Nous republions cette déclaration de
l'Internationale étudiante pour l'égalité sociale pour souligner l'importance et la
pertinence des questions politiques qui y sont soulevées. Elle a été tout d'abord diffusée
lors d'une manifestation qui a rassemblé plusieurs milliers d'étudiants à Montréal le 23
février dernier. Un mouvement de grève a été déclenché le 13 février suite à la
décision du gouvernement du Québec d'augmenter de 1625 $ sur 5 ans les
frais de scolarité universitaire.
La hausse majeure des frais de scolarité par le gouvernement
Charest fait partie d'une série de mesures à tous les niveaux de gouvernement
pour canaliser les ressources de la société vers les plus riches, aux dépens
des travailleurs et de la jeunesse. Le déclenchement d'une grève étudiante en
opposition à de telles mesures sera chaudement accueilli par tous ceux qui cherchent
une alternative à la réaction sociale.
La grève étudiante, toutefois, ne peut réussir que si elle
devient le fer de lance d'une vaste contre-offensive de toute la classe
ouvrière. Pour ce faire, elle doit dépasser le stade d'une simple protestation
contre une mesure en particulier. Les étudiants doivent se tourner consciemment
vers les travailleurs, la seule force sociale capable d'offrir une alternative
progressiste à un système de profit qui condamne une majorité à plus de chômage
et de pauvreté.
La hausse des frais de scolarité s'inscrit dans la politique
de toute l'élite dirigeante pour réduire radicalement les dépenses publiques et
augmenter les tarifs affectant l'ensemble de la population, tandis que sont
maintenues les généreuses baisses d'impôts pour les grandes sociétés et les
mieux nantis.
Ce programme d'austérité est l'expression au Québec d'un
assaut concerté de la bourgeoisie à travers le monde, qui profite de la crise
historique du capitalisme pour éradiquer ce qui peut rester des gains sociaux
arrachés par la classe ouvrière à travers ses luttes du 20e siècle.
Sauvées à coup de trillions de dollars par les gouvernements
à la suite de la crise financière de 2008, les banques et les institutions
financières démontrent plus que jamais l'emprise qu'elles ont sur toutes les
facettes de la vie sociale moderne. Ainsi, des gouvernements de technocrates
ont été imposés de façon dictatoriale aux populations de pays européens comme
la Grèce et l'Italie afin d'imposer des programmes d'austérité sans précédent.
Au Canada, le gouvernement conservateur de Stephen Harper,
qui a été porté au pouvoir avec l'appui quasi-unanime du grand patronat, se
prépare lui aussi à mettre en oeuvre un énorme assaut sur les conditions de vie
des travailleurs et des jeunes. Après être intervenus directement dans
d'importantes luttes ouvrières pour imposer les diktats de la grande
entreprise, notamment chez Air Canada et Postes Canada, les conservateurs de
Harper s'apprêtent à réduire les dépenses gouvernementales de huit milliards de
dollars par année. La santé et les régimes de retraite sont dans leur ligne de
mire.
Ce qui est nécessaire est rien de moins que la
réorganisation fondamentale de la société sur la base des besoins humains au
lieu des profits d'une minorité. La seule force sociale capable d'effectuer ce
changement est la classe ouvrière. Les étudiants doivent consciemment se
tourner vers cette force et transformer la lutte contre la hausse des frais de
scolarité en une lutte pour la défense de tous les services publics, de tous
les programmes sociaux et de tous les emplois.
Un tournant vers les travailleurs implique non seulement
l'envoi de délégations étudiantes sur les lieux de travail, mais aussi la
condamnation de la bureaucratie syndicale qui étouffe depuis des décennies tout
mouvement de résistance chez les travailleurs.
Cette perspective est à l'opposé de celle mise de l'avant
par les associations étudiantes telles que la FEUQ et la FECQ qui font partie
de l'Alliance sociale, dominée par les chefs syndicaux de la FTQ, de la CSN et
de la CSQ. L'alliance sociale soutient pleinement le programme d'austérité du
gouvernement Charest et propose seulement de « reporter à plus tard le
retour à l'équilibre budgétaire ».
Et il faut se rappeler qu'en 2005 les chefs syndicaux sont
intervenus pour que les étudiants en grève fassent un compromis avec le
gouvernement Charest dans le but de « préserver la paix sociale ».
Ils voulaient éviter à tout prix que le mouvement étudiant devienne une
étincelle pour la mobilisation des travailleurs du secteur public qui faisaient
alors face à des demandes de concessions.
Les étudiants doivent se méfier également des efforts de la
FEUQ et de la FECQ pour détourner la grève étudiante derrière le Parti
québécois. Le PQ, qui promet de ne pas augmenter les frais de scolarité à court
terme s'il est élu, est un représentant de la grande entreprise, tout comme le
Parti libéral de Jean Charest et la Coalition Avenir Québec.
Ce parti moribond, qui cherche à se trouver un appui parmi
les étudiants à l'approche d'une possible campagne électorale provinciale,
n'est pas une alternative. Ayant pavé la voie aux politiques de droite des
libéraux par sa campagne de déficit zéro et son assaut sur le système de santé
et de l'éducation, le PQ poursuit son virage à droite en critiquant Charest
pour ne pas réduire le déficit assez rapidement. Peu importe ses promesses
démagogiques, ce parti est dévoué à la défense des intérêts de la classe
dirigeante québécoise.
La CLASSE, bien qu'adoptant une posture plus radicale, n'a
pas une perspective fondamentalement différente de celle de la FECQ et de la
FEUQ. Sa stratégie de grève, qu'elle dit être de dernier recours, demeure une
politique de protestation visant à faire avancer la négociation avec le gouvernement
Charest. Elle évite la question fondamentale qui est de lier la lutte étudiante
à un vaste mouvement de résistance de la classe ouvrière contre toutes les
attaques patronales et gouvernementales.
La situation actuelle est différente de celle qui prévalait
lors de la dernière grève étudiante de 2005. La classe dirigeante a entre-temps
opéré un virage prononcé vers la droite qui comprend une remise en question les
droits démocratiques les plus élémentaires, dont le droit de grève. Dans le
présent conflit avec les étudiants, le gouvernement Charest a adopté la ligne
dure, envoyant ses policiers matraquer et arrêter des étudiants qui manifestent
leur colère, et appelant les enseignants à continuer à donner des cours pendant
la grève étudiante.
Les étudiants sont confrontés à une lutte politique qui
dépasse la seule question des frais de scolarité. L'enjeu est de taille :
qui doit contrôler les ressources de la société et sur quelle base doit être
organisée la vie socioéconomique ?
La grande entreprise, ses représentants politiques et ses
médias disent que tout doit être subordonné au profit capitaliste. Les
travailleurs doivent y opposer leur propre alternative : la lutte pour un
gouvernement ouvrier voué à l'établissement de l'égalité sociale. Les étudiants
doivent lutter pour ce programme et joindre consciemment leur lutte à celle des
travailleurs.
Nous appelons les étudiants à adhérer à l'IEES et à lire son
site internet, le
World Socialist Web Site.