Mercredi, quelque 3.500
salariés d’Opel ont manifesté devant l’entrée de l’usine Opel
d’Anvers en Belgique pour défendre leurs emplois. Selon les projets
élaborés par Opel et par General Motors (GM), l’usine belge devrait être
fermée au début de l’année prochaine.
Manifestation devant l’usine
Pour le moment, environ
54.000 salariés sont employés dans les usines européennes de GM. Le projet de
Magna (l’équipementier canado-autrichien devant reprendre Opel, n.d.t.)
prévoit la destruction de 10.952 emplois dont 4.116 postes en Allemagne (2.191 à
Bochum, 1.427 à Rüsselsheim, 456 à Kaiserslautern et 42 à Eisenach), 2.517
postes en Belgique (la fermeture de l’usine d’Anvers), 2.090 en
Espagne, 1.373 en Grande-Bretagne et 437 en Pologne.
Durant des mois, les comités d’entreprise et les syndicats
d’Opel ont refusé d’organiser une lutte commune pour la défense des
emplois. La journée de manifestation du 23 septembre avait pour but de fournir
aux syndicats un alibi pour leur absence d’activité et pour jeter de la
poudre aux yeux des travailleurs.
Tout juste deux dizaines de membres du comité d’entreprise et de responsables
syndicats de l’usine de Bochum étaient présents à Anvers. Dans une
interview donnée au World Socialist Web Site, le chef du comité d’entreprise de
Bochum, Rainer Einenkel, a confirmé ne pas avoir voulu venir avec
une importante délégation. « Je suis venu avec trois collègues. »
Quiconque voulait participer à la manifestation devait prendre un jour de
congé.
Une délégation tout aussi petite était venue de la principale usine Opel à
Rüsselsheim tandis que quelque 400 salariés étaient venus de Kaiserslautern.
Tous ces participants à la manifestation avaient eux aussi, été obligés de
prendre un jour de congé. Une poignée de membres de comités d’entreprise
d’usines situées dans d’autres pays étaient présents.
Les syndicats et les comités d’entreprise ont ouvertement refusé de
lancer un appel à la grève. Même les travailleurs de l’usine
d’Anvers n’ont été appelés à débrayer que lors du changement
d’équipe, pour ne pas gêner la production de l’usine.
L’ensemble de la manifestation ne servait qu’à entretenir des
illusions et des espoirs parmi les travailleurs d’Opel, en particulier
ceux d’Anvers.
Le matin même, les comités d’entreprise de tous les sites européens
d’Opel s’étaient réunis pour se concerter sur la meilleure manière
de canaliser la résistance vers quelques actions de protestation et
d’organiser ainsi les suppressions d’emplois. Puis à midi, les
représentants des comités d’entreprise ont tous soulignés, lors de leur
intervention au rassemblement, qu’ils étaient parvenus à une décision
unanime de rejeter toute fermeture d’usine et suppression
d’emplois. Ils ne précisèrent toutefois pas comment ces suppressions et
ces fermetures pourraient être évitées.
Klaus Franz
Klaus Franz, le président du comité d’entreprise du groupe
Opel-Vauxhall en Europe, a expliqué aux travailleurs rassemblés que l’on
trouverait des alternatives à la fermeture d’usines. Dans le même temps,
il a catégoriquement exclu toute alternative au projet de Magna et des
suppressions d’empois qu’il prévoit.
Dans son discours, Franz a dit clairement que des attaques et des coupes
importantes étaient inévitables. « Ce ne sera pas de notre faute si cette
entreprise une fois de plus donnera lieu à des spéculations. » Les
travailleurs apporteraient leur contribution, sous forme de réductions
d’emplois et de salaires s’élevant à « 265 millions
d’euros par an. » Le chemin que les travailleurs d’Opel
devront parcourir sera dur et épineux. Mais il n’y a pas d’autre
choix. Un retour à GM n’est pas possible. Selon Franz « une sortie de
GM coûtera cher ». Et les salariés « paieront cher » cette
liberté.
Franz a refusé de commenter les chiffres cités dans les médias et concernant
les suppressions d’emplois prévus. Le silence gardé à ce sujet par Franz fut
repris par Rudi Kennes, secrétaire du comité d’entreprise à Anvers et
Armin Schild, délégué d’IG Metall à Francfort, lors d’une
conférence de presse ultérieure.
Franz et Einenkel évitèrent les questions des journalistes en
n’assistant pas à la conférence de presse. Kennes et Schild tentèrent à
leur place d’enjoliver la situation à laquelle les travailleurs
d’Opel sont confrontés et les attaques qui les attendent. A cette fin,
ils recoururent à des échappatoires et cachèrent la vérité.
A la question d’un reporter du WSWS quant à l’ampleur des pertes
d’emplois négociées par les syndicats et Magna (en juillet Franz avait
lui-même encore parlé de 22.000 emplois) Schild a éludé la question. Il
n’a ni contredit ni confirmé ce chiffre ne donnant aucun chiffre concret.
Il a en même temps souligné que des suppressions d’emplois étaient
inévitables. Le chiffre définitif de ces réductions d’emplois ne serait
connu qu’au terme des négociations.
Schild et Kennes sont même allés jusqu’à déclarer devant les caméras
de télévision que Magna n’avait jamais annoncé vouloir fermer
l’usine d’Anvers. Dans le même temps, ils n’ont pas contredit
le rapport publié par le trust Opel qui stipule que la production à Anvers
s’arrêterait dans les prochains mois (début 2010).
Kennes a affirmé que l’usine d’Anvers pourrait être sauvée par
la production du petit véhicule de loisir (SUV) mais que GM et Magna
prévoyaient de construire ces véhicules dans une usine en Chine. Kennes
s’indigna du fait que l’ordre de fabrication allait être attribué à
la Chine en dépit du fait qu’« Anvers avait prouvé sa supériorité
concurrentielle par rapport à l’usine chinoise». Tout en parlant du bout
des lèvres de solidarité en Europe, Kennes s’en prit à la Chine. Il
rejetait le fait que la Chine ait remporté l’offre, a-t-il précisé. Ceci
signifait que l’argent irait en Asie pour « disparaître, après
quelques détours, dans le trou noir qu’est la Russie. »
Kennes a également admis qu’un grand nombre des 2.600 emplois actuels
à Anvers serait perdu même dans le cas d’un accord sur la production
d’un SUV.
En raison de la demande restreinte de tels véhicules, un tel
« sauvetage » de l’usine d’Anvers ne serait que de courte
durée et ne ferait que repousser un peu la fermeture de l’usine. Il y a à
peine deux ans, l’usine comptait encore, au total, 4.500 travailleurs.
Kennes, avait aussi défendu les précédentes réductions d’emplois et de
salaires ainsi que la détérioration des conditions de travail, le tout au nom
du « sauvetage d’Opel. »
A la question d’un reporter du WSWS, à savoir comment le personnel
réagissait à la nouvelle qu’une économie de 1,6 milliard d’euros
était en train de se préparer derrière son dos, Schild a répondu en disant
qu’aucune décision définitive n’avait été prise jusque-là. Il dit
qu’on allait naturellement consulter les membres du syndicat quand les
accords seraient conclus, « il existe au sein de l’IG Metall une
longue tradition de demander l’avis des adhérents avant toute
décision ». Il prédit même un taux d’acceptation des réductions de
90 pour cent.
Un autre reporter du WSWS a noté que les déclarations faites par Schild
étaient incorrectes. On sait très bien qu’à Rüsselsheim, qui fait partie
de son ressort, la suppression d’une hausse de salaire et de la prime de
vacances avait été imposée par le comité d’entreprise d’Opel sans
l’accord des salariés. En réalité, ces coupes font partie du concept de
Magna et bénéficient de l’appui de l’IG Metall et des comités
d’entreprise.
Schild a répondu avec une certaine arrogance bureaucratique en disant qu’il
n’était pas au courant d’un quelconque accord écrit. « Je ne
sais pas sur quoi les gens pourraient voter. »
Les syndicats et les comités d’entreprise se sont servis de la
manifestation de mercredi et de leurs déclarations peu crédibles de solidarité
pour saboter toute mesure de lutte véritable, créant des illusions quant à
l’ampleur des suppressions d’emplois à venir. De nombreux
travailleurs auxquels les reporters du WSWS ont parlé étaient de ce fait
tiraillés entre la crainte et l’espoir.
Karl Eigner travaille depuis près de 20 ans au service d’entretien et
de maintenance de l’usine de Kaiserslautern. Il a dit : « Après
les élections législatives de dimanche, on va vraiment entendre ce qui nous
attend pour de bon. Avec ou sans Magna, je m’attends à ce que près de la
moitié des emplois soient supprimés en Europe. »
Eigner a aussi décrit la situation chez le fabricant de machines à coudre
Pfaff à Kaiserslautern. « 6.000 salariés y étaient employés. Ils ont
ensuite supprimé les emplois par petites tranches. A présent, il en reste à
peine 200. » Il redoute le même processus pour l’usine Opel à
Kaiserslautern. « Les usines d’Anvers et de Bochum seront de toute
manière bientôt fermées. Mais avant les élections, personne n’est prêt à
dire la vérité. »
Le stand d’information du WSWS
Les sympathisants du WSWS et du Parti de l’égalité sociale (PSG) ont
distribué 2.000 tracts en néerlandais, en allemand, en anglais et en français.
Le dépliant contenait une lettre ouverte adressée par le président du PSG, Ulrich
Rippert, aux travailleurs d’Opel et de Vauxhall. La lettre mettait en
garde : « Cette vente sert à rejeter le fardeau de la crise
économique mondiale sur votre dos. Elle est partie intégrante d’une
attaque générale dans le monde entier contre la population laborieuse dont le
niveau de vie doit être ramené à celui des années 1930. [...]
« Il est tout à fait urgent d’organiser immédiatement la
résistance contre les projets de licenciements, les fermetures d’usine et
les réductions de salaire. Si vous ne vous défendez pas, vous perdrez tout et
vos enfants se retrouveront sans aucune possibilité d’avenir.
« Le principal obstacle empêchant une résistance efficace, ce sont les
syndicats et leurs comités d’entreprises. »