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CanadaLa grève à un point tournant : les étudiants du
Québec doivent se tourner vers les travailleurs
Par Parti de l'égalité socialiste (Canada)
16 avril 2012
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Les étudiants du Québec sont engagés depuis deux
mois dans une grève courageuse contre la hausse drastique des frais de
scolarité décrétée par le gouvernement libéral de Jean Charest. En menant
cette lutte, la plus longue grève étudiante de l'histoire de la province,
ils ont inscrit sur leur étendard que l'éducation est un droit social, non
un privilège.
Ce principe pose objectivement un défi à la
stratégie de classe de l'élite dirigeante, qui est de faire payer les
travailleurs et les jeunes pour la crise capitaliste mondiale par la
destruction des emplois, la baisse des salaires et le démantèlement des
programmes sociaux. C'est un défi que la classe dirigeante n'est pas prête à
tolérer.
La police anti-émeute a été plusieurs fois
déployée dans les rues de Montréal pour disperser des manifestations
étudiantes à coups de matraque, de gaz lacrymogène et de grenades
assourdissantes. Des étudiants grévistes et des journalistes ont été
victimes d'arrestations arbitraires. Des juges ont émis des injonctions pour
interdire le piquetage devant des établissements en grève et contester le
droit de grève des étudiants. Des cégeps touchés ont unilatéralement annoncé
la reprise des cours. Et le gouvernement a enjoint aux professeurs de
dispenser leur cours dès qu'un seul étudiant se présente en classe, laissant
planer la menace sur ceux qui poursuivent la grève qu'ils pourraient perdre
leur session.
Ces mesures, dignes d'un État policier, ont été
chaudement applaudies par les médias de masse contrôlés par la grande
entreprise. Leur but n'est pas seulement de casser la grève étudiante, mais
aussi de lancer un sinistre avertissement à tous les opposants au vaste
programme d'austérité qui est aujourd'hui appliqué à travers le Canada et
sur une échelle internationale.
La classe ouvrière est la seule force capable
d'offrir une alternative progressiste au système capitaliste en faillite, et
c'est vers elle que les étudiants en lutte doivent se tourner. Ils doivent
faire de leur grève le catalyseur d'une contre-offensive de toute la classe
ouvrière contre la destruction des emplois et des services publics. Un
premier pas serait de lancer un appel aux enseignants et aux travailleurs du
secteur de l'éducation en vue d'une lutte commune pour la défense d'une
éducation publique et de qualité à tous les niveaux.
Mais les étudiants devront pour cela rompre avec
les conceptions politiques mises de l'avant par les associations étudiantes,
et en particulier par la CLASSE (Coalition large de l'association pour une
solidarité syndicale étudiante), considérée plus militante.
Il faut rejeter la politique de
protestation. Elle part du principe que la hausse des frais de scolarité
n'est qu'un mauvais choix du gouvernement Charest sujet à renégociation sous
la pression des étudiants. Pourtant, si le gouvernement a recours à des
méthodes autoritaires et anti-démocratiques, c'est pour imposer un recul
majeur aux étudiants dans le cadre d'un assaut plus large sur l'ensemble des
travailleurs. La CLASSE continue d'entretenir l'illusion qu'il s'agit d'un
simple malentendu qui peut être réglé autour d'une table de négociation. Au
même moment, elle se prépare à capituler sous le prétexte que la grève « est
déjà victorieuse » parce qu'elle « nous a révélé… la route de la
résistance », selon son porte-parole Gabriel Nadeau-Dubois.
Il faut rejeter l'orientation vers les
syndicats. Après avoir longtemps isolé la lutte étudiante comme étant
une simple protestation autour d'une question en particulier, et mené la
grève à un cul-de sac en refusant de la lier à un mouvement social plus
large des travailleurs, la CLASSE se tourne maintenant vers les instances
syndicales. Nadeau-Dubois a appelé dans un récent discours à raviver « la
tradition… de luttes syndicales » au Québec. Ici comme partout ailleurs dans
le monde, le rôle des syndicats est de soumettre les travailleurs au système
de profit et à l'État capitaliste. Depuis plusieurs décennies, ils
collaborent activement avec la classe dirigeante pour étouffer toute
résistance des travailleurs aux sacrifices exigés par les marchés
financiers. En 2005, lors de la dernière grève étudiante, les bureaucrates
syndicaux ont appelé les étudiants à faire des compromis afin de préserver
la « paix sociale ». Dans la grève actuelle, ils jouent le rôle de
conseillers auprès du gouvernement Charest pour l'aider à y mettre fin, en
proposant par exemple un moratoire d'un an sur la hausse des droits de
scolarité.
Il faut rejeter la politique nationaliste.
Alors que le gouvernement invoque régulièrement les frais de scolarité plus
élevés des autres provinces canadiennes pour justifier leur hausse au
Québec, la CLASSE ne fait jamais appel aux étudiants du reste du Canada,
sans parler des travailleurs. Elle s'adapte ainsi à l'ordre politique établi
où le nationalisme québécois et le nationalisme canadien, qui expriment les
intérêts de diverses factions de la bourgeoisie canadienne, servent à
diviser la classe ouvrière du Canada selon des lignes linguistiques et
provinciales. La CLASSE ne fait aucune référence non plus à la situation
internationale, bien que celle-ci jette une vive lumière sur les véritables
rapports de classe qui existent partout sur la planète. En Grèce par
exemple, les marchés financiers ont installé un gouvernement de
« technocrates » pour imposer la suppression de dizaines de milliers
d'emplois, une baisse de plus de 30 pour cent des salaires dans le secteur
public et une réduction similaire des pensions.
Il faut rejeter tout soutien au Parti québécois
(PQ). Les deux autres associations étudiantes, la FECQ (Fédération
étudiante collégiale du Québec) et la FEUQ (Fédération étudiante
universitaire du Québec), plus proches de la bureaucratie syndicale, ont
annoncé que la « prochaine étape » de la lutte étudiante consistera, lors de
la prochaine élection provinciale, à cibler une dizaine de députés libéraux
dans des circonscriptions jugées « vulnérables ». La FECQ et la FEUQ lancent
cet appel à peine voilé à voter PQ alors qu'il s'agit d'un parti de la
grande entreprise ayant présidé au milieu des années 90 à l'élimination de
dizaines de milliers d'emplois dans les systèmes de santé et d'éducation au
nom du « déficit zéro ».
Un tournant vers les travailleurs signifie avant
tout la lutte pour la mobilisation politique indépendante de la classe
ouvrière. Cette mobilisation se fera en opposition aux appareils syndicaux
sclérosés et aux partis politiques bourgeois comme le PQ ou Québec
solidaire, et sur la base du programme socialiste de l'égalité sociale. Nous
appelons les étudiants qui sont d'accord avec cette perspective à bâtir
l'Internationale étudiante pour l'égalité sociale (IEES), l'organisation de
jeunesse du Parti de l'égalité socialiste (PES), et à devenir des lecteurs
réguliers de notre site internet, le wsws.