Après l’attaque prétendument à l’arme chimique effectuée par le régime d’Assad dans la ville de Khan Cheikhoun, Libération mène une propagande anti-Assad et antirusse afin de préparer l'opinion à une guerre de l'OTAN avec la Syrie et la Russie.
Le journal a publié en Une une photo choquante. Sur fond noir, on voit sept enfants morts dans l’attaque chimique du 5 avril, avec en titre « Les enfants d’Assad ». Ceci renvoie aux accusations portées par l’opposition syrienne contre le régime de Bachar al-Assad, d’avoir fait au moins 58 morts et près de 170 blessés dans une attaque chimique contre un fief rebelle djihadiste.
Dans un éditorial intitulé « Impunité », Alexandra Schwartzbord écrit : « Les enfants d'Assad nous regardent. Ils nous rappellent de leurs yeux grand ouverts sur l'horreur qu'à quelques milliers de kilomètres d'ici, pendant que nous savourons les premiers jours du printemps, un peuple tout entier est massacré dans le silence général. Et le pire, ce n'est pas cette photo. Le pire, c'est qu'elle ressemble en tout point à d'autres photos prises il y a quatre ans ».
C'est une tentative odieuse d'exploiter la mort de sept enfants afin de culpabiliser l'opinion et la pousser vers une intervention militaire en Syrie dont les conséquences sont incalculables.
La propagande des humanitaires bellicistes à Libération est fondée sur des spéculations et des mensonges. Il n'y a eu aucune investigation de l'attaque chimique qui aurait frappé Khan Cheikhoun, dans la province d’Idleb. Schwartzbord ne mentionne jamais le fait que les rebelles djihadistes en Syrie détiennent des armes chimiques ; elle fait tout pour calmer les doutes du lecteur et le pousser à accepter une guerre.
Entretemps, Donald Trump menace de passer à l'action en Syrie après l'attaque chimique présumée imputée au régime de Damas, qu'il a qualifiée d'« odieuse ». Son chef de la diplomatie Rex Tillerson a également mis en garde la Russie sur son soutien à Damas. En même temps, Washington menace la Corée du nord et son allié, la Chine, d'une guerre. Une intervention en Syrie ferait des millions, voire – si elle déclenche la « guerre totale » avec la Russie que Hollande craignait en 2015, ou avec la Chine – des milliards de morts.
L'évocation par Schwartzbord des morts de l'attaque chimique en 2013 à Ghouta souligne le risque très réel que l'attaque à Khan Cheikhoun est une provocation montée par la CIA ou ses alliés. L'attaque de Ghouta s'est déroulée alors que Washington et les puissances impérialistes européennes menaçaient la Syrie d'une guerre. Comme maintenant, Washington et l'Europe ont insisté immédiatement, sans aucune investigation, qu'Assad était coupable.
Des investigations du journaliste américain réputé Seymour Hersh ont ensuite établi en 2014 que l'Administration Obama avait passé sous silence l'information qu'Al Qaïda disposait d'armes chimiques en Syrie, et que l'attaque à Ghouta avait été planifiée par les services turcs. Aucun gouvernement n'a fourni une réfutation de l'analyse de Hersh. Le but était de fournir un prétexte au Pentagone pour lancer une guerre en Syrie. Obama a finalement décidé contre une intervention directe, au grand dam de Hollande, quelques semaines plus tard.
En fait, le pire dans l'instrumentalisation des photos d'enfants syriens gazés par la presse, c'est que, pour l'heure, elle ressemble tellement à cette propagande monstrueuse en 2013.
Dans l'analyse que présente Libération pour justifier la mise en accusation d'Assad par Schwartzbord, il manque tout élément de preuve. Libération cite des témoins : un responsable d'une ONG française présente dans la province d'Idleb, un médecin, et le porte-parole des rebelles de la région. Ceux-ci confirment la présence de chasseurs Soukhoï-22 syriens dans la région et de tirs de missiles vers l'heure de l'attaque, et le fait que les symptômes des victimes sont conformes à ceux que provoqueraient une attaque chimique.
Toutefois, seul un témoin établit concrètement un lien entre les Soukhoï-22 syriens et l'usage des armes chimiques : Ibrahim al-Idlibi, « porte-parole de la rébellion modérée pour la région d'Idlib » selon Libération. Et même le témoignage d'al-Idlib n'établit pas de manière définitive que ce sont les chasseurs d'Assad qui ont tiré le gaz.
Selon al-Idlib, « C'est la première fois que des chasseurs Soukhoï-22 sont utilisés avec des missiles pleins de sarin lancés en même temps que des missiles explosifs pour une attaques massive destinée à tuer au maximum. ... La semaine dernière, les rebelles ont mené une offensive contre Hama, et le régime a subi des pertes considérables. L'attaque de Khan Cheikhoun est une vengeance ».
Si ce sont là les preuves dont dispose Libération, il faut dire que pour l'heure, personne ne sait ce qui s'est passé à Khan Cheikhoun, car personne n'a investigué sérieusement l'attaque. Mais non seulement Schwartzbord fait porter de manière incendiaire la responsabilité entièrement à Assad ; elle dénonce également, et avec hystérie, Moscou.
Dénonçant le rôle de la Russie dans la sortie de la crise en 2013 – Moscou avait joué aux médiateurs afin d'empêcher une intervention impérialiste en Syrie, et promis de détruire l'arsenal chimique syrien – Schwartzbord ajoute, « Mais le pire ce n'est pas cette photo. Le pire c'est que les Russes s'étaient portés garants de la destruction des sites syriens d'arme chimique il y a 4 ans ».
En mettant en doute le rôle de la Russie dans la destruction des armes chimiques d’Assad, Libération jette le doute sur toute tentative de négocier avec la Russie dans les multiples conflits, dont en Syrie et en Ukraine, qui l'opposent à l'OTAN. C'est une geste d'une témérité extraordinaire, vu les conséquences d'une guerre entre les grandes puissances nucléaire.
La guerre en Syrie est avant tout la responsabilité des Etats-Unis et de leurs alliés européens, dont la France. Le massacre de la population syrienne est le résultat de six ans de guerre par procuration menée par les puissances impérialistes contre la Syrie. Washington et ses alliés européens ont employé des forces islamistes liées à Al Qaïda financées par les monarchistes du Golfe, ainsi que des milices nationalistes kurdes, à partir de 2013.
Schwartzbord dépeint le monde à l'envers, terminant son éditorial avec des lamentations sur « l'impuissance » de l'OTAN : « L'Europe est exsangue, et ses deux piliers, la France et l'Allemagne, paralysés par des campagnes électorales. Et les Américains sont gouvernés par un fou dont on ne sait si l'on préférerait qu'il intervienne ou qu'il s'abstienne. Le pire, c'est cette impuissance ».
Ce genre de passage donne tout son sens à l'expression « la presse bourgeoise ». Quel genre de journal s'interroge pour savoir si elle préfère ou non que Trump, un milliardaire d'extrême-droite, lance une autre guerre dévastatrice pour occuper encore un autre pays du Moyen Orient, après l'Afghanistan et l'Irak ? C'est un journal qui dont les prétensions à un gauchisme postsoixantehuitard petit-bourgeois masquent à peine le bellicisme proimpérialiste.
Libération agit en tant qu’instrument de la propagande de l’impérialisme français et de la CIA pour encourager Trump et l’opinion publique en France à de nouvelles guerres.
Pour plus d'informations :
[8 avril 2014]