Le syndicat des pilotes fait passer les plans de restructuration d’Air France

Alors que la direction d’Air-France-KLM tente d’imposer un plan drastique de réduction des coûts (Transform 2015) face à l’opposition des salariés, le Syndicat national des pilotes de Ligne (SNPL) a fait passer un accord appuyant les objectifs de la direction. Transform 2015 envisage la suppression de plus de 5000 postes chez Air-France-KLM.

Après avoir recommandé d’accepter l’accord, le SNPL avait organisé un referendum de ses adhérents dont le résultat, annoncé le 16 août, fut présenté comme positif. Les 67 pour cent des adhérents ayant voté pour représentaient toutefois bien moins de la moitié de l’ensemble des pilotes.

L’accord a été salué par la presse et les milieux d’affaires. Le quotidien La Tribune l’a appelé une « très belle victoire pour le PDG de la compagnie, Alexandre de Juniac ». Le jour même de l’annonce du résultat du vote, les actions de la compagnie ont grimpé de 3,72 pour cent.

Il prévoit entre autre que 550 pilotes sur 4.400 seront recasés dans des filiales d’Air France, une hausse des heures de travail de 15 pour cent sans augmentation de salaire, et une réorganisation du temps de travail dans le sens des intérêts de la compagnie.

Il laisse à Air France toute latitude pour organiser le travail des pilotes comme bon lui semble. Le dirigeant du SNPL, Jean-Louis Barber a précisé que les mesures seront « corrélées à ce qui sera mis en oeuvre sur l’ensemble du périmètre de l’entreprise (avec les autres catégories de personnel et dans le volet industriel) ».

Barber a avoué que l’accord représentait une attaque des salaires et des conditions de travail : « Les pilotes acceptent de travailler plus pour des salaires équivalents… » et l’a justifié en disant qu’Air France s’était engagé à « ce qu’il n'y aurait pas de licenciements ». L’expérience montre toutefois que de tels engagements ne valent rien. Il a aussi insisté pour dire que les autres catégories de salariés devaient faire des sacrifices au profit de la compagnie « Les pilotes ne doivent pas être les seuls à faire des efforts ».

Alors qu’un accord similaire avait été rejeté par les hôtesses et les stewards et qu’il avait été passé de justesse pour le personnel au sol, où il est fortement contesté, une acceptation du « plan de redressement » revêtait une importance particulière. Un rejet de Transform 2015 par les pilotes aurait remis en question toute l’opération.

 

La Tribune explique qu’« après le refus des hôtesses et des stewards, un "non" des pilotes aurait été catastrophique pour Air France », ajoutant qu’il « aurait fallu passer en force, prendre des mesures plus lourdes et créer de facto des tensions sociales. » En cas d’échec chez les pilotes, l’accord avec les personnels au sol aurait été le seul à être validé et aurait été rapidement mis en cause.

Un « passage en force » aurait mobilisé les salariés et entraîné des luttes au-delà d’Air France.

Le soutien ouvert des syndicats pour l’accroissement de la profitabilité d’Air France est aussi un soutien direct au gouvernement Hollande qui peut ainsi développer sa politique d’austérité.

Il ne s’agit pas seulement du SNPL. La CFDT, FO et la CGC ont fait passer un accord de suppression d’emplois et de réduction de salaires pour le personnel au sol. La CGT a critiqué l’accord, mais pour ses propres raisons de nature tactique. Tous les syndicats acceptent le principe de défendre la compétitivité des entreprises aux dépens des travailleurs. Aucun d’eux n’a organisé de lutte pour défendre les acquis sociaux de salariés.

La « méthode » d’Air France est de s’appuyer essentiellement sur les syndicats pour imposer ses attaques. La direction d’Air France menace d’attaques plus lourdes encore si le personnel n’accepte pas les accords dès maintenant. Les syndicats se servent de cette menace pour presser les salariés à accepter des accords favorisant les plans d’Air France.

Que les plans de la direction d’Air France sont perçus comme une menace contre l’emploi et les salaires par les salariés d’Air France, y compris par les pilotes, se voit dans les grèves du mois de juillet.

La grève de plusieurs jours appelée au mois de juillet pour lâcher du lest par plusieurs syndicats, dont le SNPL dans une filiale d’Air France, Regional, a été suivie à 80% et avait causé des perturbations. Le SNPL s’est bien gardé de faire grève à Air France même. C’est un petit syndicat, le SPAF qui s’en est symboliquement chargé, sans grandes conséquences.

Air France avait annoncé ses plans en juin (voir : Air France annonce 5.000 suppressions d’emplois ) et les syndicats s’étaient immédiatement déclarés prêts à les accepter. Le SNPL avait déjà signalé sa volonté de les accepter. « Si la direction propose un avenir clair, nous signerons » avait-il déclaré.

Au moment de l’annonce du « plan de redressement », le gouvernement Hollande avait clairement indiqué qu’il ferait tout pour que les objectifs d’Air France soient réalisés. Le ministre délégué aux Transports, Frédéric Cuviller, avait dès le 25 mai déclaré « qu’il serait particulièrement attentif tout au long des mois à venir à ce que la compagnie (...) puisse se donner les moyens de son redressement ».

Le patron d’Air France a dit qu’il n’avait subi « ni intervention ni pression » du gouvernement Ayrault (l'Etat est actionnaire d’Air France à 15 pour cent) lors de la préparation de son plan : « Nous avons été très transparents, l'Etat savait tout et nous avons annoncé en même temps le chiffre du sureffectif et le mode de traitement ».

Le souci particulier du gouvernement Hollande, comme celui des syndicats et de la direction d’Air France est d’empêcher une confrontation directe avec la direction.

Les attaques contre les salariés des compagnies aériennes ont lieu au niveau international. Toutes les autres compagnies aériennes appliquent actuellement des « plans de restructuration » semblables. Le principal concurrent européen d’Air France, Lufthansa, essaie en ce moment d’imposer son propre plan. Là aussi, le syndicat (Syndicat indépendant du personnel navigant, UFO) cherche à éviter toute confrontation directe avec la direction de l’entreprise, bien que 83,2 pour cent de ses membres aient voté pour la grève.

Aux Etats-Unis, les principales compagnies aériennes ont imposé licenciements massifs et réductions de salaire et introduit une exploitation intensive des salariés grâce à un allongement du temps de travail et à une diminution des temps de repos.

Il y a deux semaines, la compagnie australienne Qantas a announcé 2.800 suppressions d’emplois suite a une décision de justice lui permettant de sous-traiter et se servir d’agences d’intérim sans limites.

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