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WSWS : Nouvelles et analyses : Canada

Grève étudiante au Québec:
Il faut une nouvelle stratégie de lutte

24 mars 2012

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Ce texte a été diffusé lors d'une manifestation monstre des étudiants québécois en grève contre une hausse massive des frais de scolarité post-secondaire. La manifestation a réuni 200,000 personnes au centre-ville de Montréal selon les organisateurs. La grande majorité était des étudiants, mais il y avait aussi plusieurs délégations de travailleurs, y compris des enseignants, des travailleurs de la construction et des travailleurs de la santé.

La grève étudiante déclenchée contre la hausse drastique des frais de scolarité au Québec est à la croisée des chemins. Malgré la participation massive des cégeps et universités à travers la province, malgré le soutien solide des élèves du secondaire, des parents, des enseignants et de nombreuses couches de la population également touchées par les coupes budgétaires, la courageuse lutte des étudiants ne pourra aller de l'avant sans un changement fondamental de stratégie.

Manifestation des étudiants à Montréal jeudi dernier

Les étudiants en grève, certains depuis des semaines, ont jusqu'ici débordé d'enthousiasme et d'imagination pour manifester haut et fort leur opposition à une mesure qui fermera les portes de l'éducation post-secondaire à des milliers de jeunes adultes en situation financière précaire.

Ce mouvement de résistance a suscité une immense sympathie dans les couches populaires, mais aussi l'hostilité de la classe dirigeante qui a eu recours à la brutalité policière et à une campagne de dénigrement dans les médias de la grande entreprise pour chercher à réduire les grévistes au silence.

Pour le gouvernement Charest et l'ensemble de l'élite dirigeante, l'enjeu dépasse la seule question de la hausse des frais de scolarité. Celle-ci fait en effet partie d'un train de mesures, mis en branle par tous les paliers de gouvernement, pour faire payer les travailleurs et la jeunesse pour la crise mondiale du capitalisme. Éducation, santé, emplois : tout doit être sacrifié pour alimenter les marchés financiers insatiables.

En opposition au principe destructeur du profit individuel, on voit réapparaître aujourd'hui les grands idéaux de l'égalité sociale qui ont inspiré les générations passées dans leurs luttes pour le progrès. La seule force qui reste aujourd'hui profondément attachée à ces idéaux, c'est la classe ouvrière.

C'est vers cette force que doivent se tourner les étudiants. Il ne s'agit pas de faire pression sur le gouvernement Charest pour lui faire entendre raison. Ce dernier, tout comme le gouvernement péquiste qui l'a précédé, est entièrement voué à la défense du grand capital. Des délégations étudiantes doivent plutôt se rendre sur les lieux de travail - par exemple Aveos qui vient de jeter à la rue 1800 employés rien qu'à Montréal - et se joindre aux travailleurs dans une lutte contre le démantèlement des programmes sociaux et la destruction des emplois.

La manifestation s'est étendue sur cinq kilomètres

Cette perspective est rejetée par les dirigeants de CLASSE (Coalition large de l'association pour une solidarité syndicale étudiante), qui a déclenché le mouvement de grève. Son porte-parole, Gabriel Nadeau-Dubois, a soutenu samedi dans une entrevue accordée au journal La Presse que le simple maintien de la pression sur le gouvernement est un gage de victoire. « Si on peut prolonger la grève après la fameuse date du 22 mars », a-t-il affirmé, « on a des bonnes chances de faire reculer ce gouvernement. »

Durant toute l'entrevue - et c'est typique des dirigeants de CLASSE - il n'a pas fait référence une seule fois aux travailleurs, ni parlé concrètement de l'assaut auquel ils font face aujourd'hui dans leur vie de tous les jours, que ce soit au niveau des emplois ou des conditions de travail. Pas un mot non plus sur le cadre plus large des compressions budgétaires massives qui sont appliquées par les gouvernements à travers le monde.

Et quand la journaliste de La Presse a voulu discréditer la grève étudiante en parlant de « débordements lors des dernières manifestations étudiantes », Nadeau-Dubois n'a pas saisi l'occasion pour condamner fermement les actes de provocation et les arrestations arbitraires de la police contre des étudiants qui exercent leur droit démocratique de manifester.

En dépit de son acronyme et de son discours parfois militant, CLASSE partage avec d'autres associations plus proches de l'establishment (le Parti québécois et la bureaucratie syndicale) la conception que les étudiants vivent dans un monde à part où la lutte de classe ne s'applique pas et où les grandes questions sociales - comme l'accès à l'éducation - peuvent se régler au moyen de la négociation, sans remettre en question l'ordre social établi. Le plus qu'on puisse faire, c'est de mettre de la pression sur les représentants de l'élite dirigeante et espérer qu'ils finiront par entendre raison. Il n'est jamais question de faire de la grève étudiante l'étincelle d'une contre-offensive des travailleurs contre l'assaut généralisé sur les services publics et les emplois.

Cette conception a mené la grève étudiante à un cul-de-sac. Comme Nadeau-Dubois a dû le reconnaître lundi dans une entrevue au journal Le Devoir : « À moins que le gouvernement libéral ne nous surprenne, il ne reculera pas. » Mais il n'a aucune réponse à proposer face au refus du gouvernement de broncher. « Je vais garder le plus croustillant pour plus tard », a lancé Nadeau-Dubois dans un aveu d'impuissance.

L'entrevue au Devoir contient un autre passage significatif. Parlant des votes de grève de novembre dernier, Nadeau-Dubois a déclaré : « On a été les premiers à douter... [E]st-ce que les gens étaient prêts à faire les sacrifices ? ». Il s'est ensuite montré surpris devant la réponse enthousiaste des étudiants et de larges couches de la population. « Honnêtement, je suis complètement déculotté par la force de ça. »

La politique de protestation embrassée par CLASSE reflète le point de vue d'éléments des classes moyennes qui se sentent dérangés par certaines mesures de la classe dirigeante, notamment sur les questions de mode de vie, mais ne sont pas fondamentalement opposés au système de profit.

Ces éléments ne peuvent pas jouer un rôle politique indépendant, encore moins remettre en question le capitalisme en faillite. Plusieurs mènent ou aspirent à des carrières fructueuses, dans le monde universitaire ou syndical, par exemple. Ils deviennent conservateurs et insensibles à la grogne qui s'étend parmi les travailleurs.

C'est ce conservatisme qui se reflète dans la sous-estimation par les dirigeants de CLASSE du sentiment de révolte qui anime aujourd'hui les étudiants et de larges couches de la classe ouvrière.

Il se reflète aussi dans leur tentative d'ériger en modèle la grève étudiante de 2005, reniant ainsi leur propre position. À l'époque, ils avaient condamné l'entente négociée par la FECQ (Fédération étudiante collégiale du Québec) et la FEUQ (Fédération étudiante universitaire du Québec) et avaient insisté sur le fait que le « régime d'aide financière aux études oblige toujours à vivre sous le seuil de la pauvreté. »

Mais un point essentiel de leur position n'a pas changé. Les représentants de CLASSE ont toujours passé sous silence la leçon fondamentale de la grève de 2005, qui est la suivante : lorsque le mouvement étudiant a menacé d'attiser la lutte des travailleurs du secteur public alors aux prises avec des demandes majeures de concessions de la part du gouvernement Charest, les chefs syndicaux sont intervenus pour torpiller la grève en appelant publiquement les étudiants à limiter leurs revendications.

Les étudiants qui veulent ouvrir de nouvelles perspectives à leur lutte courageuse pour défendre l'accès à l'éducation doivent rompre avec la politique de protestation mise de l'avant par CLASSE. Ils doivent plutôt se tourner vers les travailleurs - la seule force sociale capable d'offrir une alternative viable au système capitaliste en faillite, à savoir la lutte pour l'égalité sociale et le socialisme.

Un tournant vers les travailleurs implique une lutte commune contre la bureaucratie syndicale qui étouffe les luttes ouvrières et qui, par le biais de son alliance avec le parti de la grande entreprise qu'est le Parti québécois, subordonne politiquement les travailleurs à l'élite dirigeante.

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