Des documents internes divulgués après une fuite révèlent que PSA, le
constructeur automobile français Peugeot-Citroën, a l’intention de fermer
trois usines.
3.600 emplois sont concernés à l’usine d’Aulnay-sous-Bois, dans le
département ouvrier de la Seine-Saint-Denis au Nord de Paris et 2.800
emplois dans l’usine Sevel Nord qui appartient conjointement à PSA/Fiat à
Hordain, près de Calais dans le Nord de la France. L’usine estime un
éventuel maintien du site s’il y a une aide suffisante de l’Etat. La
troisième usine est celle du site de Peugeot à Madrid qui emploie 3.100
travailleurs.
Un document PSA daté du 23 août 2010 soumet pour 2013 un plan de
licenciement à l’usine d’Aulnay et qui provoquera sa fermeture en 2014 ainsi
que celle de Sevel Nord d’ici 2015.
Le directeur industriel de PSA, Denis Martin, a immédiatement affirmé que
le document était « préparatoire » et à présent « caduc ». Il a souligné
néanmoins, ne pas vouloir commenter le sort du site au-delà des 12 à 18
prochains mois.
Le premier ministre François Fillon a affirmé que les constructeurs
automobiles français étaient « redevables à la nation » compte tenu des
aides reçues en 2009 lorsqu’ils ont bénéficié d’un renflouement de plusieurs
millions d’euros de l’Etat français. Fillon n’a dit mot sur le fait que ces
sommes – des subventions à hauteur de 6 milliards d’euros dans le cadre du
programme des « primes à la casse » – ont servi à planifier la
restructuration en cours de l’industrie.
Les profits ainsi réalisés ont permis à PSA et à Renault de rembourser le
Pacte automobile qui avait été conçu pour sauvegarder la rentabilité de PSA
et de Renault et qui n’avait rien à voir avec le bien-être des travailleurs.
Les fermetures font partie d’un projet mondial élaboré par PSA et appelé
« compactage des usines » et d’une réorganisation massive de l’industrie
automobile européenne dans les conditions d’une concurrence impitoyable
exacerbée par la crise économique et financière mondiale.
Un article du 13 juin paru dans Médiapart, publication en ligne
réalisée par l’ancien rédacteur du Monde, Edwy Plenel, qui a eu accès
aux documents divulgués, résume leur importance comme suit : « Le groupe
estime avoir trop d’unités de production en France et dans l’Union
européenne, dans un marché européen structurellement surcapacitaire » et qui
s’accroît « avec la multiplication de nouvelles usines en Europe de l’Est,
en Turquie et en Russie… pour préserver des marges très faibles. » PSA
considère par conséquent que « la saturation des sites de production et les
économies d’échelle sont une des clés pour préserver les marges. »
Ceci signifie la fermeture de sites et la concentration de la production
dans les usines les plus importantes et les plus rentables. Ford, Opel, Fiat
et Renault ont déjà commencé à fermer des usines en Europe. PSA a abandonné
en 2007 son site de Ryton en Grande-Bretagne.
Philippe Varin, nommé à la tête de PSA en 2009, a entrepris la révision
de la stratégie de l’entreprise pour faire face à « une concurrence mondiale
sans entraves ni barrières où le salarié français et européen est opposé
frontalement au travailleur indien, slovaque ou turc. » L’objectif de Varin
est de faire de PSA un acteur mondial « doté d’une production la moins
coûteuse possible afin de résister à la concurrence… grâce au ‘compactage’
des usines et à l’adaptation des effectifs. »
Ceci fait également partie de la réaction européenne à la réadaptation de
l’industrie automobile américaine après la crise économique de 2008 – avec
des licenciements à grande échelle, l’imposition d’une réduction de 50 pour
cent des salaires des travailleurs et d’autres attaques désastreuses à
l’encontre du niveau de vie des travailleurs. Ces attaques ont été
organisées avec la collaboration des syndicats américains et du gouvernement
démocrate d’Obama.
Les faits dénotent que PSA planifie depuis un certain temps la fermeture
du site d’Aulnay. Son effectif est passé de 6.200 en 2004 à 3.600 à ce jour.
La production à Aulnay avait déjà été réduite et compensée par une
exploitation accrue du site plus grand de Poissy qui compte un effectif de
5.800. L’une de ses deux chaînes de production avait été fermée en 2008 et,
en octobre 2010, l’équipe de nuit a été supprimée et remplacée par une
équipe de nuit à Poissy. L’unité anti-pollution d’Aulnay doit être
transférée à Mulhouse en 2012.
PSA considère également qu’étant situé sur un terrain à bâtir très bien
placé, le site d’Aulnay pourrait être vendu pour 300 millions d’euros.
Lorsque les syndicats d’Aulnay ont réclamé un engagement écrit pour que
les emplois et les salaires dans les usines prévues pour fermeture soient
maintenus pendant cinq ans, la direction leur a demandé d’accepter une
augmentation de 5 pour cent de la production sans main-d’œuvre
supplémentaire. Des responsables syndicaux de la CGT ont dit à Challenges
que cela signifiait 15 voitures en plus par jour, portant le nombre de
véhicules de 342 par équipe (49 par heure) à 357 véhicules (51 par heure).
Les syndicats ont jusqu’à présent rejeté la proposition.
A Sevel Nord, le syndicat a appelé pour le 7 juillet à une journée de
grève des travailleurs de l’industrie de la région contre la fermeture de
leur site.
Pour la défense de leurs emplois et pour la lutte contre les tentatives
de PSA de fermer leurs usines, les travailleurs ne peuvent placer aucun
espoir dans les syndicats. Depuis le début de la crise économique de 2008,
l'amer bilan de fermetures d’usines montre que les syndicats ne cherchent
pas vraiment à défendre les emplois des travailleurs.
Dans des usines, dont l’usine du fabricant allemand de pneumatiques
Continental à Clairoix, l’usine Goodyear à Amiens et l’usine Sodimatex à
Crépy-en-Valois, les syndicats se sont contentés de mener des négociations
usine par usine avec les employeurs et le gouvernement français. Etant donné
que les entreprises tout comme le gouvernement voulaient fermer les usines,
et que les syndicats voulaient avant tout empêcher une lutte qui échappe
totalement à leur contrôle, la conséquence en fut des défaites sévères pour
les travailleurs. Les syndicats ont arrangé des fermetures d’usines avec un
minimum de conflit et des indemnités de licenciement collectif minimales.
Dans le cas de Continental, l’accord prévoyait un engagement des
syndicats d'empêcher toute tentative de perturbation lors de fermeture
d’usines de l’entreprise ailleurs en Europe. A aucun moment, et en aucun
cas, la CGT n’a cherché à mobiliser l’ensemble des travailleurs de
l’industrie automobile contre ces fermetures ; au lieu de cela, elle a isolé
leurs luttes.
En effet, la CGT, tout comme les autres syndicats en France, a collaboré
avec le gouvernement du président Nicolas Sarkozy dans tous les programmes
d’austérité conçus pour accroître la compétitivité des grandes entreprises
françaises. C’est la préoccupation majeure de la CGT dans ses actions.
Ceci a été le plus clairement démontré en octobre dernier durant la grève
dans le secteur pétrolier contre les coupes dans les retraites, lorsque la
CGT a décidé de ne pas protéger les travailleurs des raffineries contre les
policiers briseurs de grève. Au lieu de cela, elle a appelé à des
protestations purement « symboliques » contre la police qui réquisitionnait
des grévistes pour qu’ils reprennent le travail. Ceci a marqué le
commencement de la fin des mobilisations de masses contre les coupes de
Sarkozy dans les retraites, au moment où il est apparu clairement qu’aucune
des organisations existantes n’avait l’intention de les combattre.
Le seul moyen pour les travailleurs de PSA en France et en Espagne de
défendre leurs emplois est de mettre en place des organisations pour
coordonner leurs luttes indépendamment du gouvernement et des syndicats, et
de leurs soi-disant partis de « gauche » qui les promeuvent. Ces
organisations lutteront pour unifier internationalement les travailleurs de
l’automobile avec des travailleurs d'autres secteurs dans une lutte commune
contre ces fermetures d’usines – sur une perspective socialiste visant à
nationaliser les industries de l’automobile en les transformant en
entreprises publiques placées sous le contrôle démocratique de la classe
ouvrière.
(Article original paru le 27 juin 2011)
A voir aussi :
France: Comment les syndicats ont aidé la police à briser la grève à la
raffinerie de Grandpuits
[11 décembre 2010]
Une
année de lutte des travailleurs d'un sous-traitant de l'automobile trahie
Les leçons de la trahison des Sodimatex en France
[11 juin
2010]
France : Comment « l'extrême-gauche » trahit les travailleurs
L'expérience de Goodyear et de Continental
[27 juin 2009]