents partis sur le Cachemire et la Palestine. Elle était présidée conjointement par la Campagne de solidarité palestinienne de Sheffield et Sheffield Sisters4Kashmir.
Outre Marsden, seuls les candidats travailliste Paul Blomfield et Natalie Bennett, représentant le Parti vert, étaient présents. Bennett ancienne cheffe des Verts a été élevée à la Chambre des Lords. Elle a déclaré au début de la réunion qu'elle était maintenant Baronne Bennett de Manor Castle, mais « vous pouvez m'appeler Natalie ».
Dans ses remarques liminaires, Marsden a expliqué que le Parti de l'égalité socialiste était la section britannique du Comité international de la Quatrième Internationale, le parti fondé par Léon Trotsky. « Le SEP est un parti internationaliste, un parti socialiste, un parti de, par et pour la classe ouvrière. Nous luttons pour la fin du système du profit, la fin de la division du monde en états antagonistes, pour un système de production planifiée pour le besoin et pas pour le profit, qui bénéficie à tous les peuples du monde ».
« Bien sûr, je n'ai pas besoin de dire à qui que ce soit ici à quel point la situation au Cachemire est épouvantable », a poursuivi Marsden. « Le plus extraordinaire, c'est que 12 millions de personnes vivent dans un état de siège – des milliers d'entre elles ont été arrêtées, ont disparu, où on a construit des camps de concentration de fait, et une grande partie de la population en provenance de l’asie en Grande-Bretagne a des liens directs avec le Cachemire – mais on en parle rarement aux nouvelles. C'est un black-out total ».
On avait beaucoup plus entendu parler de Hong Kong que du Cachemire. « C'est comme si ça n'arrivait pas. Nous savons bien que c'est en train de se produire, nous savons pourquoi nous n'en entendons pas parler ».
Marsden a fait remarquer que le candidat du Parti conservateur ne s'était pas donné la peine de se présenter, demandant rhétoriquement, « Eh bien, comment pourrait-il le faire, alors que la ministre de l'Intérieur Priti Patel est une amie proche de Narendra Modi, une partisane du BJP [Bharatiya Janata Party], qui félicitait le peuple indien de son élection quelques mois seulement avant le lancement par celui-ci de cette campagne brutale contre le Cachemire ».
La situation ne ferait qu'empirer, a prévenu Marsden. « Ce n'est pas seulement le Cachemire qui est le prix ici. Le Cachemire a été une victime épouvantable de la partition de l'Inde sur le plan religieux et communautaire; il n'a jamais connu une période de paix durable ».
« Mais il s’agit d’autre chose à présent au Cachemire. C’est un obstacle dans un conflit entre l'Inde et la Chine, l'Inde travaillant en alliance avec les États-Unis ».
« Personne ne le condamnera, personne ne protestera contre le traitement terrible des habitants du Cachemire, parce qu’il est victime de la géopolitique la plus dangereuse, celle qui pourrait aboutir à une guerre mondiale »."
« C'est la même question en Palestine », a dit Marsden, « dont l'histoire a été marquée par de terribles souffrances depuis la Nakba [catastrophe] ».
« Depuis 1948 – et la formation de l'État d'Israël – il s'est passé tant de choses épouvantables. Mais nous entrons dans une nouvelle période où le terrible danger c'est que quelque chose va arriver aux Palestiniens qui fera paraître insignifiantes les souffrances endurées pendant toutes ces décennies ».
Abordant le rôle de l'impérialisme américain, Marsden a déclaré que le secrétaire d'État Mike Pompeo avait déclaré qu'il n'y avait « aucune solution judiciaire à la question palestinienne ». Il a déclaré qu'en ce qui concernait Washington, le droit international ne s'appliquait plus ».
La politique du fait accompli sur le terrain, la division constante du territoire palestinien, était désormais pour les États-Unis chose légale.
« Les États-Unis sont l'État impérialiste le plus puissant et ils ont déclaré la guerre aux Palestiniens dans le cadre d'une lutte générale pour prendre le contrôle du Moyen-Orient », a déclaré Marsden avec un large accord de l'assistance.
« Nous sommes à l'aube de la période la plus dangereuse que le monde ait jamais connue. La classe ouvrière doit se mobiliser contre cela. Les luttes au Cachemire doivent être unies aux luttes des Palestiniens. Elles doivent être unies aux luttes de l'humanité souffrante partout dans le monde, pour un système basé sur la production pour le besoin et non pour le profit ».
Marsden a appelé à la construction d'un « mouvement anti-guerre socialiste de masse ».
S'agissant de la position du Parti travailliste, Marsden a déclaré que de nombreuses personnes espéraient qu'il apporterait un changement, y compris sur des questions telles que le Cachemire. La conférence du Parti travailliste avait adopté une motion pour défendre le Cachemire et s'opposer à ce qui se passait.
« Pourtant, en l'espace de quelques semaines, le président du Parti travailliste, Ian Lavery, a publié une lettre répétant les mots mêmes du gouvernement conservateur: la question du Cachemire était une question bilatérale entre l'Inde et le Pakistan ».
Tant qu'il s'agirait d'un conflit bilatéral entre l'Inde et le Pakistan, « les conséquences inévitables seront une nouvelle détérioration au Cachemire et le danger très réel d’une guerre », a dit Marsden. « Il n'y a pas de questions bilatérales. Il y a des questions internationales auxquelles la classe ouvrière internationale doit répondre. C'est ce que nous défendons ».
Dans ses remarques, le candidat travailliste Blomfield a tenté de réfuter ce que Marsden avait dit au sujet de la lettre de Ian Lavery. La position du Parti travailliste était « très claire. Elle a été adoptée à notre conférence ».
Dans son intervention suivante, Marsden a réfuté Blomfield. « Si ce que je dis n'est pas vrai, j'espère que le Parti travailliste portera sérieusement plainte contre le Guardian ». Il a cité directement un extrait de l’article de ce journal sur la lettre de Lavery: « Les travaillistes ont réagi à la réaction des électeurs d'origine indienne au Royaume-Uni en modifiant leur position sur le conflit du Cachemire et en insistant sur le fait qu'il s'agissait d'une question bilatérale entre l'Inde et le Pakistan dans laquelle ils n'interviendront pas ».
Tant que Modi dirigera le gouvernement indien, « il n'y aura pas de solution bilatérale pour protéger les droits de qui que ce soit », a déclaré Marsden.
En réponse à une question sur la campagne de dénigrement du Parti travailliste comme antisémite, qui a dominé la campagne électorale, Marsden a déclaré qu'il s'agissait de « l'une des plus grandes fraudes de la vie politique britannique et internationale ». C'était une tentative d'affirmer que « ceux qui défendent les droits des Palestiniens sont antisémites, et non pas antisionistes ».
Il y avait une distinction politique claire entre les deux. « Le danger de l'antisémitisme vient du fascisme et une terrible, terrible confusion est délibérément créée pour essayer d'associer la gauche à l'antisémitisme ».
À la suite de cette campagne, des personnes qui avaient passé toute leur vie à s'opposer au racisme « ont été chassées du parti travailliste ». Elles n'ont pas été défendues par Jeremy Corbyn. C'est une honte qu'il ne les ait pas défendues ».
Pour le Parti de l'égalité socialiste, défendre ceux qui ont été calomniés était une question de principe. « Nous n’avons aucune sympathie pour la politique de Chris Williamson, ni pour celle de Marc Wadsworth. Mais on a délibérément déformé toutes leurs positions ».
Si on ne s’opposait pas à cela, a averti Marsden, « la classe ouvrière aura un prix terrible à payer. Il ne devrait pas y avoir d'excuses devant l'intervention du grand rabbin parce qu'il agit dans le cadre d'une campagne politique pour continuer la domination du Parti conservateur » et qu'il soutient le gouvernement Netanyahu en Israël. Il s'oppose « à toute lutte qui contrecarre les intérêts d'Israël dans la poursuite de cette guerre brutale et brutale contre le peuple palestinien ».
Dans ses remarques, Bennett a cherché à perpétuer le mensonge que le Parti travailliste avait été envahi par les antisémites après que Jeremy Corbyn fut devenu chef du parti. Marsden a dit qu’il ne s’agissait pas de « quelques antisémites s'étant glissés dans le Parti travailliste » alors que des centaines de milliers de personnes y avaient adhéré pour soutenir Corbyn. On « se servait» d’une campagne de diffamation « contre la gauche ».
« Les gens qui ont été expulsés du Parti travailliste ne sont pas antisémites. Marc Wadsworth a été expulsé du Parti travailliste parce qu'il avait interpellé Ruth Smeeth. Ruth Smeeth est au service de la CIA, ce qui a été révélé par WikiLeaks, et c'est elle qui aurait dû être expulsée du Parti travailliste, pas Marc Wadsworth ».
Un partisan du SEP a demandé à la plate-forme sa position sur Julian Assange. Il a noté que la raison pour laquelle les gens dans le monde était du tout au courant des crimes de guerre et des injustices perpétrés en Irak, en Afghanistan, en Syrie et ailleurs, était à cause du rôle de WikiLeaks et de Julian Assange.
Assange languit actuellement dans la prison de Belmarsh, une prison de haute sécurité, où il risque l'extradition vers les États-Unis et une peine de 175 ans de prison. « Que faites-vous pour arrêter cette injustice? » a-t-il demandé au panel.
Le président de la réunion a répondu que le sort d'Assange n'était pas un sujet de discussion et donc une autre question a été posée sur le rôle du Royaume-Uni concernant le Cachemire.
Ni le candidat travailliste ni la représentante des Verts n'ont abordé la question d'Assange dans leurs contributions.
Marsden a dit qu'il voulait prendre ses distances par rapport aux remarques faites par Bennett selon lesquelles la Grande-Bretagne pourrait être une « force du bien » dans le monde. Le SEP ne voulait pas que la Grande-Bretagne soit une force pour le bien dans le monde, « Notre parti veut que la Grande-Bretagne cesse d'interférer dans les pays d’autres peuples », a déclaré Marsden, l’auditoire applaudissant.
« La Grande-Bretagne est une puissance impérialiste. Elle a travaillé en collusion avec les États-Unis pour lancer certaines des guerres les plus sanglantes et les plus dangereuses que le monde ait jamais connues, et elle continuera de le faire ». Elle maintiendra le programme d'armes nucléaires Trident, a-t-il expliqué. Corbyn a déjà dit que ce sera le cas, même si les travaillistes arrivent au pouvoir ».
Abordant la question d'Assange, Marsden a déclaré qu'il rejetait l'idée que le sort de Julian Assange n'était pas lié aux problèmes des Palestiniens ou du Cachemire.
« Julian Assange fut deuxième du classement de la personne de l'année du magazine Time. C'est parce qu'il était tenu en haute estime par les gens du monde entier, parce qu'il a dénoncé les crimes de guerre en Irak et en Afghanistan ».
Marsden a ensuite décrit en détail la campagne de diffamation contre Assange, la machination contre lui sur de fausses allégations en Suède, le poussant à demander l'asile politique à l'ambassade équatorienne pour éviter son extradition vers les États-Unis. Assange avait été « maintenu en détention arbitraire pendant près de neuf ans ». Puis il a été arrêté à l'ambassade et jeté en prison. Maintenant, il risque 175 ans de prison, ce qui est une condamnation à perpétuité ».
« S'ils peuvent faire ça à Julian Assange, en Grande-Bretagne, à Londres, pas très loin du Parlement, que feront-ils à quiconque s'oppose aux crimes de l'impérialisme britannique et mondial ? » demanda Marsden. « Julian Assange doit être défendu pour lui-même, mais il doit aussi être défendu pour chacun d'entre nous. Et quiconque reste silencieux sur cette question, comme les soi-disant partis de gauche et le Parti travailliste, commet un crime contre la classe ouvrière et il sera coupable si Julian Assange est envoyé aux Etats-Unis et réduit au silence pour toujours ».
Un autre intervenant a demandé ce que les partis feraient pour résoudre la situation au Cachemire. Dans sa réponse, Marsden a dit: « Nous ne sommes pas un parti d'État, nous ne sommes pas un parti de gouvernement. Mais ce que nous avons, c'est le World Socialist Web Site, notre publication internationale en ligne qui paraît six jours par semaine ».
Le site recevait 2 millions de visites par mois et était de loin la publication socialiste la plus lue dans le monde. « Nous rendons compte régulièrement de tous les événements en Palestine. Nous rendons compte de la terrible situation au Cachemire. Nous brisons l'embargo des médias sur la vérité de ce qui se passe et nous lançons notre appel aux travailleurs et intellectuels les plus réfléchis, qui s'opposent à l'ordre existant et veulent voir un monde juste et équitable pour tous ».
« Cette opinion publique internationale est la chose la plus puissante du monde, à condition qu'on lui donne une direction », a dit Marsden.
Dans ses remarques finales, M. Marsden a parlé des élections législatives.
« Dans une semaine, nous saurons si le Parti travailliste va former un gouvernement ou s'il a perdu la plus grande chance de former un gouvernement depuis de très nombreuses années à cause du refus de Corbyn de mettre les blairistes à la porte et de ses reculs politiques ».
Même si les travaillistes arrivaient au pouvoir, a-t-il dit, entre 100 et 140 de leurs députés demeurent des partisans déterminés de toutes les guerres impérialistes. Ensemble avec les conservateurs, cela signifiait que « le parti qui dominera le Parlement sera le parti de la guerre et il importera peu que Corbyn proteste ou non ». La seule réponse était de construire un véritable parti de la classe ouvrière.
« L'avenir ne se décidera pas le 12 décembre, il se décidera dans la lutte. Des millions de personnes dans le monde entier entrent en lutte. Une perspective de lutte de classe est la voie à suivre et cela signifie construire le Parti de l'égalité socialiste, pas le Parti travailliste ».
Une fois l'événement terminé, plusieurs membres du public sont venus serrer la main de Marsden et l'ont remercié pour ce qu'il avait dit. Il fut également interviewé par un journaliste de la chaîne d'information pakistanaise Geo News.
(Article paru en anglais le 7 décembre 2019)