Des rapports récents publiés par plusieurs organisations de statistiques révèlent à quel point la paupérisation de la classe ouvrière espagnole a été massive et rapide.
Depuis le début de la crise économique mondiale fin 2007, la classe dirigeante espagnole, avec ses homologues des autres pays, est engagée dans une contre-révolution sociale. La classe ouvrière espagnole n'avait pas subi de baisse aussi significative de son niveau de vie depuis la victoire des forces fascistes de Franco en avril 1939.
Le gouvernement de droite du Parti populaire (PP) et son prédécesseur du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) ainsi que les autorités régionales et locales de diverses couleurs politiques, y compris la Gauche unie (Izquierda Unida - IU) dirigée par le Parti communiste ont imposé des plans d'austérité draconiens, les uns après les autres, impliquant des coupes dans la santé, l'éducation et les services sociaux ainsi que des augmentations d'impôts et des prix de l'électricité, du gaz et de l'eau.
Les dernières données publiées par l'organisation caritative catholique Caritas dans son rapport « Inégalité et droits sociaux : analyses et perspectives 2013, » montrent que les niveaux de revenus des travailleurs espagnols ont décliné à des niveaux inférieurs à ceux d'il y a 10 ans. Le pouvoir d'achat annuel de l'Espagnol moyen était de 18 500 euros en 2012, inférieur à celui de 2002.
Près de 21,8 pour cent de la population espagnole (10 millions de gens) sont classés parmi les pauvres – vivant avec moins de 60 pour cent du revenu national moyen, qui, d'après Eurostats, se monte à moins de 7300 euros par an. Ceux qui vivent dans une pauvreté extrême constituent maintenant 6,4 pour cent de la population, soit près de trois millions de personnes.
D'après Caritas, les données de 2012 montrent que les conditions de vie de millions de travailleurs se sont détériorées rapidement. « Nous sommes passés de 300 000 ménages sans revenu en 2007 à 630 000 en 2012, et, ajouté à cela, les ménages qui sont incapables de gérer les dépenses imprévues sont passés de 30 pour cent à 44,5 pour cent. Nous avons aussi augmenté à plus de 1,8 million de ménages le nombre de ceux où tous les membres de la famille [aptes au travail] sont au chômage, comparé aux 380 000 ménages qui étaient dans cette situation avant la crise. »
L'inégalité est montée en flèche. Depuis 2007, la différence entre les 20 pour cent les plus riches et les 20 pour cent les plus pauvres a augmenté de 30 pour cent. Ce rapport prévient que « La société espagnole est fracturée en conséquence de la sérieuse augmentation de l'inégalité. Les dernières données d'Eurostats montrent que l'inégalité sociale, mesurée par le coefficient Gini (où 0 exprime l'égalité parfaite et 100 l'inégalité maximale), est passée de 31,3 en 2008 à 34 en 2011. La moyenne de l'Union européenne est de 30.
Ces faits terribles sont confirmés par l'organisation non-gouvernementale Intermon Oxfam, dont le rapport « Crise, inégalité et pauvreté » indique qu'encore plus de gens sont dans la pauvreté que ce que suggère Caritas – autour de 12,7 millions de gens. Il prévient que les mesures d'austérité et les coupes sociales devraient entraîner 18 millions de pauvres en 2022 – soit 38 pour cent la population, une proportion encore jamais atteinte. Ce même rapport publie également d'autres indicateurs de la dévastation sociale de l'Espagne, dont le fait qu'il y a eu 46 559 expulsions au premier trimestre de 2012, soit une moyenne de 526 familles perdant leur logement chaque jour.
La politique de la classe dirigeante a également signifié un exode des ouvriers espagnols et des jeunes. D'après l'Institut national de la statistique (l'INE), le nombre de citoyens espagnols résidant à l'étranger en 2012 a augmenté de 6,3 pour cent l'année dernière pour atteindre 1,9 million.
Les dernières données indiquent également la manière dont l'élite dirigeante fait avancer son objectif de convertir l'Espagne en une plateforme de travail à bas coût. D'après la Banque d'Espagne, les salaires ont baissé de 8,5 pour cent en 2012. En plus de cela, les compagnies ont fortement réduit leurs paiements de sécurité sociale et le gouvernement a augmenté l'âge de départ à la retraite et a rendu plus facile le licenciement des travailleurs.
La classe dirigeante a profité de cette misère sociale alors même que ses représentants politiques répètent sans fin que « nous devons tous faire des sacrifices ». Les exportations de l'Espagne ont atteint un record de 223 milliards d'euros en 2012. Le Crédit suisse a estimé que le nombre de millionnaires allait plus que doubler au cours des cinq prochaines années, pour atteindre les quelque 616 000.
La classe ouvrière a réagi à ces tentatives de paupérisation massive par des grèves et des manifestations. L'an dernier, il y a eu près de 1300 grèves impliquant près de quatre millions de travailleurs, soit près de six fois plus qu'en 2011. Plus de 40 millions d'heures de travail ont été perdues, soit près du double de l'année précédente.
Conscient que le programme de guerre des classes appliqué pour le compte de l'élite dirigeante mène à une explosion sociale et à une opposition montante de la classe ouvrière, le gouvernement du PP a augmenté les dépenses pour les personnels et les équipements anti-émeutes de 1 780 pour cent cette année. Une nouvelle force spéciale de réaction rapide appelée Unité de protection et de réaction a été créée pour collaborer avec la police anti-émeute, sa devise est « Nous assumons la garde à vue et nous rétablirons l'ordre. »
(Article original paru le 2 avril 2013)