L'officialisation de la nationalisation des chantiers navals de STX de St Nazaire par le gouvernement Macron alors promis au groupe Fincantieri souligne les tensions entre les puissances impérialistes engagées dans une escalade militaire en Europe et à travers le monde.
Le ministre de l'Économie Bruno Le Maire a annoncé la semaine dernire que l'État nationaliserait temporairement STX France, plutôt que d'en confier les clés au groupe public italien Ficantieri, qui avait négocié avec le gouvernement Hollande le rachat de STX France détenu par le groupe sud-coréen STX Offshore and Shipbuilding en faillite.
Selon l'accord initial, le constructeur italien devait en effet reprendre 48 pour cent du capital des chantiers, associé à un investisseur italien à 7 pour cent. Les actionnaires français n'auraient plus disposé que de 45 pour cent du groupe ce à quoi était opposé le président Macron. Paris a donc proposé, le 31 mai, que cet accord « soit revu » pour préserver les intérêts français.
La France aurait également craint que les liens entre le groupe italien et Beijing, qui détient une part importante des actions de Fincantieri, ne cause un transfert du savoir-français en Chine. En même temps, ce conflit se déroule sur fond de fortes tensions franco-italiennes sur par la guerre civile en Libye provoquée par la guerre impérialiste menée par l'Otan dans ce pays en 2011. Alors que l'Italie, l'ancienne puissance coloniale, soutient des milices à Misrata, la France soutient le général Haftar, un combattant lié à la CIA.
Le Maire a transmis une nouvelle proposition laissant à Fincantieri 50 pour cent du capital, le reste étant détenu par l'État français (via Bpifrance), Naval Group (ex-DCNS) et les salariés de l'entreprise. L'Italie a toutefois refusé cette offre. « La ligne rouge (pour Fincantieri) c'est, au minimum, une participation légèrement majoritaire et un contrôle du conseil », selon un proche du dossier.
Paris a choisi donc de prendre le contrôle intégral des chantiers en exerçant in extremis son droit de préemption sur les 66,7 pour cent du capital de vendus par le groupe coréen, pour compléter la prise en main totale de l'État. « L'objectif n'est pas de nationaliser Saint-Nazaire, mais nous y sommes obligés de façon transitoire », explique le ministre de l'Économie.
Rome a dénoncé l'intervention de l'Etat français. Pier Carlo Padoan, ministre de l'Economie et des Finances, et Carlo Calenda, ministre du Développement économique, se sont exprimés via un communiqué : « Nous considérons grave et incompréhensible la décision du gouvernement français de ne pas donner suite à des accords déjà conclus. (...) Le nationalisme et le protectionnisme ne sont pas des bases acceptables sur lesquelles régler les rapports entre deux grands pays européens ».
La classe politique en France a salué la nationalisation temporaire de STX. La France Insoumise a déclaré sur Twitter, « Nous avons salué la décision de Macron de nationaliser STX. Dommage qu'il ne l'ait pas fait quand il était à Bercy. ». Le FN a lui aussi affirmé son soutien à la décision du gouvernement, « conforme à ce que nous réclamons depuis des années, au nom de la préservation des intérêts stratégiques et industriels de la France ».
Quant aux syndicats, la CGT de STX Saint-Nazaire a prétendu que la priorité était de « protéger tous les salariés du site ». Christophe Morel de la CFDT Saint-Nazaire a affirmé que cette nationalisation temporaire laisserait le temps de « rediscuter effectivement avec les Italiens » afin de trouver un accord « équitable ».
La défense de la nationalisation avancée par Mélenchon et la CGT est cynique et fausse. Ce n'est pas une nationalisation mené par la classe ouvrière dans le contexte de l'expropriation de la propriété capitaliste par des luttes ouvrières révolutionnaires. La préservation des emplois des 2.500 salariés du site et des 5.000 salariés sous-traitants de STX, qui a un carnet de commandes plein pendant 10 ans, n'est pas la priorité du gouvernement.
Cette acquisition est liée aux projets de Macron pour une escalade majeure de l'effort de défense français et européen. Paris veut garder le contrôle d'une installation industrielle hautement stratégique, la seule en France capable de construire des coquilles de porte-avions militaires.
Bien que Macron ait annoncé une baisse du budget de l'armée cette année pour contenter les banques et l'UE, il a clairement fait savoir qu’à l’instar des autres gouvernements impérialistes, il mène à plus long terme une politique de préparation à la guerre. Il veut donner à l’armée un rôle politique prépondérant en France. Il a proposé de réintroduire le service militaire, pour les hommes et les femmes, et a réitéré son objectif de dépenser 2 pour cent du PIB sur les forces armées.
Selon Macron, «nous sommes entrés dans une époque des relations internationales où la guerre est à nouveau un horizon possible de la politique». Il a exigé que la France maintienne des capacités autonomes «dans la conception, la décision et l'action» militaires.
La France compte utiliser la coopération européenne dans le cadre de la remilitarisation de l'Allemagne pour mener une politique militaire européenne plus indépendante des Etats-Unis. Cette politique est toutefois minée par des profondes contradictions internationales, et l'invitation offerte par Macron à Trump le 14 juillet souligne comment Macron zig-zague entre Berlin et Washington.
Surtout, la nationalisation temporaire de STX souligne l'hypocrisie de l'Etat et des banques face aux nombreuses fermetures d'usine en France et à travers l'Europe. Comme l'ont démontré le sauvetage des banques en 2008 et la nationalisation de STX à présent, Paris accepte de débloquer des milliards pour la guerre et les riches. Mais des fermetures de dizaines d'usines en France ont mis des milliers de travailleurs au chômage depuis le krach de 2008, souvent parce qu'il manquait quelques millions d'euros pour maintenir l'activité, comme c'est le cas actuellement chez GMS Industry.
C'est lié à la stratégie parasitaire de la classe capitaliste et de ses représentants politiques, dont Macron, le PS, et leurs alliés. Les attaques contre les emplois dans l'industrie comme celle de l'automobile visent à aligner les salaires des travailleurs en France aux niveaux dictés par le marché mondiale afin de mettre l'industrie française en meilleure posture face à ses concurrents étrangers. Lorsqu'un site est considéré comme étant incapable d'affronter la concurrence internationale, on le ferme pour l'implanter ailleurs et obtenir plus de profits.
Paris refuse donc systématiquement de débloquer des sommes plus modestes afin de sauver des sites industriels productifs qui créent des emplois et non pas des armes, mais des richesses réelles.