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La bureaucratie syndicale étrangle la grève dans le secteur pétrolier français

Par Alex Lantier
1er novembre 2010

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Les travailleurs aux principaux terminaux pétroliers de France et aux dernières raffineries en grève ont voté un retour au travail vendredi, mettant fin à une grève contre les coupes du président Nicolas Sarkozy dans les retraites et ses projets de coupes et privatisations partielles dans le secteur pétrolier.

La grève dans le secteur pétrolier était l’arme la plus puissante des travailleurs dans un mouvement de contestation, comprenant des grèves et des blocages lycéens, qui ébranle le gouvernement Sarkozy depuis deux semaines. Malgré une opposition de masse aux coupes dans les retraites – 65 pour cent de la population appuyant de nouvelles grèves contre ces coupes selon les derniers sondages et une autre journée d’action étant prévue le 6 novembre – les coupes de Sarkozy dans les retraites ont été adoptées par le Parlement mercredi dernier.

Les syndicats font pression sur les travailleurs pour qu’ils rentrent au travail après avoir refusé de les défendre contre les actions anti-grève de la police. Dès le début, ils ont suivi une politique de trahison consistant à faire appel à Sarkozy pour qu’il modifie les coupes. Les difficultés financières et l’absence d’une direction résolue et d’une perspective politique pour la défaite de Sarkozy ont alors eu raison des grévistes à l’usure, forçant ceux-ci à rentrer au travail les mains vides malgré leurs luttes.

Cinq raffineries en grève (Gonfreville, Dunkerque, Grandpuits, Feyzin and Donges) ont voté pour rentrer au travail à partir de vendredi matin. Un responsable de la CGT (Confédération générale du travail), Charles Foulard, a déclaré avant le vote : « On pressent qu'on se dirige vers une reprise, c'est un fait ».

La grève a causé une grosse pénurie d’essence, et il faudra environ une semaine de production avant un retour à la normale. Vendredi soir, 22 pour cent des stations-service de la France étaient encore à sec, selon le site internet zagaz.com.

Pascal Galéoté, un haut responsable de la CGT aux ports de Marseille, a déclaré : « On se met en configuration de reprendre rapidement le travail ». Il a noté que l’appel à la grève était maintenu ce week-end par les syndicats des ports et des débardeurs. Mais, « nous verrons comment nous allons le mettre en œuvre sur les bassins pétroliers », a-t-il ajouté.

Le communiqué de la CGT n’a donné aucun détail sur les négociations ni indiqué si les employeurs avaient fait des concessions sur les questions reliées aux conditions de travail. Les grévistes contestaient non seulement les coupes de Sarkozy dans les retraites, mais aussi les projets de privatisations à 40 pour cent des terminaux pétroliers du port, qui feraient perdre à 220 agents leur statut de travailleur du secteur public.

La direction du Grand Port maritime de Marseille (GPPM) n’avait aucun doute que les syndicats organiseraient un retour rapide au travail. Vendredi, 80 navires étaient au large du port de Marseille attendant leur déchargement, dont plusieurs dizaines transportant du pétrole brut ou des produits raffinés. Un communiqué du GPPM a fait savoir que les navires « vont pouvoir progressivement accoster aujourd'hui [vendredi] dès 20 heures. Le chargement ou déchargement de leur cargaison suivra»

A la Compagnie Industrielle Maritime du Havre, qui alimente quatre raffineries du nord de la France, le délégué CGT Fabrice Modeste a annoncé le vote de retour au travail. « Les gens sont prêts à repartir dans de nouvelles actions si le mouvement reprend », a-t-il ajouté.

Jean-Louis Schilansky, président de l’Ufip (Union française des industries pétrolières), a dit que les grèves coûteraient « des centaines de millions d'euros » à l’industrie pétrolière française. Il a affirmé que cela représenterait une charge « gigantesque » pour l’industrie.

Si les chiffres de Schilansky sont exacts, cela représenterait des dommages relativement mineurs pour les firmes françaises de l’énergie. La société pétrolière Total à elle seule a fait 2,47 milliards d’euros de profits au cours du trimestre précédent, sur des revenus trimestriels de 40,18 milliards d’euros.

Il semble que la grève sera exploitée pour justifier une attaque majeure sur les travailleurs du secteur pétrolier. Deux raffineries, Dunkerque et Reichstett, sont déjà menacées de fermeture.

Des travailleurs du secteur pétrolier interrogés par la presse à la raffinerie de Feyzin étaient furieux contre le gouvernement et les syndicats. « Je n'étais pas favorable à la reprise », a dit Thierry au quotidien Le Monde. « J'aurais bien poursuivi la grève une semaine de plus, jusqu'à la journée de mobilisation du 6 novembre. »

Paul, un technicien de 54 ans, a dit qu’« on y a cru jusqu’au bout » chez les travailleurs de Feyzin. « La retraite, c'est la délivrance pour nous », a-t-il ajouté. « Depuis que j'ai 18 ans, je respire des produits chimiques dangereux. Sans compter qu'à mon âge, grimper sur des colonnes de 60 mètres de haut, c'est trop éprouvant. On est gouvernés par des gens qui n'ont jamais poussé nos brouettes. »

Le délégué CGT à Feyzin, Michel Lavastrou, a dit que « ce n’est pas évident » de prôner un retour au travail. « Il faut savoir arrêter une grève, mais c'est plus facile lorsqu'on a obtenu satisfaction. La reprise du travail, dans ces conditions, ne va pas être glorieuse. »

David Faure, délégué CFDT (Confédération française démocratique du travail) et secrétaire du comité d’entreprise syndicat-patronat à la raffinerie, a averti que la colère montait parmi les travailleurs. « Les gens n'attendent qu'un signe des organisations syndicales pour descendre dans la rue. La prochaine étape, c'est la grève générale. Et à ce moment-là, la réponse des salariés sera violente. »

Conscients de la colère de masse persistante contre les coupes, le gouvernement et les syndicats s’efforcent de dissoudre l’opposition populaire. Sarkozy a fait savoir dans un bref communiqué émis vendredi : « Des inquiétudes, souvent légitimes, ont été exprimées. » Il a dit qu’il allait « réfléchir » à la réponse à donner. Les coupes dans les retraites sont bien sûr là pour rester, réduisant les dépenses sociales d’environ 18 milliards d’euros par année.

Foulard de la CFT a affirmé que les syndicats avaient « gagné la bataille des idées », ce qu’il a expliqué ainsi : « Les argumentations des syndicats sur la possibilité d'avoir une autre réforme, notamment sur le financement, ont été entendues ». Et il a ajouté : « Nous ne sommes pas passés loin de l'objectif, il a manqué quelques catégories professionnelles en plus dans la grève ».

Cette affirmation atteste du cynisme de la direction de la CGT. Les travailleurs du secteur pétrolier ont été vaincus, non pas par « d’autres catégories professionnelles » de la classe ouvrière, qui ont largement soutenu les grèves en opposition aux mesures de Sarkozy, mais par la bureaucratie syndicale. Celle-ci a refusé de mener une lutte politique pour renverser le gouvernement Sarkozy, même après que Sarkozy a envoyé la police anti-émeute pour attaquer des travailleurs en grève du secteur pétrolier.

La défaite de la grève dans le secteur pétrolier est un avertissement à la classe ouvrière et une confirmation de l’analyse du World Socialist Web Site, qui a soutenu que les travailleurs devaient organiser une grève générale pour faire tomber Sarkozy et lutter pour un gouvernement ouvrier. Le WSWS a régulièrement mis en garde contre la traîtrise des syndicats et prôné la formation de comités d’action des membres de la base pour retirer la lutte des mains des bureaucrates syndicaux.

Même dans les conditions politiques les plus favorables, où les travailleurs reçoivent un soutien de masse et contrôlent un secteur stratégique de l’économie, ils ne peuvent gagner une victoire par le biais des organisations existantes.

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