Françoise David, co-dirigeante de Québec solidaire, a déclaré la semaine dernière que son parti serait prêt à soutenir en chambre un éventuel gouvernement minoritaire du Parti québécois.
Ce n'est là que la dernière d'une série d'initiatives prises par QS dans l'espoir de forger un « front commun indépendantiste », au centre duquel trônerait le Parti québécois pro-patronal, contre le gouvernement libéral provincial de Jean Charest.
Juste avant le déclenchement des élections québécoises au début du mois, les dirigeants de Québec solidaire et d'Option nationale, deux partis indépendantistes, ont conclu un pacte de non-agression dans la campagne électorale en cours.
Selon ce pacte, Québec solidaire ne présentera pas de candidat dans la circonscription de Nicolet-Bécancour où se présente le chef d’Option nationale, Jean-Martin Aussant. En retour, Option nationale laisse le champ libre à Françoise David dans le comté de Gouin.
Françoise David a affirmé en annonçant ce pacte qu’il y avait «énormément d’éléments similaires» entre les deux partis. «Le programme d'Option nationale est progressiste, le nôtre aussi», a-t-elle indiqué. Option nationale a été créée l’an dernier d’une scission avec le PQ et partage un grand nombre d’éléments de son programme nationaliste de droite.
Option nationale a établi clairement que l’objectif principal de son programme était l’accession à l’indépendance du Québec. La principale critique officielle d’Aussant à l’endroit de la direction du PQ est son hésitation à faire la souveraineté.
Ancien critique en matière d’économie pour le PQ, Jean-Martin Aussant a travaillé dans le domaine de la finance avant d’entrer au PQ. Il a entre autres été vice-président de Morgan Stanley Capital International/Barra à Londres, de 2003 à 2005 et consultant financier pour plusieurs firmes.
Malgré l’enthousiasme de David pour ce nouveau pacte, Aussant a tout de même voulu garder ses distances avec le programme de QS : « Nos plateformes ont des choses similaires… mais on a quand même nos raisons d'exister tous les deux. » Tandis que QS enrobe son programme souverainiste et capitaliste d’un discours de gauche petit-bourgeois, Option nationale adopte une position une position ouvertement à droite et vise à créer « une économie du Québec qui enrichit les Québécois ».
Le pacte avec Option nationale sert avant tout à envoyer un signal clair au Parti québécois que QS est prêt à créer des alliances. En effet, électoralement parlant, QS a peu à gagner d’un pacte avec un parti marginal qui ne devrait recueillir qu’un minuscule pourcentage des votes.
Récemment, QS s’est montré ouvert à une alliance électorale avec le PQ. En juin dernier, QS a soumis une proposition visant la formation d’un front uni constitué de Québec solidaire, du Parti Québécois, d’Option nationale et de députés indépendants (qui ont fait défection du PQ), afin de déloger le gouvernement libéral provincial de Jean Charest.
Malgré les critiques que QS lance à l’endroit de certaines politiques du PQ, il établit une distinction entre la droite « néolibérale » d’une part, constituée du Parti libéral et de la Coalition Avenir Québec (CAQ), et le PQ de l’autre. La priorité, soutiennent QS et ses alliés de la pseudo-gauche, est de se débarrasser des libéraux et il faut pour cela bâtir une coalition avec le PQ « moins pire ».
Même si le PQ refuse cette alliance, ce qu’il a fait jusqu’à maintenant pour ne pas s’associer ouvertement à des forces trop « radicales » aux yeux de la bourgeoisie, il profitera d’une manière ou d’une autre de cette campagne de séduction qui lui applique un vernis de gauche, sème des illusions sur ses véritables politiques et lui permet de mieux exploiter la colère populaire envers les libéraux de Charest.
Le moment choisi par QS pour essayer d’établir cette alliance avec le PQ est particulièrement significatif. Le PQ est en crise depuis plusieurs années, ce qui a surtout été révélé dans la défaite monumentale subie par son parti frère, le Bloc québécois (BQ), lors des élections fédérales où ce dernier avait presque été rayé de la carte. Le PQ n’a jamais été capable de profiter de l’immense opposition populaire aux politiques du gouvernement Charest durant ses neuf années au pouvoir.
Plus récemment, le PQ a fait quelques gains en se présentement faussement comme l’allié des étudiants dans leur grève pour s’opposer à la hausse radicale des frais de scolarité des libéraux. Mais maintenant, le PQ, comme toutes les sections de l’establishment, fait tout ce qu’il peut pour mettre un terme à la grève en exigeant une « trêve électorale ». Le mouvement étudiant militant, qui a suscité un grand appui dans la classe ouvrière, est maintenant redirigé dans une campagne de réélection du PQ, et les syndicats et Québec solidaire en sont les principaux complices.
QS a posé des conditions minimales à son front uni : l’abrogation de la loi 78, l’abolition de la hausse des frais de scolarité et de la taxe santé, l'ajout d’un seuil d’imposition sur les revenus des contribuables riches et la révision la loi sur les mines « pour que le peuple québécois soit le principal bénéficiaire de l’exploitation viable de nos ressources minières ». Pour s’assurer que cette alliance soit acceptable pour le PQ, QS a ajouté que la « quasi-totalité de ces engagements sont déjà inclus dans les programmes des partis concernés par l’Appel. »
QS demande aussi que ses éventuels partenaires s'engagent à une réforme du mode de scrutin en « laissant une place importante à la proportionnelle », qui serait applicable « dès l’élection générale suivante ». La mise en place d’un système électoral proportionnel, bien qu’il s’agisse d’un mode de scrutin plus démocratique que le système actuel, n’est aucunement une remise en question de la domination politique de la grande entreprise et de ses partis sur la classe ouvrière. QS, qui ne compte pour l’instant qu’un seul député à l’Assemblée nationale, avance cette idée de la proportionnelle pour se tailler une place plus importante au pouvoir et s’intégrer davantage à l’ordre établi.
Malgré les critiques que QS peut bien diriger à l'occasion vers le PQ, leurs programmes respectifs défendent des idées similaires liées au projet réactionnaire de la souveraineté du Québec, à savoir que les travailleurs du Québec ont plus en commun avec l’élite dirigeante francophone de la province qu’avec leurs frères et sœurs de classe à travers le pays, et que la classe ouvrière doit subordonner ses intérêts indépendants à la création d’un nouvel État capitaliste en Amérique du Nord.
La lutte contre l’austérité et l’assaut sur les droits démocratiques ne peut pas passer par le PQ et le programme nationaliste de la souveraineté du Québec. Au contraire, les travailleurs et les jeunes doivent développer une lutte consciente en opposition au PQ et à toutes les forces de la pseudo-gauche comme Québec solidaire qui font la promotion du nationalisme québécois. Ils doivent plutôt unir leurs luttes à celles des travailleurs du reste du Canada et internationalement contre le système capitaliste en faillite.