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WSWS : Nouvelles et analyses : Canada

Québec: Manifestation monstre en appui à la grève contre la hausse des frais universitaires

Par Keith Jones
24 mars 2012

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Deux cent mille personnes ont marché dans les rues du centre-ville de Montréal jeudi pour exiger que le gouvernement libéral du Québec annule la hausse des frais de scolarité universitaires de 75 pour cent au cours des cinq prochaines années.

La grande majorité des manifestants étaient des étudiants en grève des universités et des cégeps (établissements offrant des programmes techniques et préuniversitaires). Nombre d'entre eux venaient des villes de Québec, Sherbrooke, Gatineau, ainsi que d'autres plus petites villes à travers la province. Mais un nombre important d'étudiants du secondaire, d'enseignants de cégeps et d'universités, ainsi que des travailleurs et des retraités, venus de leur propre chef, étaient présents. Plusieurs délégations de travailleurs, bien que petites, parmi lesquelles se trouvaient des infirmières, des travailleurs de la construction et des fonctionnaires, ont participé à la manifestation.

Cette marche de protestation est l'une des plus imposantes à avoir été tenues à Montréal. Autant de gens ou même plus y ont participé que lors des grandes manifestations en mars 2003 en opposition au déclenchement de la guerre en Irak. À un certain moment, la marche s'étendait sur près de 5 kilomètres, et presque tous portaient quelque chose de rouge, la couleur qui est devenue le symbole du mouvement contre la hausse des frais de scolarité.

La colère et l'indignation envers l'intransigeance du gouvernement étaient bien présentes parmi les manifestants. Moins de 48 heures avant le début de la protestation, le gouvernement libéral de Jean Charest dévoilait un budget qui réaffirmait et développait son programme d'austérité de coupes dans les dépenses sociales, d'impôt dégressif et d'augmentation de tarifs, de hausse de frais de scolarité et de tarifs d'électricité.

Mais la manifestation de jeudi avait aussi des airs de fête, étant donné l'ampleur de la foule et son caractère représentatif.

De nombreux manifestants avaient confectionné des affiches. La plupart dénonçaient le gouvernement du premier ministre Jean Charest ou affirmaient que l'éducation devrait être un droit, par définition, offerte à tous. « L'éducation est un droit, alors pourquoi payer pour », pouvait-on lire sur une affiche ; ou bien, « l'étudiant n'est pas un client », sur une autre. Sur une troisième était écrit, « l'éducation est un bien commun ». Les pancartes faisaient aussi souvent référence aux révolutions en Égypte et en Tunisie, comme « le printemps étudiant » et le « printemps érable ».

Cette manifestation était le résultat d'une intensification, sur plusieurs semaines, de la grève étudiante à la grandeur de la province. Jeudi, environ 300.000 étudiants et, pour la première fois, des jeunes du secondaire ont boycotté les cours. Et plus de 200.000 étudiants, soit bien plus que la moitié de tous les étudiants postsecondaires du Québec, sont toujours en grève.

Pendant que les manifestants se rassemblaient au centre-ville de Montréal jeudi matin, le premier ministre Charest a répété que son gouvernement n'allait pas tolérer le moindre changement à ses plans d'augmenter les frais universitaires de 325 $ par année. « Espérons, a dit le premier ministre, que ceux qui décident de s'exprimer aujourd'hui vont le faire pacifiquement et respectueusement. »

Ces paroles ne sont que calomnie. Dès le début du mouvement de grève le mois dernier, le gouvernement a tenté de dépeindre les étudiants comme des personnes violentes. C'est en fait la police, suivant les ordres de ses supérieurs politiques, qui est intervenue de manière provocatrice dans les protestations étudiantes, en ayant recours aux gaz irritants, aux grenades assourdissantes et à la matraque, afin de disperser les manifestants. Plus tôt cette semaine, les policiers ont donné des contraventions de 494 $ à près d'une centaine d'étudiants pour avoir bloqué, durant une heure, l'accès au pont Champlain qui relie l'île de Montréal à la Rive-Sud.

Au sein de l'élite québécoise et canadienne, un soutien écrasant règne pour la ligne dure adoptée par Charest face à la grève étudiante et à son refus de même daigner rencontrer les dirigeants des trois principales associations étudiantes.

Les médias de la grande entreprise ont produit une foule d'éditoriaux et de commentaires, traitant les étudiants d'« égoïstes » et d'« utopistes ». Dans le contexte où la grande entreprise cherche à attaquer les services publics et les programmes sociaux, y compris les retraites et la santé, le patronat ne peut tolérer que les étudiants soutiennent que l'éducation est un droit. De plus, la grande entreprise voit que la grève étudiante est une contestation implicite des politiques d'austérité mises en oeuvre par l'ensemble des gouvernements, tous partis confondus, à tous les paliers de gouvernance.

Vendredi, dans une chronique publiée dans La Presse, le quotidien le plus influent du Québec, Alain Dubuc a souligné l'importance que la classe dirigeante accorde à la défaite du mouvement étudiant. En concluant sa liste de supposés « principes » qui motivent les libéraux à faire fi de l'opinion publique, Dubuc a déclaré : « Il y avait un autre principe en jeu... et c'est celui de casser un moule, celui de l'attachement au statu quo. C'est comme si les jeunes étaient tombés dans l'eau bénite du modèle québécois et qu'ils prenaient le relais de leurs aînés dans la défense des droits acquis. »

Le gouvernement et l'élite dirigeante basent leur stratégie sur une compréhension claire du lien qui existe entre la hausse des frais de scolarité et la destruction de ce qui reste des gains sociaux arrachés par la classe ouvrière, à travers ses luttes sociales du siècle dernier. Mais la direction du mouvement de grève limite délibérément ce dernier à la protestation d'un enjeu unique et s'oppose entièrement à faire de ce mouvement l'étincelle d'une contre-offensive de la classe ouvrière.

Les deux associations étudiantes alliées des syndicats - la Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ) et la Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ) - ont tenu jeudi matin une conférence de presse avec Pauline Marois, la chef du Parti Québécois (PQ), l'opposition officielle à l'Assemblée nationale du Québec.

Marois prétend soutenir la cause des étudiants et demande au gouvernement d'abandonner la hausse des frais de scolarité. Mais cela n'est que démagogie préélectorale de sa part. Marois n'a pas rejeté la possibilité qu'un gouvernement péquiste réalise son propre programme de hausse des frais de scolarité, après la tenue d'un forum ou d'un sommet où serait débattue la question du financement des universités. Mais il est encore plus significatif que le PQ ait condamné le budget des libéraux présenté mardi pour ne pas réduire suffisamment ou assez vite les dépenses sociales.

Étaient aussi présents à la conférence de presse les co-chefs du parti de « gauche » Québec solidaire, le chef et seul député d'Option nationale (parti ayant émergé d'une scission avec le PQ), et les dirigeants des trois principales centrales syndicales de la province.  Les syndicats, faut-il le rappeler, avaient joué un rôle majeur pour court-circuiter la dernière grande grève étudiante en 2005. Ils avaient offert leur appui organisationnel aux étudiants pour ensuite les amener vers un « compromis » avec le gouvernement dans le but de maintenir la « paix sociale ».

Il ne fait pas de doute que les dirigeants de la FEUQ et de la FECQ, sans parler du PQ et de leurs alliés de la bureaucratie syndicale, sont impatients de voir le mouvement de grève prendre fin. Vendredi, la FEUQ et la FECQ ont annoncé une campagne de protestation qui s'en prendrait aux députés libéraux qui ont été élus par une faible majorité. Ces associations veulent clairement pointer du doigt l'intransigeance des libéraux pour affirmer que la grève a épuisé son utilité et que la meilleure stratégie est de « punir le gouvernement aux urnes ».

Mais elles craignent aussi d'être ouvertement perçues comme étant opposées à la poursuite de la grève. Parlant comme un véritable bureaucrate syndical à en devenir, le président de la FECQ Léo Bureau-Blouin a plaidé vendredi pour des négociations avec le gouvernement. «À un moment donné, ça va devenir une véritable crise sociale. Les gens vont manifester tous les jours, ils vont perturber les bureaux de députés et je n'aurai plus aucun contrôle», a-t-il ajouté.

La CLASSE (Coalition large de l'Association pour une solidarité syndicale étudiante), l'association étudiante qui a déclenché le mouvement de grève, s'oppose à l'alliance de la FECQ et de la FEUQ avec le PQ. Mais sa perspective demeure totalement dans le cadre des politiques de protestations qui acceptent le système politique actuel et l'immuabilité de l'ordre social capitaliste. S'adressant aux manifestants à la conclusion des protestations de jeudi, le principal porte-parole de la CLASSE, Gabriel Nadeau-Dubois, a déclaré, « Pour faire bouger le gouvernement, il va falloir perturber, il va falloir occuper, il va falloir que ça brasse au Québec. »

Lors d'un congrès ce week-end, la CLASSE va élaborer sa stratégie suite au budget libéral et à la manifestation monstre. Mais tout semble indiquer qu'elle va décider d'intensifier sa campagne de « perturbation économique » en bloquant les ponts et les transports.

La CLASSE s'oppose à un tournant vers la classe ouvrière, la seule force sociale qui a le pouvoir de s'opposer à la subordination de toute la vie socioéconomique aux profits de la grande entreprise et dont les intérêts fondamentaux résident dans la lutte pour l'égalité sociale ainsi que dans la défense et le développement des droits sociaux.

Évidemment, les jeunes qui prêtent main-forte à la campagne de « perturbation économique » de la CLASSE, et ce, malgré la menace bien réelle de la violence policière, font preuve d'un courage et d'un dévouement remarquables. Mais en l'absence d'une perspective pour la mobilisation de la classe ouvrière dans des actions politiques et industrielles contre les programmes d'austérité des gouvernements Charest et Harper et en défense des emplois, cette campagne mènera tout droit les jeunes dans une impasse.

À la manifestation de jeudi, des partisans de l'Internationale étudiante pour l'égalité sociale et du Parti de l'égalité socialiste ont distribué plus de 2000 exemplaires d'un document contenant la déclaration « Les étudiants doivent se tourner vers les travailleurs » et une critique des politiques de la CLASSE, « Protester n'est pas suffisant : Il faut une nouvelle stratégie de lutte »

L'auteur recommande également :

Les étudiants en grève du Québec doivent se tourner vers les travailleurs [24 février 2012]

Grève étudiante au Québec : Il faut une nouvelle stratégie de lutte [24 mars 2012]

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