Le sénat du Wisconsin qui est
contrôlé par les Républicains a voté mercredi soir une loi dépouillant les
fonctionnaires de leurs droits de négocier une convention collective et les
obligeant à payer beaucoup plus pour l’assurance santé et la retraite. La
loi a été adoptée malgré l’absence de 14 sénateurs démocrates qui avaient
fui l’Etat, privant juridiquement les Républicains de quorum et de la
majorité requise des deux-tiers pour entamer la procédure de vote.
La loi devrait être votée
jeudi à l’assemblée de l’Etat de Wisconsin et promulguée par le
gouverneur Scott Walker d’ici la fin de la semaine.
Les Républicains ont fait
valoir un fondement juridique pour la démarche en retirant provisoirement du
soi-disant « projet de loi de réparation budgétaire » ses éléments
fiscaux. Ce faisant, les Républicains ont dit que la législation n’était
plus un projet de loi de finance et donc nullement soumise au quorum requis.
C’était un moment de mensonge évident pour Walker et les dirigeants
républicains du sénat qui, dans chaque déclaration publique, avaient assuré que
l’attaque contre les droits de négociation salariale était du ressort
fiscal.
Le projet de loi a été
adopté, sans discussion ou débat, vers 18 heures 30 par une commission spéciale
hâtivement formée qui se réunit normalement pour régler des divergences entre
des projets de loi concurrents.
Les manifestants mercredi soir devant le bâtiment du Capitole de Wisconsin
« Ce soir, le sénat
adoptera les dispositions du projet de loi de réparation budgétaire
susceptibles d’être votés avec les 19 membres [présents], » a dit
dans un commentaire le sénateur Scott Fitzgerald, le président du groupe
républicain à l’annonce de la décision.
Le vote a été une violation flagrante de la Loi de la Liberté de
réunion au Wisconsin qui stipule que toute réunion publique doit faire
l’objet d’une déclaration publique « 24 heures avant le début
de telles réunions à moins que, pour des raisons valables, une telle
déclaration soit impossible ou peu pratique. »
Les manifestants à l’intérieur du bâtiment du Capitole
Des milliers de personnes
ont afflué vers le Capitole à l’annonce de l’adoption du projet de
loi. La foule s’est ruée vers les portes du bâtiment du Capitole en
criant « vous êtes des lâches » et « laissez nous entrer. »
Le slogan « grève générale ! » a résonné à l’intérieur et
à l’extérieur du bâtiment.
Un intervenant du Socialist Equality Party parle à la foule à l’intérieur du bâtiment du Capitole
Une équipe du Socialist
Equality Party (SEP, Parti de l’Egalité socialiste, USA) était présente
sur les lieux. Andre Damon, journaliste du World Socialist Web Site, a
pu parler à des milliers de manifestants tant à l’intérieur qu’à
l’extérieur du bâtiment du Capitole. Il a appelé à la formation de
comités indépendants sur les lieux de travail afin de planifier une grève
générale et faire partir Walker. Ces revendications ont été accueillies avec
enthousiasme par les travailleurs présents. (Voir : « Walker
doit partir! Grève générale au Wisconsin! »)
Les responsables syndicaux
et leurs partisans ont aussi essayé de s’adresser à la manifestation
spontanée, dont John Nichols du journal The Nation. Ils ont
désespérément cherché à nourrir les illusions dans le Parti démocrate en louant
les agissements des « Wisconsin 14 » qui avaient fui l’Etat de
Wisconsin.
En fait, l’adoption
du projet de loi révèle les conséquences de l’assujettissement de la
lutte de masse des travailleurs et des jeunes de Wisconsin au Parti démocrate
et aux syndicats. Depuis le début, la fuite des sénateurs démocrates dans l’Illinois
avait pour but d’arracher l’initiative des mains des employés du
public, des étudiants et des enseignants qui avaient les jours précédents lancé
une vague de grève « d’arrêt de maladie »
(« sick-in ») contre le projet de loi en impliquant des dizaines de
milliers d’entre eux.
La manoeuvre juridique des
Républicains a pris les Démocrates par surprise. Les sénateurs démocrates
croyaient que leurs discussions avec Walker étaient à un stade avancé pour
pouvoir amoindrir le coup contre les finances des syndicats tout en maintenant
intacte la réduction des prestations sociales et des droits des travailleurs
sur le lieu de travail. Des échanges de courriels entre le bureau de Walker et
des sénateurs démocrates, que le gouverneur a révélés à la presse, ont laissé
entrevoir qu’un accord était sur le point de se faire qui aurait
nécessité, entre autres, des élections pour la reconnaissance automatique des
syndicats tous les trois ans au lieu de chaque année. Les Démocrates espéraient
que ceci fournirait un certain alibi politique à leur capitulation – qui
était imminente selon plusieurs articles de presse.
Hier encore, le sénateur
Bob Jauch, destinataire de ces courriels, a salué l’échange de points de
vue comme étant « le type de point de départ que l’on peut avoir
pour arriver à un compromis. » L’ensemble de la stratégie des
Démocrates et des syndicats – selon laquelle des Républicains soi-disant
« hésitants » pourraient être influencés sous la pression – a
été démasquée. Les Républicains étaient bien plus déterminés que les Démocrates
de « Wisconsin 14 » qui en principe ont toujours accepté le projet de
loi, en ne se distinguant que sur la question de priver les syndicats du revenu
des cotisations.
Après l’adoption du
projet de loi au sénat de l’Etat, les efforts entrepris pour renforcer
les illusions dans les Démocrates seront canalisés vers la campagne des
primaires visant un certain nombre de sénateurs républicains. Quelle que soit
l’issue de ces élections, cela n'aura aucune incidence pour contrer
l’assaut contre les travailleurs prévu dans le « projet de loi de
réparation budgétaire » de Walker ou contre son budget draconien pour les
deux prochaines années qui réduit drastiquement Medicaid et l’éducation
publique, en préparant la privatisation de l’université de Wisconsin.
Kim
Le Duluth News Tribune
a rapporté qu’en réponse au vote, Jauch a « encouragé des
adversaires au projet de loi pour qu’ils intensifient leurs efforts pour
un rappel des législateurs qui l’ont soutenu, » en ajoutant que
« personnellement, il n’approuverait pas» une grève générale.
« Vous n’allez pas me pousser dans ce sens, » a-t-il dit.
Le WSWS a parlé à
quelques personnes qui s’étaient rassemblées mercredi soir devant le
Capitole. Kim, professeur d’art, a dit, « Il n’y aura bientôt
plus d’enseignement d'art et de musique à cause de ce budget. »
Quant au rôle du Parti
démocrate, Kim a dit, « Les Démocrates devaient savoir que ce que Walker a
fait était une possibilité. Il avait un bâton et il n’a cessé de nous
cogner dessus. Il a cassé le contrat social. »
Beth
Les enseignants
ont fait grève pendant quatre jours, a-t-elle dit. « Nous sommes retournés à l’école en
pensant qu'on allait trouver une solution. J’ai le sentiment qu'on m'a piétiné le
coeur. »
Beth, une ingénieur de système-réseau, chargée de la
résolution des problèmes, était d’accord. « Voilà à quoi ressemble
la ploutocratie. C’est le capitalisme extrême. Ils me prennent mon argent
pour payer Wall Street. »
« Ils veulent que tous
les bons travailleurs partent pour pouvoir dire qu’ils n’ont pas
réussi et pour les privatiser. Je
suis pour une grève générale. Nous ne pouvons pas accepter cela. »