World Socialist Web Site www.wsws.org

WSWS : Nouvelles et analyses : Asie

L’Afghanistan se révolte contre l’occupation américaine

Par Patrick Martin
1 mars 2012

Retour | Ecrivez à l'auteur

Les protestations de masse contre les installations militaires des Etats-Unis et de l’OTAN tout au long de la semaine passée partout en Afghanistan après l’incinération d’exemplaires du Coran sur la base aérienne de Bagram témoignent de la haine profonde ressentie par la population afghane contre l’occupation menée par les Etats-Unis et qui est maintenant dans sa onzième année.

Après que des travailleurs aient assisté à la profanation d’exemplaires du Coran, la nouvelle s’est rapidement répandue à travers le pays. Les bases américaines et les installations de l’ONU furent attaquées même dans des villes comme Kunduz, situées loin des centres des opérations talibanes dans le Sud de l’Afghanistan. Les articles de presse attestent de la prodigieuse hostilité populaire vis-à-vis des forces d’occupation même parmi la police et les soldats du régime fantoche du président Hamid Karzaï.

Le Washington Post a cité ainsi deux policiers afghans à un point de contrôle à Kaboul : « Les Afghans et le monde musulman doivent se soulever contre les étrangers. Notre patience est à bout, » a dit l’un d’entre eux tandis que son partenaire a ajouté, « Tous les deux, nous attaquerons les forces militaires étrangères. »

Un incident particulièrement révélateur fut le meurtre par un officier afghan d’un colonel et d’un commandant américains à l’intérieur du centre de commandement et de contrôle du ministère de l’Intérieur afghan – qui était censé être l’installation la plus sécurisée à Kaboul. Les deux officiers américains s’étaient moqués du Coran en se disputant avec l’officier afghan, identifié comme étant Abdul Saboor, 25 ans. Saboor tira alors huit fois sur eux en les tuant tous les deux.

Saboor serait ressorti sans entrave du ministère fortement protégé, ce qui laisse supposer que son action a suscité beaucoup de sympathie.

Les protestations populaires de masse contre l’occupation de l’Afghanistan ont donné des sueurs froides aux puissances occupantes. Tous les conseillers militaires américains furent brusquement retirés des ministères afghans ; l’Allemagne et la France firent de même. La stratégie du gouvernement Obama – prévoyant de transférer au régime fantoche de Karzaï le soin de jouer le principal rôle dans la guerre contre les Taliban – se trouve en ruines.

Quant à Karzaï lui-même, mis en place par l’invasion de 2001 menée par les Etats-Unis et considéré comme le « maire de Kaboul », il se retrouve démasqué comme l’instrument d’une occupation étrangère haïe et méprisé même par ses propres policiers.

La profanation des exemplaires du Coran à Bagram découle inexorablement du caractère réactionnaire de l’occupation menée par les Etats-Unis en Afghanistan – une guerre d’agression lancée contre le peuple afghan à l’encontre d’une vaste opposition de la part de la classe ouvrière en Amérique et en Europe.

Les pays de l’OTAN n’avaient pu présenter une telle guerre à la population et aux soldats qui y participent que sur la base de mensonges. On avait raconté aux soldats américains que la guerre contre une insurrection populaire en Afghanistan faisait partie de la « guerre contre la terreur » et donc, en attaquant les Afghans qui combattent l’occupation, ils combattaient les terroristes responsables des attentats du 11 septembre.

Une telle guerre néocoloniale criminelle mène inévitablement à des actes de barbarie tels la récente vidéo montrant des marines américains en train d’uriner sur les cadavres d’Afghans qu’ils venaient tout juste de tuer ou bien le cas des soldats de la brigade Stryker qui avaient assassinés des civils afghans, leur avaient coupé les doigts et autres parties de leur corps pour les conserver en guise de trophées.

De tels événements font partie des atrocités et des crimes quotidiens par lesquels l’occupation impérialiste de l’Afghanistan est maintenue. Les frappes aériennes de l’OTAN carbonisent régulièrement des dizaines de civils innocents, les forces spéciales américaines s’introduisent par effraction dans les maisons et terrorisent des familles entières lors de raids nocturnes, les forces de l’OTAN supervisent les arrestations, les détentions et la torture de milliers de personnes.

Une grande part de la responsabilité de ces crimes incombe aux forces politiques qui ont désorienté le sentiment de masse anti-guerre en le canalisant derrière le Parti démocrate. Barack Obama s’était présenté à l’élection présidentielle en 2008 en tant que prétendu adversaire à la guerre en Irak, tout en promettant de poursuivre la guerre en Afghanistan. Depuis, il a triplé le nombre des troupes américaines déployées en Afghanistan et le nombre de civils afghans morts n’a cessé d’augmenter d’année en année depuis son arrivée à la Maison Blanche.

La guerre en Afghanistan montre que le Parti démocrate est tout autant un parti de la guerre et de l’agression impérialiste que le Parti républicain. La guerre est un réquisitoire non seulement contre le gouvernement Obama mais contre toutes les organisations de la « gauche » libérale et pseudo socialiste qui ont présenté Obama comme une alternative « anti-guerre » à Bush et aux Républicains et qui se rallient à présent derrière la campagne de réélection d’Obama en 2012.

La base sociale de l’opposition à la guerre ne se trouve pas dans une quelconque partie de l’establishment politique mais dans la classe ouvrière internationale – la force dont les luttes l’année dernière ont renversé les dictateurs soutenus par les Etats-Unis en Egypte et en Tunisie.

Les travailleurs aux Etats-Unis et partout dans le monde doivent exiger le retrait immédiat et inconditionnel des forces américaines et de l’OTAN, ils doivent exiger la poursuite pour crimes de guerre des responsables de l’invasion et de l’occupation de l’Afghanistan et demander des réparations massives pour le peuple afghan.

(Article original paru le 27 février 2012)