Durant la dernière semaine, le gouvernement libéral
du Québec a intensifié ses efforts pour briser la grève des étudiants, qui dure
depuis maintenant deux mois et qui s'oppose à l'augmentation des frais de
scolarité universitaires de 75 pour cent sur les cinq prochaines années.
Avec l'appui enthousiaste de la grande entreprise et
de ses médias, le gouvernement et l'appareil d'État intimident et répriment les
étudiants, et ils cherchent à les diviser en écartant la plus militante des
trois fédérations étudiantes des négociations proposées.
Les arrestations d'étudiants en masse prennent
maintenant place sur une base quotidienne. Les tribunaux ont émis de nombreuses
injonctions pour limiter, et même dans certains cas, rendre illégaux les
piquets de grève et pour forcer la reprise des cours, en opposition à la
majorité des étudiants et souvent contre le personnel enseignant. À la demande
du gouvernement, les universités et les cégeps ordonnent aux professeurs de
donner leurs cours et de procéder aux évaluations même si un seul étudiant se
présente en classe.
Lors d'une conférence de presse jeudi, Max Roy, le
président du plus grand syndicat d'enseignants universitaires, la Fédération
québécoise des professeurs d'université, a dénoncé les efforts des autorités
qui visent à forcer les enseignants à joindre la campagne pour mettre fin à la
grève et il a condamné le climat d'intimidation qui règne maintenant sur les
campus à travers le Québec.
« L'obligation d'enseigner, dans les
circonstances, a dit Roy, favorise la discrimination entre les étudiants. Elle
place les professeurs dans une position intenable de devoir arbitrer des
conflits d'opinions et de défier les décisions prises démocratiquement par les
associations étudiantes dûment constituées. »
Roy a aussi critiqué vigoureusement l'intimidation
des gardiens de sécurité et de la police envers les membres de son
organisation « Un climat de peur s'installe sur les campus
universitaires, ce qui était inimaginable et qui est absolument inacceptable. »
À la consternation du gouvernement et des médias de
la grande entreprise, quelque 170.000 étudiants d'universités et de cégeps
demeurent toujours en grève. Même si la Fédération des cégeps s'est pliée aux
demandes du gouvernement et a menacé d'annuler la session aux 22 cégeps en
grève si celle-ci ne se terminait pas cette semaine, les étudiants de
pratiquement tous ces cégeps sont toujours en grève.
Dimanche dernier, la ministre de l'Éducation Line
Beauchamp a annoncé qu'elle était prête à rencontrer les dirigeants de la FEUQ
(Fédération étudiante universitaire du Québec) et de la FECQ (Fédération
étudiante collégiale du Québec), des organisations qui entretiennent des liens
étroits avec le Parti Québécois, un parti de la grande entreprise, et les
syndicats.
Mais maintenant la ligne dure que le gouvernement a
adoptée tout au long de la grève, Beauchamp a rejeté d'emblée toute discussion
sur le retrait de la hausse des frais de scolarité qui est au cour des demandes
des étudiants.
Beauchamp a plutôt déclaré que les discussions allaient
porter sur la proposition de la FEUQ et de la FECQ de mettre sur pied une
commission sur la gestion des universités. Les fédérations étudiantes
soutiennent que les administrations d'universités, qui se mêlent de plus en
plus à la grande entreprise, gonflent les salaires des cadres et se lancent
dans divers projets immobiliers et de développement qui servent peu ou pas du
tout aux fins d'éducation.
De toute évidence, la dépendance croissante des
universités envers les dons corporatifs et les partenariats avec la grande
entreprise - un résultat des coupes en éducation et en recherche et de la
marchandisation de ces domaines - ont des effets pervers sur le fonctionnement
des universités. Mais l'appel à la formation d'une commission tripartite pour
examiner les dépenses des universités est une diversion réactionnaire qui
s'accorde parfaitement au programme d'austérité de droite du gouvernement.
Cette position accepte le cadre financier
réactionnaire créé par plus de deux décennies de coupes dans les budgets
fédéraux et provinciaux et de baisses d'impôt pour la grande entreprise et les
riches.
La FEUQ et la FECQ ont rapidement accepté l'offre de
négociation du gouvernement. Mais une rencontre officielle n'a toujours pas eu
lieu, car les deux fédérations étudiantes ont demandé, bien qu'avec réticence,
que la CLASSE (Coalition large de l'Association pour une solidarité syndicale
étudiante) fasse aussi partie des négociations.
C'est toutefois un secret de polichinelle que des
discussions ont déjà lieu en coulisse. En 2005, le FEUQ et la FECQ avaient
saboté la dernière grève étudiante provinciale après que le gouvernement eut
offert des concessions mineures. À l'époque, les syndicats, qui craignaient la
radicalisation que la grève des étudiants pouvait entraîner parmi le
demi-million des travailleurs du secteur public à qui le gouvernement exigeait
des concessions, avaient joué un rôle central en amenant la FEUQ et la FECQ à
accepter un compromis afin de maintenir la « paix sociale ». Le
gouvernement libéral de Jean Charest avait par la suite imposé par décret un
contrat de travail d'une durée de sept ans, rempli de concessions, aux
travailleurs du secteur public. Les syndicats s'étaient essentiellement
contentés de râler en guise de protestation.
Au cours de la dernière semaine, le gouvernement
libéral provincial et les médias ont mené une campagne pour diaboliser la
CLASSE et la présenter comme une organisation quasi subversive sous le prétexte
qu'elle n'avait pas condamné divers actes de vandalisme supposément commis par
des étudiants en grève. En fait, la CLASSE a clairement affirmé qu'elle
n'approuvait pas ce genre de tactiques, et a noté que le gouvernement n'avait
pas condamné les violentes attaques de la police contre les étudiants, dont un
incident dans lequel un étudiant un perdu un oil.
Malgré tout, la CLASSE a annoncé qu'elle était prête
à prendre part aux négociations avec le gouvernement, même si les libéraux ont
clairement fait savoir que la demande qui anime le mouvement de grève depuis le
début, soit l'annulation de la hausse des frais de scolarité, ne sera pas
discutée.
Sous l'influence politique de divers groupes
maoïstes et anarchistes, la CLASSE a fait de la grève étudiante une
protestation à enjeu unique. Bien qu'elle critique le FEUQ et la FECQ pour
leurs liens avec le PQ, elle partage la même perspective politique fondamentale
qui est de faire pression sur le gouvernement. Elle est totalement opposée à un
tournant des étudiants vers la classe ouvrière, la seule force sociale qui peut
amener une alternative progressiste au programme d'austérité de la grande
entreprise.
La direction de la CLASSE a été complètement prise
au dépourvu par l'intransigeance du gouvernement et des médias de la grande
entreprise. L'élite capitaliste est si hostile, car elle sait que la défense de
l'éducation en tant que droit social par les étudiants représente un défi
implicite à ses efforts visant à faire payer la classe ouvrière pour la crise
capitaliste. Pour aller de l'avant, la grève étudiante doit devenir l'étincelle
pour la mobilisation de toute la classe ouvrière contre les mesures d'austérité
mises en ouvre par le gouvernement libéral Charest et par tous les paliers de
gouvernement à travers le Canada.