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France : Le WSWS s'entretient avec des travailleurs dans les manifestations

Par Antoine Lerougetel
20 octobre 2010

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Lors de la journée d'action de samedi 16 octobre contre le programme du président Nicolas Sarkozy de coupes dans les retraites et d'austérité, des millions de travailleurs et d'étudiants sont descendus dans la rue pour manifester dans plus de 250 villes.

A Paris, les chiffres de la police font état de 63 000 manifestants contre 310 000 selon les syndicats.

A Nice, il y avait 25 000 manifestants, 18 000 à Marseille.

Les défilés se sont déroulés au quatrième jour de la grève illimitée des cheminots, action qui perturbe gravement le service ferroviaire. La grève et les blocages des dockers et des travailleurs des raffineries menacent de paralyser le pays du fait de la pénurie qui se fait sentir dans les stations-service ; l'approvisionnement de carburant vers les principaux aéroports de Paris, Roissy et Orly, a été arrêté et menace de faire cesser le transport aérien. Des dizaines de milliers de lycéens sont en grève et ont bloqué des lycées durant toute la semaine dernière.

Vendredi dernier, très tôt dans la matinée, des interventions massives de CRS ont évacué de force les piquets de grève bloquant l'accès aux dépôts de carburant et empêchant les camions citernes de faire le plein pour approvisionner les stations-service. La CGT, syndicat majoritaire dans les dépôts d'approvisionnement et les raffineries, n'a lancé aucun appel à une action de masse pour défendre les grévistes des raffineries et s'est contentée de demander aux travailleurs sur le piquet de se disperser dans le calme. La question de l'intervention de l'Etat et de la violence policière contre une section de travailleurs n'a pas été mentionnée lors des manifestations de samedi par les syndicats et les partis bourgeois de « gauche. »

Le WSWS a parlé samedi à plusieurs cheminots d'Amiens, ville ferroviaire du nord de la France avec des dépôts de maintenance et des ateliers alentours. Les discussions ont clairement montré la nécessité de démasquer le rôle des syndicats et de l'ex- « gauche » à minimiser la gravité de la crise capitaliste et à limiter la grève à l'unique question des retraites.. 

De nombreux travailleurs ont encore des illusions, ou voudraient croire, qu'on peut forcer Sarkozy à « retirer son projet de loi. » Personne dans les syndicats ni dans « l'extrême-gauche » n'a soulevé la revendication que Sarkozy soit renversé par l'action de la classe ouvrière, ni la revendication que les travailleurs ont besoin d'une perspective politique fondée sur des intérêts sociaux indépendants.

Arnaud 24 ans, aiguilleur, manifestait à Amiens. Cela fait six ans qu'il est cheminot, après un apprentissage commencé à 18 ans. Il est membre de la CGT mais reconnaît que les dirigeants syndicaux sont « coupés de la base. Il faut qu'on bloque l'économie. Tous les travailleurs doivent comprendre que nous devons changer le système. Je suis totalement solidaire des dockers et des travailleurs des raffineries de Fos. »

Exprimant des idées anarcho-syndicalistes qui sont courantes chez certains travailleurs en France, il a rejeté la nécessité que la classe ouvrière se batte contre l'Etat capitaliste, malgré le recours à la police nationale pour briser le piquet de grève des travailleurs des raffineries, par exemple. «  Les travailleurs n'ont pas besoin de prendre le pouvoir, il faut juste prendre le contrôle de l'économie. » a-t-il dit.

Geoffrey qui défilait avec le contingent des cheminots a dit au WSWS qu'il était étudiant et que son père était cheminot. Parlant des mesures d'austérité comme moyen par lequel le capitalisme français cherche à rivaliser avec ses concurrents économiques, il a dit: « Je suis contre le patriotisme économique. Je ne veux pas être de la chair à canon dans une guerre commerciale. »

Des reporters du WSWS se sont rendus à l'entrée du dépôt SNCF d'Amiens. Les travailleurs avaient érigé des barricades pour bloquer la route et avaient allumé un feu avec des pneus et des traverses de voie ferrée au milieu de la route pour exprimer leur détermination. Un autre feu brûlait à l'intérieur, une fois les grilles passées.

Aurélien travaille à la SNCF depuis neuf ans. Il est dans la maintenance. « Nous allons tout faire pour étendre la grève. Il faut une grève générale pour faire céder Sarkozy. Les syndicats ne veulent pas appeler à une grève générale. C'est nous, les travailleurs, qui faisons marcher le pays. [Bernard] Thibault [secrétaire général de la CGT] a retourné sa veste. »

Il a ajouté: « Sarkozy ne veut rien discuter. Sa réforme est injuste. »

Lorsque le WSWS a fait remarquer qu'il n'y avait pas eu  dans la manifestation d'appel à la démission du gouvernement, Aurélien a réfléchi un moment puis a dit, un peu secoué: « Vous avez raison. On devrait. Le problème c'est qu'on n'a pas vraiment le choix, le choix en 2012 [date de la prochaine élection présidentielle] entre Sarkozy et Dominique Strauss-Kahn [candidat probable du Parti socialiste, et actuellement président du Fonds monétaire international] pour la présidentielle n'est pas prometteur pour la classe ouvrière. Je suis un révolutionnaire et un anarchiste. Je ne suis pas syndiqué, les syndicats ne reflètent pas mes idées. »

Jonathan est apprenti à la SNCF. Il a dû quitter sa ville d'origine, Calais, pour trouver du travail. « Il n'y avait pas de travail là-bas. »

« Mon avenir, je le vois mal. Dans cette grève on lutte pour garder ce qu'on a. Les gens du privé devraient nous rejoindre. Le blocage des raffineries est une bonne chose. L'action de la police de faire évacuer les piquets ne fera qu'empirer les choses. Je ne sais pas pourquoi les syndicats n'ont pas appelé à une action de solidarité avec ces travailleurs. On devrait lutter ensemble avec eux, c'est ce qu'on fait ici. Le message que je veux leur donner c'est qu'ils ne doivent pas céder. Sarkozy ne va pas reculer. C'est vrai qu'il n'y a pratiquement aucun appel à sa démission. »

« La classe ouvrière devrait prendre le pouvoir, je suis d'accord. Il faut s'unir au-delà des frontières. Ce ne sont pas les Chinois qui nous prennent nos emplois, c'est les grandes entreprises. »

Loïc a ajouté: « Le Parti socialiste vient maintenant dans nos manifestations. Mais ils sont d'accord avec l'allongement de la période de cotisation. On devrait les éjecter des manifestations. »

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