Donald Trump a clairement précisé dès son arrivée en Israël que le but de son voyage, promu par la Maison-Blanche et les médias dans le cadre de la quête de la « paix au Moyen-Orient », est la consolidation de l’alliance régionale réactionnaire à l’appui d’un accroissement de la puissance militaire américaine contre l’Iran.
Le président américain s’est dirigé vers Tel-Aviv directement depuis l’Arabie saoudite, où il a prononcé un discours incendiaire visant à consolider une alliance militaire des monarchies et des dictatures sunnites contre l’Iran. En représentant cette lutte comme celle du « bien contre le mal » et en invoquant « dieu » neuf fois, Trump a lancé un appel clair aux divisions sectaires pour promouvoir ce qui équivaut à une guerre sainte par les régimes sunnites contre l’Iran à prédominance chiite.
Alors qu’il y aurait eu une certaine inquiétude en Israël au sujet de la signature par l’Administration américaine des accords d’armement avec la monarchie saoudienne qui pourrait totaliser quelque 350 milliards de dollars au cours de la prochaine décennie, le discours et le tournant de l’Administration Trump vers une politique agressive anti-iranienne ont rencontré un franc succès auprès de l’État sioniste qui, comme Washington, considère l’Iran comme son principal rival pour l’hégémonie régionale.
Trump a maintenu sa rhétorique anti-iranienne dans les déclarations faites lors des réunions avec le président israélien Reuven Rivlin et le Premier ministre Benjamin Netanyahu. S’exprimant à côté de Rivlin, Trump a déclaré : « Il y a une prise de conscience croissante parmi vos voisins arabes qu’ils ont une cause commune avec vous dans la menace posée par l’Iran.
« Encore plus important », a-t-il ajouté, « les États-Unis et Israël peuvent déclarer d’une seule voix que l’Iran ne doit jamais être autorisé à posséder une arme nucléaire – jamais ! jamais ! – et doit cesser de financer, de former et d’équiper des terroristes et des milices, et il doit le cesser immédiatement. »
Avec Netanyahu, le président américain a dénoncé l’accord nucléaire signé par son prédécesseur Barack Obama et les dirigeants de cinq autres grandes puissances avec l’Iran en 2015 comme une « chose terrible ».
« Nous leur avons donné non seulement une bouée de sauvetage », a-t-il déclaré. « Nous leur avons donné de la richesse et de la prospérité, et nous leur avons également donné la possibilité de continuer avec le terrorisme. »
Si Trump n’a pas encore tenu son serment de déchirer l’accord et a maintenu les dérogations aux sanctions imposées par rapport au programme nucléaire de Téhéran, le discours prononcé à Riyad et ses remarques en Israël précisent une politique américaine de changement de régime en Iran qui menace de déclencher une guerre encore plus dévastatrice au Moyen-Orient.
Les déclarations de Trump ont provoqué des manifestations de malaise, en particulier en Europe, qui a considéré l’accord nucléaire avec l’Iran comme une ouverture sur de nouveaux marchés et sources de profit. Le Financial Times de Londres a publié un éditorial intitulé : « Trump d’Arabie prend parti dans un conflit sectaire », tout en avertissant que : « de soutenir les autocrates Arabes sunnites contre l’Iran chiite n’aidera pas le Moyen-Orient. »
Le Monde a écrit dans son éditorial que Washington poursuivait une politique de style « Guerre froide » au Moyen-Orient, en divisant la région « en deux camps : les Arabes sunnites, les Israéliens et les Américains d’un côté, et les Iraniens, leur protégé syrien, et la Russie de l’autre côté », en mettant en garde que cela ouvrirait la voie à la « poursuite des guerres sans fin qui ravageaient toute la région ».
L’arrogance des dénonciations de Trump contre l’Iran, lancées tout en applaudissant l’Arabie Saoudite, a été dénoncée par le gouvernement de Téhéran. L’Iran a eu la semaine dernière une élection présidentielle où les débats furent très intenses, alors que l’Arabie saoudite est l’une des dernières monarchies absolues du monde, et la source de l’idéologie religieuse et des ressources financières qui ont alimenté Al-Qaïda, l’État islamique et divers autres groupes islamistes du même genre.
Le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, Bahram Qassemi, a demandé lundi que Washington abandonne : « sa politique de braconnage, d’ingérence, et de vente d’armes dangereuses et inutiles aux principaux sponsors du terrorisme, tout en cultivant la phobie de l’Iran. »
Le président iranien, Hassan Rouhani, qui a été réélu avec une large avance vendredi après avoir dirigé un programme de rapprochement avec l’Occident, a fait une référence indirecte aux liens des Saoudiens avec les attentats du 11 septembre 2001 sur New York City et Washington « On ne peut pas résoudre la question de terrorisme en donnant de l’argent aux superpuissances », a-t-il déclaré. « Je ne pense pas que les gens d’Amérique échangeraient le sang qu’ils ont donné le 11 septembre contre de l’argent provenant des ventes d’armes. »
Rouhani a également souligné l’hypocrisie du discours de Trump à Riyad, à la suite des élections iraniennes : « Monsieur Trump a visité la région au moment où des millions de personnes se sont rendues aux urnes. Il est allé dans un pays dont les gens n’ont même pas vu d’urnes électorales et pour qui les élections n’ont pas de sens. J’espère qu’un jour, l’Arabie saoudite tirera sa force nationale des élections. Le pouvoir ne doit pas passer par l’héritage, mais par les élections. »
Dans ce qui revenait à une paire de séances de photos à thème religieux, Trump, son épouse Melania, sa fille Ivanka et son beau-fils Jared Kushner, sont allés à l’église du Saint-Sépulcre et au mur des Lamentations, lundi. La visite a été la première par un président américain à la vieille ville de Jérusalem, considérée internationalement comme un territoire illégalement occupé, dont Israël s’est emparé il y a 50 ans.
La promotion par Trump de la charade d’une « paix » israélo-palestinienne négociée par les États-Unis était un élément décidément secondaire de son voyage. Il le présentait presque entièrement du point de vue d’un geste nécessaire pour couvrir les pétromonarchies sunnites réactionnaires afin qu’ils puissent s’aligner ouvertement sur l’Israël. « Le roi Salman est très concerné et, je peux vous le dire, aimerais voir la paix entre l’Israël et les Palestiniens », a-t-il déclaré après avoir rencontré le président Rivlin.
Les monarchies arabes ont même laissé tomber leurs demandes antérieures pour une « solution à deux États », qui laisserait les Palestiniens piégés dans un mini-État fragmenté et dominé par Israël, au lieu de cela ils appellent tout simplement à des concessions mineures.
Un document de discussion diffusé parmi ces régimes, qui a été obtenu par le Wall Street Journal, a indiqué que, dans le but de forger une alliance contre l’Iran, ils sont prêts à normaliser les relations avec Israël en échange de concessions minimales, comme le gel des colonies israéliennes en Cisjordanie et l’assouplissement des restrictions commerciales sur la bande de Gaza.
À la veille de l’arrivée de Trump, le gouvernement israélien a approuvé une augmentation limitée du nombre des permis de construire délivrés aux Palestiniens vivant dans la « Zone C » de la Cisjordanie, qu’Israël contrôle directement et espère finir par annexer. Il a également étendu l’ouverture du passage frontalier du Pont Allenby entre la Cisjordanie et la Jordanie à 24 heures par jour et a permis le développement de certaines zones industrielles sur le territoire occupé.
« C’est un geste pour la visite du président Trump, qui ne nuit pas aux intérêts d’Israël », a déclaré un responsable du gouvernement israélien aux médias israéliens.
Dire que Trump procède de manière machinale et pour la forme pour la recherche d’une reprise des pourparlers de paix serait une exagération. Il doit rencontrer le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, lors d’un voyage mardi à la ville de Bethléem occupée en Cisjordanie qui devrait durer toute une heure. Alors que le président américain devait initialement faire plus de tourisme religieux avec une visite à l’Église de la Nativité sur la Place Manger de Bethléem, ce projet a été mis au rebut lorsqu’il est apparu qu’il faudrait passer une tente de protestation montée pour soutenir des prisonniers politiques palestiniens en grève de la faim.
Les écoles, les transports en commun, les banques et les magasins ont été fermés par une grève générale en Cisjordanie occupée lundi à l’appui de plus de 1300 prisonniers politiques palestiniens qui ont été en grève de la faim depuis le 17 avril. Dans plusieurs manifestations organisées conjointement avec la grève, Trump a été brûlé en effigie.
Plus de 1000 manifestants palestiniens ont convergé sur le point de contrôle de Qalandiya entre Jérusalem et Ramallah portant des pancartes portant l’image de Trump déchirées avec une marque de chaussure rouge déclarant : « Les politiques américaines sont une empreinte de la honte sur le front de l’humanité ». Les troupes israéliennes ont attaqué les manifestants avec des gaz lacrymogènes, des balles en caoutchouc et aussi de vraies balles.
Un Palestinien de 16 ans a été abattu par la police des frontières à un point de contrôle au nord-est de Bethléem lundi. Un porte-parole de la police israélienne a affirmé que le jeune avait essayé de poignarder un policier des frontières israéliennes, dont aucun n’a été blessé dans l’agression alléguée. Juste deux jours plus tôt, Mutaz Hussien Hilal Bani Shamsa, âgé de 23 ans, a été abattu par un colon sioniste qui a quitté sa voiture et a ouvert le feu lors d’une manifestation à l’appui des grévistes de la faim.
Contrairement au militantisme croissant de la population palestinienne, l’Autorité palestinienne (AP) corrompue et conduite par Abbas, qui dépend fortement du financement de l’Arabie saoudite et des pétromonarchies du Golfe, évolue pour s’adapter à la politique moyen-orientale de Trump. Abbas était parmi les participants à la diatribe anti-iranienne du président américain à Riyad, et il aurait été prêt à présenter une nouvelle proposition pour des négociations de « paix » qui supprimeraient toutes les références à Jérusalem et céderaient à Israël trois fois plus de terres que ce que l’AP avait précédemment offert.
(Article paru d’abord en anglais le 23 mai 2017)