wsws.org/francais
Visitez le site anglais du
WSWS
SUR LE SITE :
AUTRES
LANGUES
Allemand
Français Anglais
Espagnol Italien
Indonésien
Russe Turque Tamoul Singalais Serbo-Croate
|
|
Festival
du film de Sydney 2001
Collaboration et Résistance dans la France de Vichy
Le Chagrin et la Pitié de Marcel 0phuls
Par Richard Phillips
16 août 2001
Le Chagrin et la Pitié : Chronique d'une ville française
sous l'Occupation, film documentaire épique de quatre
heures et demie sur l'occupation allemande de la France pendant
la seconde guerre mondiale, fut projeté récemment
au festival du film de Sydney. Sorti il y a trente ans à
Paris, ce film qui est maintenant distribué en DVD, est
considéré à juste titre comme un des documentaires
les plus importants du cinéma et parmi les rares films
qui révèlent la collaboration de la classe dominante
française avec l'Allemagne nazie de 1940 à 1944.
Ce film d'Ophuls révèle non seulement la répression
politique et l'antisémitisme de la France de Vichy et
l'opposition croissante contre ce régime, mais il remet
aussi en cause la mythologie d'après-guerre, créée
autour du mouvement gaulliste de la France Libre. Ce n'est pas
un compte-rendu complet de la période, il y a des omissions
importantes, mais néanmoins le film représente
une introduction remarquable à cette période.
Marcel Ophuls, fils unique du cinéaste et metteur en
scène Max Ophuls et de l'actrice Hilde Wall, naquit en
Allemagne en 1927 et vécut une partie de la période
traitée par le documentaire. Sa famille déménagea
pour aller vivre en France en 1933, où son père
continua à réaliser des films, servit dans l'armée
française en tant que simple soldat de 1939 à 1940
et participa aussi à la production d'émissions
de radio antinazies. La famille s'enfuit de Paris en 1940, peu
de jours avant que l'armée allemande ne prenne la ville,
pour l'Espagne et puis les Etats Unis en 1941.
Marcel Ophuls rentra en France en 1950 et travailla comme
assistant au tournage du Moulin Rouge de John Huston (1953)
et du Lola Montès de son père (1955). Après
quelques longs métrages de fiction sans succès
au début des années 60, Marcel se tourna vers le
documentaire et réalisa Munich ou le passé pour
cent ans (1967) et le Chagrin et la Pitié (1969).
Il enchaîna avec La mission de Mai Lai (1970),
sur la guerre du Vietnam; A sense of loss (1972), sur
le conflit de l'Irlande du Nord; et The memory of justice
(1976) qui traite des procès de Nuremberg, du colonialisme
français en Algérie et de l'intervention américaine
au Vietnam. Après douze ans sans faire de film, il réalisa
Hôtel Terminus: Klaus Barbie et son temps (1988),
qui remporta un Acadamy Award, Jours en novembre (1992)
et plus récemment Veillée d'armes: Histoire
du journalisme en temps de guerre (1994).
Le Chagrin et la Pitié est divisé en
deux parties et se concentre sur la vie à Clermont-Ferrand,
une ville de 150 000 habitants en Auvergne, près de Vichy.
La première partie, l'Effondrement, ébauche
la crise politique de la bourgeoisie française - sa désagrégation
face à l'armée allemande et la division de la France
en deux, la zone occupée et la zone non occupée.
Le Choix, la deuxième partie, traite de l'opposition
au régime, de la désagrégation de ce régime
et de sa défaite.
La zone occupée fut gouvernée directement par
les nazis et comprenait l'intégralité des côtes
atlantiques et de la Manche, ainsi que les régions les
plus riches de l'ouest du nord et du nord-est de la France. La
zone non occupée, qui était gouvernée par
un régime bonapartiste pro-nazi conduit par le maréchal
Philippe Pétain, un officier français de la première
guerre mondiale, avec comme premier ministre Pierre Laval, comprenait
le centre, le sud et le sud-est de la France. Les nazis, selon
Pétain et ses partisans, défendaient la civilisation
contre le communisme. Le slogan fondamental du gouvernement de
Pétain était « Travail, Famille, Patrie ».
Combinant des entretiens approfondis avec des participants
de l'époque, 36 au total, et des extraits de films d'actualités
et d'archives, pour confirmer ou pour infirmer leurs témoignages,
le Chagrin et la Pitié construit un portrait
en mosaïque de la période. Les gens interviewés,
dont bon nombre le sont par Ophuls lui-même, comprennent
des militaires allemands, des collaborateurs et des aristocrates
français de tendance fasciste, des démocrates libéraux,
des diplomates et des espions britanniques, des patrons d'usine,
des indécis de la classe moyenne, des enseignants et des
marchands ainsi que des paysans résistants.
Le film commence avec Helmut Tachsend, grand fumeur de cigares,
ancien capitaine de la Wehrmacht et occupant, qui maintient que
le peuple français accueillit à bras ouverts les
nazis. Interviewé aux noces de son fils, Tachsend se vante
de ses exploits pendant la guerre. Le documentaire alterne les
propos de Tachsend et les actualités de propagande nazies
dénonçant la France comme « une honte pour
la race blanche » car elle avait des soldats vietnamiens
et africains dans son armée.
Ophuls utilise des extraits de films d'archives, dont des
discours de Pétain et de Laval, et des commentaires de
collaborateurs qui en toute franchise lui disent qu'ils avaient
soutenu Pétain croyant que celui-ci écraserait
les militants communistes, mettrait un coup d'arrêt à
l'agitation ouvrière et assurerait une position forte
pour la France dans une Europe nouvelle dominée par les
Allemands. Par contre, un gradé allemand raconte à
Ophuls plus tard dans le film qu'il fut soulagé quand
les nazis furent vaincus. « Si Hitler avait gagné
», dit-il, « je serais probablement toujours soldat
aujourd'hui, en train d'occuper l'Afrique, l'Amérique
ou ailleurs ».
Répression politique et antisémitisme
français.
Mises à part quelques perturbations mineures pendant
les premières semaines de l'occupation allemande en juin
1940, la vie sociale de la grande bourgeoisie et des couches
supérieures des classes moyennes parisiennes reprit son
train habituel: défilés de mode, théâtre,
opéra, courses hippiques. Comme l'explique une des personnes
interviewées: « C'était un Paris de folle
gaieté, Maxim's tournait à plein. Tout le monde
a honte d'en parler aujourd'hui. »
Sur cette toile de fond, Ophuls représente la vague
de répression menée par le gouvernement nazi et
le régime de Vichy contre la grande masse du peuple. Les
partis politiques furent interdits, les grèves rendues
illégales, des milliers de travailleurs aux idées
socialistes, de juifs, de gitans et de réfugiés
de l'Espagne fasciste furent persécutés, emprisonnés
et puis transportés dans les camps de concentration allemands.
Il y eut un grand battage dans tout le pays pour promouvoir des
théories pseudo-scientifiques raciales et la propagande
antisémite, y compris le film français Le Péril
Juif, qui représentait les juifs comme des sous-hommes.
Une des personnes interviewées, Claude Lévy,
qui a écrit une des études les plus complètes
sur la persécution des juifs en France et qui fut un résistant
actif dès l'âge de seize ans, fournit des détails
sur la rafle du vél' d'Hiv (vélodrome d'Hiver),
quand la police française rafla près de 13 000
juifs parisiens, dont 4 051 enfants, et les enferma dans le stade
du vélodrome d'Hiver à la mi-juillet 1942. Cinq
jours plus tard, ces prisonniers furent embarqués dans
des wagons à bestiaux et transportés au camp de
concentration de Drancy près de Paris et puis au camp
de la mort d'Auschwitz. En fait, des fonctionnaires français
déportèrent environ 75 000 juifs, dont 12 000 enfants,
vers des camps nazis entre 1941 et 1944 où ils furent
exécutés.
Bon nombre des gens interviewés, cependant, feignent
l'ignorance ou la perte de mémoire quand Ophuls les interroge
sur ces événements. Le gendre du premier ministre
Laval maintient que son beau père était contre
le racisme et deux professeurs qui avaient vécu ces événements
prétendent n'avoir aucun souvenir de lois interdisant
aux juifs d'exercer dans les établissements scolaires
en France. Ophuls interroge Marius Klein, marchand français
qui, craignant boycotts, attaques à l'incendie ou déportation,
maintint, tout au long de l'Occupation, une annonce dans le journal
local déclarant qu'il n'était pas juif.
Le documentaire d'Ophuls montre aussi de brefs extraits de
Jacques Doriot, ancien dirigeant du Parti communiste français
(PCF) élu à la Chambre des députés
mais qui rompit avec le parti en 1934 et qui par la suite forma
en 1936 le Parti populaire français d'extrême droite.
Doriot soutenait les nazis et collaborait directement avec l'armée
d'occupation allemande.
Vers la fin du Chagrin et la Pitié, Andrew Harris,
un des réalisateurs du film, conduit un entretien, à
faire frémir, avec l'aristocrate français et brute
fasciste Christian de la Mazière. De la Mazière
avait été l'un des 7 000 français qui s'étaient
inscrits à la division Charlemagne, unité spéciale
de SS assignée au front de l'est. De la Mazière
explique que, quoique fasciné par les éléments
mystiques et religieux du fascisme, son attrait principal résidait
pour lui dans sa détermination à étouffer
toutes les idées et toutes les organisations socialistes.
« Il faut comprendre la France à l'époque
où j'ai grandi », explique-t-il. « En 1934
toute école était un champ de bataille et on parlait
de révolution partout - en France, en Espagne et en Afrique
du nord. Il fallait choisir entre un parti révolutionnaire
ou l'autre et mon parti révolutionnaire fut le fascisme.
Un garçon élevé dans mon milieu, comment
pouvait-il ne pas être anticommuniste ? »
Le Chagrin et la Pitié prête très
peu attention au mouvement de La France Libre de de Gaulle, la
force créée par un petit groupe d'éléments
de la classe dominante opposés aux nazis. Dans la France
de l'après-guerre, de Gaulle et le mouvement de la France
Libre furent promus comme figures de proue de la Résistance
antinazie, mais contrairement à la version officielle,
de Gaulle, qui avait fui en Angleterre en juin 1940, avait très
peu de soutien populaire à l'intérieur de la France.
Mis à part un soutien limité de la part de gouverneurs
coloniaux en Syrie, à Madagascar et en Algérie,
ce chef auto-proclamé dépendait quasi totalement
des armées britannique et américaine.
Plutôt que de détruire directement la mythologie
de de Gaulle, Ophuls insiste sur le sacrifice et l'héroïsme
de simples travailleurs et paysans qui se battirent contre l'armée
allemande et le régime de Vichy pendant de longues années
sans aide de l'extérieur. De Gaulle n'apparaît que
brièvement dans des extraits de films d'actualités
et aucun des résistants interviewés n'a de lien
avec lui ni avec la France Libre. Le film contient aussi des
commentaires cinglants de résistants contre des membres
de la bourgeoisie qui prétendirent après-coup avoir
combattu les fascistes.
Denis Rake, espion britannique et artiste de boîte de
nuit qui travaillait à Paris pendant l'Occupation, explique:
« La bourgeoisie ne m'a pas aidé énormément.
Les ouvriers français étaient formidables - nourriture,
cigarettes, ils vous donnaient leur dernier centime si vous en
aviez besoin. »
Louis Grave, un fermier qui dirigea de sa cave, avec son frère
Alexis, un groupe de résistants, donne le récit
discret mais profondément émouvant de leurs activités
clandestines. Grave fut dénoncé par un voisin du
village, arrêté par les autorités et envoyé
au camp de concentration de Buchenwald. D'anciens résistants
locaux réunis dans la cuisine de la ferme des Grave décrivent
la répression et les tortures infligées contre
les amis et les familles soupçonnées de s'opposer
aux fascistes. Ces héros sans prétentions disent
à Ophuls qu'ils ne ressentent aucun désir de se
venger de ceux qui avaient collaboré ou donné des
résistants aux autorités, la question principale,
expliquent-ils, c'est d'empêcher que des forces similaires
ne resurgissent aujourd'hui.
Le Chagrin et la Pitié se termine sur un extrait
de film d'archives du chanteur Maurice Chevalier qui tente de
justifier un concert qu'il donna en Allemagne nazie. Il faut
comprendre, déclare-t-il, avant de nous proposer une interprétation
de Sweeping the Clouds away, que cette visite n'avait
pas pour but de divertir les troupes allemandes mais de donner
du courage aux prisonniers français d'un camp de concentration.
Cela fait frémir.
Le film d'Ophuls accusé d'être «
antipatriotique »
Le Chagrin et la Pitié souleva une grande polémique
en France. Il avait été prévu de le diffuser
en deuxième volet d'un documentaire en trois parties sur
l'histoire contemporaine française, cependant l'ORTF,
l'organisation de radio-télévision française
contrôlée par l'état, refusa de le programmer
quand il fut achevé en 1969. Le film ne sortit qu'en avril
1971, presque deux ans plus tard, dans un petit cinéma
du quartier latin de Paris.
Comme une bonne partie de la production artistique faisant
suite à la révolte des étudiants et la grève
générale de mai-juin 1968, le film d'Ophuls cherchait
à miner la crédibilité du gouvernement de
droite de Charles de Gaulle qui prétendait avoir dirigé
la Résistance. Comme l'expliqua plus tard Andrew Harris:
« Ce qui m'agaçait, ce n'était pas la résistance
mais le résistancialisme, qui ne représentait
pas la réalité de l'Histoire et dont on a encombré
la littérature, le cinéma, les conversations de
bistrot et les manuels d'histoire ».
En fait, Ophuls et les producteurs du documentaire, Andrew
Harris et Alain de Sédouy, qui avaient soutenu activement
les mouvements de mai-juin 68, s'étaient heurtés
à la direction de l'ORTF pendant la grève et furent
licenciés du réseau avant que le Chagrin et
la Pitié ne soit terminé. Ophuls partit travailler
pour la télévision allemande et le film fut mené
à terme avec un financement suisse et allemand.
Les politiciens gaullistes et des sections de l'intelligentsia
française furent outrés par le film et l'accusèrent
d'être « antipatriotique ». Le patron de l'ORTF,
Jean-Jacques Bresson, ancien résistant, affirma à
un comité du gouvernement que le film « détruit
des mythes dont les Français ont encore besoin ».
Un critique alarmé déclara que le film minait
les efforts de la France pour « reprendre son rang »
et que « toute complaisance dans la honte, toute purge
de grande envergure dans le but de se débarrasser de tous
ceux qui, d'une façon ou d'une autre, avaient mal agi,
n'auraient servi que les desseins de ceux parmi les alliés
de la France qui voulaient la reléguer à un rôle
mineur dans l'ère de l'après-guerre » (retraduit
de l'anglais)
D'après lui, le danger résidait en ce que «
des publics étrangers, surtout dans les pays qui eurent
des raisons de s'indigner des actions de la France après
la guerre, ou de soupçonner que la version officielle
soit une tentative de réhabilitation, ne seraient que
trop heureux d'accepter Le Chagrin et la Pitié comme
l'entière vérité. » (retraduit
de l'anglais)
Cependant, le documentaire resta en salle à Paris pendant
87 semaines et fut largement représenté dans les
festivals du film et dans les cinémas sérieux en
Europe et aux Etats Unis pendant toute la décennie. Les
entretiens approfondis et in situ et l'utilisation mesurée
et souvent ironique de film d'archives influença toute
une génération nouvelle de réalisateurs
de films documentaires et de fiction. En 1981, plus de dix ans
après sa création, le film d'Ophuls fut finalement
diffusé à la télévision et attira
une audience de 15 millions de téléspectateurs.
De graves omissions sur le rôle du stalinisme.
Il est nécessaire, cependant, d'émettre des
avertissements sur le documentaire d'Ophuls. Deux questions essentielles
ne sont pas examinées dans le film: Pourquoi n'y eut-il
pas de résistance initiale de masse de la classe ouvrière
contre l'occupation allemande ? Comment fut-il possible que Charles
de Gaulle et son mouvement de la France Libre, qui avait peu
de soutien populaire au début des années quarante,
put prendre le pouvoir après l'effondrement de l'occupation
allemande?
Il est impossible de répondre à ces questions
sans examiner le rôle du Parti communiste français
(PCF), ce que le documentaire d'Ophuls ne fait pas et ce qui
laisse la porte ouverte à des conclusions pessimistes.
Un critique a prétendu, par exemple, que le Chagrin
et la Pitié prouve « la capacité tellement
humaine d'abandonner tout sens moral quand les forces militaires
et la propagande rendent cela plus commode ».
En fait, l'occupation allemande de la France et l'émergence
du régime de Vichy ne furent pas la conséquence
de « défaillances humaines » mais le résultat
final de la politique contre-révolutionnaire de la bureaucratie
stalinienne en Union Soviétique et suivie par ses organisations
satellites en France et ailleurs, lesquelles étouffèrent
l'action indépendante de la classe ouvrière contre
le fascisme.
A la suite de la montée au pouvoir d'Hitler en Allemagne
en 1933, rendue possible par la politique de Staline qui divisa
et paralysa la classe ouvrière allemande, la bureaucratie
soviétique s'allia ouvertement avec les rivaux impérialistes
de l'Allemagne. Dans le but de donner des preuves de loyauté
à leur nouveaux partenaires les staliniens supprimèrent
les luttes révolutionnaires pays après pays.
Le socialisme fut retiré de l'ordre du jour avec la
politique du Front populaire, adoptée en 1935 par l'Internationale
Communiste, laquelle subordonnait la classe ouvrière à
des alliances avec divers partis politiques bourgeois. C'est
sous cette bannière que la révolution espagnole
et la lutte contre les fascistes de Franco furent sabotées
et trahies.
En France, le PCF encouragea les travailleurs à soutenir
le gouvernement du Front populaire qui vint au pouvoir sous la
direction du dirigeant du Parti socialiste, Léon Blum
et qui comptait aussi le Parti Radical, bourgeois, sous la direction
d'Edouard Daladier. Tout en prétendant que ce régime
représentait un « moindre mal », la direction
du PCF mina le mouvement de grèves et d'occupations de
juin et juillet 1936 et la grève générale
de novembre 1938. Dans cette situation révolutionnaire,
les staliniens s'opposèrent à toute lutte de la
classe ouvrière pour défendre ses propres intérêts,
ce qui créa une vaste désorientation politique.
Les défaites de la classe ouvrière ne firent
que renforcer la réaction. En France, Daladier, auparavant
salué comme « progressiste » par les staliniens,
accéda au poste de premier ministre en 1938 et se mit
à faire marche arrière sur les conquêtes
du mouvement de grève de 1936. Le gouvernement de Daladier
attaqua les syndicats et s'adapta à ceux qui cherchaient
un rapprochement avec les nazis.
Loin de renverser sa politique désastreuse, la bureaucratie
soviétique chercha à se préserver en arrivant
à un accord avec Hitler, une démarche qui paralysa
toute lutte contre le fascisme et qui conduisit directement à
la seconde guerre mondiale. Le 21 août 1939, la bureaucratie
soviétique signa le pacte de défense mutuelle,
l'infâme pacte germano-soviétique, en déclarant
que l'Allemagne d'Hitler était amie de l'URSS. Les partis
communistes partout dans le monde, y compris le PCF, approuvèrent
cette politique et ordonnèrent à leurs adhérents
de s'opposer à toute guerre menée contre l'Allemagne.
Ceci explique comment, lorsque les troupes d'Hitler saisirent
la France en juin 1940 il n'y eut pas de résistance organisée
de la part de la classe ouvrière. Le PCF, quoique menant
une existence clandestine, ayant été proscrit en
septembre 1939 par le gouvernement de Daladier, ne tenta nullement
de s'opposer aux forces d'occupation ni au gouvernement de Vichy.
En fait, le PCF, plus à droite que de Gaulle, accusa ce
dernier de collaborer avec les anglais.
Le PCF ne commença à s'intéresser à
la Résistance qu'un an plus tard en juin 1941, quand l'Allemagne
envahit l'Union Soviétique. La bureaucratie stalinienne,
ayant antérieurement décrit la Grande-Bretagne
et les Etats-Unis comme des ennemis de l'URSS, subitement redéfinit
ces puissances impérialistes comme alliées. Le
PCF se mit à collaborer avec les forces de de Gaulle et
ordonna à ses cadres de s'incorporer à la Résistance
et prit le contrôle des organisations les plus importantes.
Dans les mois précédant le jour J, le PCF dominait
le Conseil National de la Résistance (CNR) composé
de six hommes, le Comité Militaire d'Action (COMAC), et
le comité de pilotage pour la Libération de Paris
(CPL).
Bien que les travailleurs aux convictions socialistes voyaient
en l'effondrement de l'occupation allemande l'opportunité
d'en finir avec le capitalisme, le PCF avait d'autres projets.
Conformément aux assurances données aux Etats-Unis
et à la Grande-Bretagne par Staline à la conférence
de Téhéran de 1943, laquelle organisa la configuration
de l'Europe de l'après-guerre, les staliniens français
aidèrent à imposer l'installation de de Gaulle
au pouvoir, puis à contenir et disperser la Résistance.
En échange, les staliniens français reçurent
des postes ministériels importants dont le ministère
de la production et du travail, de l'économie nationale
et de la défense, dans le premier gouvernement d'après-guerre
de de Gaulle.
Comme de Gaulle le reconnut plus tard dans ses mémoires,
le dirigeant du PCF, Maurice Thorez « aida à en
finir avec les derniers vestiges de la milice patriotique que
certains cherchaient obstinément à maintenir dans
une nouvelle clandestinité...[et] parmi les travailleurs
il ne cessa de prôner le slogan: travailler au maximum
et produire, à tout prix ». (retraduit de l'anglais).
Bien qu'il n'analyse pas ces questions essentielles et par
conséquent ne fournisse pas une présentation complète
de cette époque, le Chagrin et la Pitié
fournit tout de même un compte-rendu précieux de
la vie sous l'occupation allemande en France et un point de départ
utile pour des réalisateurs de documentaires à
l'avenir qui tenteraient d'analyser cette période cruciale.
Il mérite, certes, un public plus large que celui qui
assiste à des festivals du film.
Voir aussi:
Lionel Jospin et le trotskysme Le
débat au sujet du passé du premier ministre français
23 juin
2001
|