WSWS :
Histoire et
culture
Comment le Workers Revolutionary Party a trahi le trotskysme
1973-1985
Déclaration du Comité international de la Quatrième Internationale
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Troisième partie : l’effondrement du WRP
30. Le WRP en crise
31. Une déformation idéaliste du matérialisme dialectique
32. L’opposition dans les rangs du Comité international
33. Centres de formation de jeunes : une escapade fabianiste
34. Le WRP défend le stalinisme
30. Le WRP en crise
Même si, vu de l’extérieur, le WRP semblait jouir d’une influence et d’un
succès grandissants, sa force politique réelle dans la classe ouvrière et la
jeunesse diminuait constamment. Les ressources qu’il avait acquises grâce à ses
relations opportunistes avec les nationalistes bourgeois ne purent cacher qu’un
temps une crise organisationnelle qui gagnait rapidement du terrain au sein du
WRP. Rien ne révèle mieux les effets dévastateurs de l’opportunisme que les
chiffres de vente du News Line. En 1980-1981, 90 162 exemplaires étaient
réglés en moyenne par semaine. En 1981-1982 les chiffres tombèrent à 63 350 –
sous l’effet des trahisons répétées de la classe ouvrière par le WRP dans le
cadre de l’alliance avec le GLC et la gauche du Parti travailliste – ce qui
représentait une chute de plus de 33 pour cent. En 1983-1984, les chiffres
devaient tomber à 51 223 exemplaires.
Tandis que la force du WRP se désintégrait au sein du mouvement ouvrier,
Healy se mettait à construire un gigantesque appareil au service de son
adaptation centriste à certaines sections de la bureaucratie du Parti
travailliste et du TUC, renforçant ainsi encore la dépendance du parti vis-à-vis
des ressources fournies par des forces non-prolétariennes.
Puis survint le désastre. En juin 1982 les sionistes envahirent le Liban et
détruisirent une grande partie des installations de l’OLP dans le pays. Des
luttes fratricides au sein de l’OLP s’ensuivirent, affaiblissant plus encore son
influence. La bourgeoisie arabe entama un fort tournant politique à droite et
les regroupements qui accompagnèrent ce tournant portèrent un rude coup à la
politique extérieure du WRP. Les suites de la perte d’influence du parti dans la
classe ouvrière, dissimulées pendant si longtemps, menaçaient à présent
d’exploser sous la forme d’une crise financière catastrophique.
Healy et le département des finances du WRP cherchèrent à aller à l’encontre
de la crise en manoeuvrant, c’est-à-dire par des emprunts massifs et la
signature d’hypothèques sur la propriété du parti. La direction du WRP évita de
cette façon de prendre position politiquement vis-à-vis des vraies causes de la
crise – la trahison des principes du trotskysme – et continua à cacher aux
membres du parti le véritable état des choses.
31. Une déformation idéaliste du matérialisme
dialectique
Etant donné le rôle considérable qu’elle joua dans le WRP ainsi que dans le
Comité international, il serait impossible de donner une idée correcte de la
dégénérescence du WRP sans faire état de la déformation grossière du
matérialisme dialectique scientifique par la direction de la section
britannique. La Socialist Labour League (SLL) avait développé – et en cela elle
avait parfaitement raison – la défense d’une méthode philosophique correcte
(point sur lequel Trotsky avait déjà insisté dans sa grande lutte contre Burnham
et Shachtman en 1939-1940). Elle le fit au cours de sa lutte contre le
révisionnisme du SWP aux Etats-Unis. Dans la tradition de Trotsky, la SLL a
révélé le rapport interne existant entre la ligne politique de classe de Hansen
et sa méthode pragmatique, qui trouve son expression la plus claire dans sa
définition du matérialisme dialectique comme « empirisme conséquent ». La
critique de la méthode objectiviste du SWP par le Comité international et
l’examen des rapports de cette méthode avec toute une série de révisions
fondamentales du marxisme, en particulier, celle du rôle du facteur conscient
dans le processus révolutionnaire, fut illustrée par une analyse exhaustive de
l’ensemble de la ligne politique du SWP et de ses alliés pablistes en Europe.
Cependant, dans les années qui suivirent, la SLL soutint de plus en plus
l’opinion que : puisque tout révisionnisme était lié à une théorie de la
connaissance erronée, il n’était plus nécessaire d’analyser les formes
politiques dans lesquelles le révisionnisme s’exprimait. A partir de là, on
pouvait justifier des scissions dans la Quatrième Internationale par des
conflits sur les questions de la théorie de la connaissance, sans que les
divergences politiques soient clarifiées. Cette conception idéaliste fut avancée
par Slaughter en 1971-1972 pendant la lutte contre l’OCI (qui avait à tort nié
que le matérialisme dialectique était la théorie de la connaissance du marxisme)
et reprise avec enthousiasme par Healy. On créa ainsi pour la vie politique et
théorique du Comité international une base tout à fait nouvelle : toutes les
questions touchant au programme et aux principes furent considérées comme des
formes « inessentielles » de problèmes plus « fondamentaux » de la connaissance
dialectique. Ce qui revenait à nier l’unité et le rapport interne existant entre
les trois composantes du marxisme telles que Lénine les a exposées : la
philosophie allemande, l’économie politique anglaise et le socialisme français.
Sous la pression des forces de classe, cela laissait la porte grande ouverte au
pire charlatanisme théorique. L’étude unilatérale et abstraite (au mauvais sens
du terme) des « moments de la connaissance » devint, surtout après l’ouverture
du Centre marxiste de Méséducation en 1975, un moyen de justifier une politique
révisionniste à une période où la crise politique se développait extrêmement
vite au sein du WRP.
A partir de 1977, il n’y eut plus aucune étude systématique des oeuvres
politiques, historiques et économiques de Marx, Engels, Lénine et Trotsky dans
le WRP. Le WRP cessa de la même manière de développer l’héritage politique du
CIQI – la lutte contre le révisionnisme pabliste, cet abandon étant intimement
lié à la conception « théorique » de Healy selon laquelle tout savoir est
purement relatif et que si, dans la discussion politique, on cite les grands
classiques marxistes, on « impose des images d’idées au monde extérieur. » Healy
forgea au cours de ses attaques incessantes contre le matérialisme historique
une « méthode philosophique » qui finit par constituer la défense parachevée
d’une politique sans principes.
La méthode de Healy était en réalité une grossière déformation de la
dialectique scientifique, révélant une totale absence de compréhension des
oeuvres philosophiques aussi bien de Hegel que de Marx. Le véritable contenu de
la « théorie de la connaissance » de Healy, qui prétendait reproduire la
transition dialectique de la perception sensible individuelle à la pensée
abstraite et à la pratique, n’était rien d’autre qu’une glorification du
processus individuel de la pensée, par laquelle il traduisait sa propre
intuition pragmatique en diverses activités du parti. Autodidacte au pire sens
du terme, Healy finit par se convaincre que l’apprentissage par coeur et dans le
bon ordre de quelques catégories hégéliennes, était la clef de la connaissance
universelle. Quelques tours d’adresse avec des phrases pouvaient remplacer une
étude sérieuse du trotskysme, de l’économie politique, de l’histoire du
mouvement ouvrier et, pour finir mais non des moindres, du développement
historique de la philosophie.
Healy essaya en juin 1980, sous prétexte d’introduire un nouvel et bizarre
ordre du jour pour les réunions de cellules, de livrer un fondement
constitutionnel à l’impressionnisme pragmatique qui régnait dans le travail
politique quotidien du WRP. Ceci fut résumé dans une lettre écrite le 14 juin
1980 et adressée à tous les secrétaires de cellules par Healy.
« Le but de l’ordre du jour est de réorganiser le travail dans nos cellules
de telle manière qu’au cours de la réunion, la théorie se manifeste comme le
guide de la pratique. En d’autres termes, la méthode dialectique est exprimée
par la manière dont notre pratique est exécutée.
« Le but est d’éduquer les camarades dans ce qu’on pourrait décrire de
la meilleure façon comme une application inconsciente de la méthode dialectique,
de même qu’on développe de nombreuses qualités et activités sans en être
nécessairement conscients .» (caractères gras ajoutés) En d’autres mots : Healy
avait découvert qu’on pouvait agir en marxiste, sans en être conscient – vingt
ans après que le célèbre pragmatiste américain Joseph Hansen eût proclamé la
même chose au monde entier. Healy en était maintenant à propager les mêmes
opinions que celles que Trotsky avait combattues avec indignation en 1940. Dans
sa réfutation des thèses de Burnham il écrivait alors :
« Dans la déclaration avocassière faite par Shachtman et suivant laquelle
vous êtes un ‘ dialecticien inconscient ‘, il faut mettre l’accent sur le mot
inconscient. Le but de Shachtman (en partie aussi inconscient) est
de défendre le bloc qu’il a constitué avec vous en humiliant le matérialisme
dialectique. En réalité Shachtman déclare : la différence entre un dialecticien
‘ conscient ‘ et’ inconscient ‘ n’est pas si importante qu’il faille se battre
là-dessus. C’est ainsi que Shachtman s’efforce de discréditer la méthode
marxiste. » (Léon Trotsky, Défense du marxisme, Collection EDI,
p. 178)
Tel le héros de Gogol qui ne se lassait pas de constater avec ravissement que
les lettres formaient des mots, Healy enseignait à ses membres ébahis que :
« La conscience qu’on a des abstractions théoriques vient par la suite,
lorsqu’on y repense et qu’on analyse ce qu’on fait. »
En quoi ce genre de découverte pouvait-il aider un membre du parti qui doit
analyser une évolution compliquée dans la situation politique – comme, par
exemple, la déclaration d’indépendance des Turcs sur Chypre, la légitimité ou
l’illégitimité d’un soutien critique à des nationalistes bourgeois ou, pour
citer un exemple d’actualité, la signature du traité anglo-irlandais ? Nous
faut-il, face à de tels développements, une « conscience des abstractions
théoriques » avant ou après avoir conclu notre analyse et
avoir décidé de ce qu'il convenait de faire ? Engels a déjà fourni la réponse à
ces questions depuis longtemps en écrivant que « l’art d’opérer avec des
concepts n’est ni inné, ni donné avec la conscience ordinaire de tous les jours,
mais exige une pensée réelle, pensée qui a également une longue histoire
empirique... » (F. Engels, Anti-Dühring, Editions sociales, p. 43).
Healy poursuivait par une présentation en doses homéopathiques de la
phénoménologie de l'esprit, qui ressemblait à s'y méprendre à ce que certains
pragmatistes américains appellent une théorie de la connaissance « tache
d’encre » :
« Bref, la conscience est une forme subjective à travers laquelle se révèlent
les rapports créés par notre activité. Elle provient de ce que des phénomènes de
la pensée encore nouveaux et indéterminés passent de la perception au savoir
abstrait que nous possédons déjà et deviennent par là déterminés. Le
nouveau dérange l’ancien et déclenche le processus théorique abstrait qui
guidera notre pratique. Cela se passe parfois si vite que si nous n’apprenions
pas à penser aussi vite que possible à ce que nous venons de faire, un grand
nombre de connaissances précieuses peuvent être ainsi perdues. »
Pas besoin d’un esprit particulièrement développé pour ce genre de processus,
ni même d’ailleurs de l’esprit humain. Comme le remarquait Trotsky : « A la
vue d’un lièvre, d’un lapin, d’une poule, le renard réfléchit : cet être
appartient à tel type, qui est savoureux et nourrissant, ... et il donne la
chasse à sa victime. Nous avons là, sous les yeux, l'exemple d’un parfait
syllogisme bien que le renard n'ait certainement pas lu Aristote. Cependant
lorsque le même renard tombe pour la première fois sur un animal aux dimensions
plus grandes que les siennes [par quoi il déclenche le « processus ...
théorique abstrait »], par exemple sur un loup [« un phénomène de
la pensée encore indéterminé, qui passe dans le savoir abstrait ... et dérange
l’ancien »], il se représente très vite que la quantité se transforme en
qualité et il se lance à la chasse aux canards. » (Léon Trotsky, Défense
du marxisme, EDI, p. 177) [« Cela se passe parfois si vite » que le
renard n’a même pas le temps de remarquer qu’il est expert dans la pratique de
la connaissance de Healy.]
Le but politique de Healy était d’émousser les convictions théoriques des
cadres du WRP et de transformer ceux-ci en activistes inconscients, à la
remorque de la ligne opportuniste élaborée par le Comité politique du WRP. Il
leur inculquait délibérément une attitude méprisante vis-à-vis du marxisme réel.
Les traditions politiques du trotskysme – son étude attentive de tous les
phénomènes politiques et leur discussion approfondie dans tout le parti – en fit
le mal foncier de tous les « groupes propagandistes. »
En janvier 1982, Healy profita du cinquante-huitième anniversaire de la mort
de Lénine pour étaler son mépris du trotskysme. Dans une brochure de 16 pages
qui avait la prétention d’être une analyse de l’héritage de Lénine, Healy ne fit
pas une seule référence au trotskysme ni à la Quatrième Internationale – à
l’exception de la dernière phrase où il écrivit à la sauvette, et juste pour la
forme, que les trotskystes étaient les meilleurs léninistes. Dans une attaque
implicite contre le mouvement trotskyste en revanche, il prétendit que le
stalinisme « avait rejeté loin en arrière les léninistes actuels, en ce qui
concerne la compréhension de ses acquis théoriques et de la pratique
révolutionnaire qui en découle. » (traduit de Leninism 58 Years On
[Le léninisme 58 ans plus tard], New Park, p. 1) Cette déclaration tentait
d’éliminer pratiquement la contribution théorique de Trotsky concernant le
développement du marxisme après la mort de Lénine.
Non moins significatif est le fait que Healy n’identifiait pas la continuité
de l’oeuvre de Lénine avec Trotsky et l’Opposition de gauche, mais avec « les
progrès immenses accomplis par la physique depuis la mort de Lénine. »
(Ibid., p. 10) Healy ne choisissait pas l’année de la mort de Lénine – 1924 –
pour expliquer que c’était aussi l’année marquant l’émergence de la théorie du
socialisme dans un seul pays formulée par Staline-Bukharine ainsi que le début
de la lutte de l’Opposition de gauche contre cette conception, mais pour
indiquer dans un étalage de mauvaise érudition, que c’était « l’année où le
physicien Louis de Broglie, posait les bases de la mécanique quantique (théorie
des quantas), qui analyse le mouvement des plus petites particules. »
(Ibid.)
Ce glissement de la politique à la physique (dont Healy ne comprenait pour
ainsi dire pas un mot), comme l’axe du matérialisme dialectique à l’intérieur du
parti révolutionnaire, était lié de façon indissociable au fait que la direction
du WRP rejetait le trotskysme. Les textes fondamentaux sur lesquels Healy
s’appuyait désormais pour préparer ses classes, étaient ceux d’universitaires
soviétiques qui tentaient désespérément de faire de Lénine un philosophe
officiel. (La signification de la contribution de divers philosophes soviétiques
comme T. Oizerman, et E. V. Ilyenkov méritent une discussion attentive et
minutieuse dans le mouvement trotskyste. Cela exige un examen de l’histoire de
la philosophie soviétique depuis l’oppression des mécanistes et des déborinistes
à la fin des années 1920. Nous ne retenons ici que le fait que Healy n’aborda
jamais de telles questions.)
Au début de 1982, un membre du WRP, Chris Talbot, rédigea une critique du
livre Dialectique dans la physique moderne du philosophe soviétique
Omelyanovsky, dans une des publications du WRP, provoquant une réponse haineuse
de Healy, qui défendit Omelyanovsky contre Talbot – qui, soit dit en passant,
est mathématicien de profession. Depuis que Staline avait insulté la quatrième
symphonie de Chostakovitch (« désordre au lieu de musique »), aucun politicien
ne s’était permis une intrusion aussi dénuée de compétence dans un domaine qui
lui était étranger. La réponse de Healy fut présentée au Sixième congrès, comme
une importante contribution et ne faisait que révéler sa tendance à écrire sur
des sujets auxquels il ne comprenait rien. Et, ce qui est plus important, elle
mettait l’accent sur son orientation politique et sur la vraie signification de
sa façade dialectique.
Tout comme Mao s’était servi du ping-pong pour ouvrir aux USA les portes de
la Chine, Healy avait essayé de se servir de la physique comme d’un appât pour
nouer des relations avec les staliniens et d’autres forces
contre-révolutionnaires. Il flattait les staliniens par l’affirmation mensongère
que les « scientifiques et physiciens soviétiques assumaient une position
dirigeante due à la nationalisation des relations de propriété en URSS, et ce,
malgré le stalinisme. » (Bulletin interne No. 1, 25
mai 1982, p. 3). Quiconque qui détienne une connaissance sérieuse des
développements actuels dans le domaine de la physique n’aurait affirmé une chose
pareille. Attribuer cette prétendue supériorité à l’existence de la
nationalisation des relations de propriété en URSS, constituait, en plus, une
importante déviation de l’analyse de Trotsky concernant le développement
culturel et intellectuel de l’URSS !
Mais le document de Healy révélait des intentions bien plus sournoises
encore. Il déformait délibérément le célèbre article écrit par Lénine en 1922,
« Sur la signification du matérialisme militant », et tentait d’établir
que, sans une alliance « avec des ‘ non communistes ‘, scientifiques et
autres, intéressés par l’interprétation matérialiste de la dialectique
hégélienne, une révolution victorieuse ne serait pas possible. » (Ibid.,
p. 1)
Lénine écrivait de façon très explicite, dans son article sur les tâches de
« la construction réussie du communisme » en Union soviétique après la victoire
de la révolution bolchevique. Le fait est connu que Lénine avait placé à des
postes dans les universités étatisées, d’anciens mencheviks connus, comme
Axelrod (dans la mesure où ils étaient prêts à accepter le pouvoir soviétique).
Il soulignait la nécessité de rassembler toutes les forces à la disposition de
l’Etat soviétique, afin de vaincre l’état culturel arriéré de l’Union
soviétique. L’article continue en définissant clairement les tâches que Lénine
avait à l’esprit.
L’article de Healy, écrit dans un style délibérément obscur, donnait en
revanche l’impression qu’une alliance politique et théorique avec des « non
communistes » – y compris les staliniens et Dieu sait qui encore – était la
condition nécessaire pour une victoire de la révolution socialiste. Ainsi,
l’attaque contre Talbot était très clairement une justification politique de la
ligne collaboratrice poursuivie par le WRP.
32. L’opposition dans les rangs du Comité
International
En 1981 et 1982, Healy commença à mettre ses ruminations dialectiques par
écrit, donnant pour la première fois aux cadres en Grande-Bretagne et
internationalement l’occasion de soumettre ses idées à un examen plus attentif
et plus systématique. Le point culminant de ce travail théorique fut une série
d’articles écrits pour le quarante-deuxième anniversaire de la mort de Trotsky,
parue sous le titre d’Etudes du matérialisme dialectique.
En octobre 1982, David North, le secrétaire national de la Workers League
informa Healy et le Comité politique du WRP qu’il avait de profondes divergences
à propos de la méthode philosophique sur laquelle reposait « l’entraînement des
cadres » de Healy et le travail politique du WRP et du Comité international.
(Bien que la Workers League ne soit pas membre du Comité international à cause
de lois réactionnaires aux Etats-Unis, elle participait à son travail en tant
qu’observateur.) Healy prétendit pendant des années que son travail, sur ce
qu’il appelait « la pratique de la connaissance », constituait un développement
essentiel de la dialectique matérialiste et justifiait cela à grand renfort de
citations, qu’il tirait des Cahiers philosophiques de Lénine et de
Défense du marxisme de Trotsky.
Après avoir fait une analyse approfondie des écrits de Healy, D. North
parvint à la conclusion qu’elles constituaient une rupture complète avec le
marxisme. Ayant découvert que Healy avait plagié des sources soviétiques peu
connues pour des sections entières de ses articles - découverte qui mettait
sérieusement en question la légitimité du travail - D. North souleva les points
fondamentaux suivants :
« Les Etudes du matérialisme dialectique du camarade Healy souffrent d’un
défaut capital : elles ignorent essentiellement les conquêtes réalisées aussi
bien par Marx que par Lénine dans leur réélaboration matérialiste de la
dialectique hégélienne. Ainsi, Hegel est approché de manière non critique,
essentiellement comme le firent les hégéliens de gauche que Marx a combattus.
« En approchant Hegel de cette manière, le camarade Healy n’élimine pas
seulement la distinction entre le matérialisme et l’idéalisme mais il devient un
idéaliste complet, en exposant Hegel du point de vue d’hégélien de gauche...
« Le camarade Healy ne tient pas compte des avertissements répétés de Marx et
d’Engels à savoir que la dialectique hégélienne était inutilisable sous la forme
où elle parvint à la postérité. Ainsi le camarade Healy tente d’expliquer le
processus de la connaissance en prenant pour point de départ immédiat la
dialectique hégélienne. Cette approche est fausse. Il est tout aussi impossible
d’expliquer le processus de la pensée à partir de la Logique qu’il
ne l’est d’expliquer la nature de l’Etat à partir de la Logique...
« Le principal défaut des articles du camarade Healy – le fait qu’il ignore
les acquis de Marx et d’Engels – se manifeste très clairement dans son
indifférence presque totale à l’égard du matérialisme historique. La
connaissance est traitée comme un mouvement de la pensée hors de la pratique
sociale de l’homme, se développant historiquement et soumis à des lois. » (« A
Contribution to the Critique of G. Healy’s Studies in Dialectical Materialism
[Une contribution à la critique des Etudes du matérialisme dialectique de G. Healy] »,
pp. 13-15)
North faisait la liaison entre sa critique théorique et la ligne politique du
Workers Revolutionary Party et du Comité international :
« Depuis plusieurs années (à mon avis cela débuta en 1976 et ne commença à
dominer qu’en 1978) le Comité international s’est, au nom de la lutte pour le
matérialisme dialectique et contre le pragmatisme, de plus en plus détourné de
la lutte pour le trotskysme.
« Une concentration de plus en plus unilatérale et bornée sur ‘ le processus
et la pratique de la connaissance ‘, presque entièrement séparée d'une étude
concrète de la situation objective – a, comme on a pu le voir dans les ‘Etudes’
– mené à une grossière vulgarisation idéaliste de la dialectique, caricature du
travail de Lénine sur la Science de la Logique de Hegel, une
caricature qui reprend exactement les formes de la mystification critiquées par
Marx dans ses écrits contre les hégéliens de gauche il y a 140 ans (et que
Engels a démasquées dans sa polémique contre Dühring dans les années 1870)...
« Cette vulgarisation du marxisme, qu’on nous refile sous le label de ‘ lutte
pour la dialectique ‘, allait de pair avec un tournant opportuniste au sein du
Comité international et surtout à l’intérieur du WRP.
« Le travail du CI au Moyen-Orient, qui ne fut jamais guidé par une
perspective claire pour construire le Comité international dans cette région du
monde, a dégénéré en une suite d’adaptations pragmatiques aux successives sautes
de vent politiques. On interpréta la défense marxiste de mouvements de
libération nationale et la lutte contre l’impérialisme de façon opportuniste, et
on donna notamment un soutien non critique à divers régimes nationalistes
bourgeois. Le résultat de l’invasion israélienne au Liban a entièrement révélé
la faillite de cette méthode. Jusqu’à présent, le CI a été incapable de fournir
une estimation de la situation au Proche-Orient. Le WRP n’a toujours pas de
position claire vis-à-vis des manoeuvres actuelles de l’administration Reagan. »
(Ibid., p. 35-36)
Après avoir attiré l’attention sur la politique du WRP en ce qui concerne le
Zimbabwe, l’Iran, la Libye et la guerre des Malouines, D. North concluait :
« Cela ne signifie pas que notre travail n’a été qu’un tissu d’erreurs et que
nous n’avons pas d’acquis à faire valoir. Ce n’est bien sûr pas le cas.
Toutefois le développement rapide de la crise mondiale, la crise désespérée du
stalinisme et la radicalisation des masses dans tous les grands pays
capitalistes offrent au trotskysme des possibilités sans précédent. Nous
commettrions la pire des erreurs politiques si précisément à ce moment-là nous
baissions notre drapeau trotskyste. » (Ibid., p. 38)
D. North avait fait part à Healy de ses divergences à propos des Etudes du
matérialisme dialectique pour la première fois le 22 octobre 1982. Le jour
suivant, après une réunion du Comité politique du WRP, il transmit une copie de
ses remarques sur les écrits de Healy à Banda, à la demande de celui-ci. Après
avoir étudié ces remarques, Banda informa D. North qu’il était tout à fait
d’accord avec sa critique, avoua que la méthode subjective de Healy allait de
pair avec un recul dans tous les domaines du travail politique du WRP et qu’il
était nécessaire de lutter dans le parti pour une discussion détaillée sur les
questions soulevées dans les remarques. Il y eut ensuite une discussion avec
Cliff Slaughter, le secrétaire du CIQI, qui expliqua qu’il estimait que la
critique émise par D. North concernant les écrits de Healy était correcte et
qu’il était prêt à fournir tout le soutien possible pour faciliter l’ouverture
d'une discussion, bien qu’il veuille encore réfléchir à la forme de sa propre
intervention. Après que Banda eût informé Healy qu’il était d’accord avec la
critique de D. North, Healy attaqua D. North amèrement pour avoir « interféré »
dans « son » cadre au sein du WRP.
Le 25 octobre 1982, D. North retournait aux Etats-Unis et s’attendait à ce
qu’on organise une vraie discussion au sein du WRP et du Comité international.
Le même jour Banda reçut – comme le découvrit plus tard une commission de
contrôle internationale – une lettre d’un membre du Comité central du WRP,
Brendan Martin, qui critiquait l’adaptation au nationalisme bourgeois au
Proche-Orient et le fait qu’on n’avait pas entrepris une correction principielle
des erreurs commises pendant la guerre des Malouines. Martin exigeait que ces
choses soient discutées dans le parti sur des bases de principes.
La semaine qui suivit, Healy persuadait Banda de renoncer à soutenir D. North
et de maintenir l’unité dans la clique du Comité politique du WRP. Ainsi que le
montrent les notes privées de Healy, découvertes par la suite par la commission
internationale de contrôle, il commença à organiser l’exclusion de Martin et à
isoler D. North de la direction du WRP. Une des notes privées de Healy datée du
28 octobre 1982, était rédigée ainsi : « Dans son approche des camarades, D. North
tente de tirer avantage de l’indécision théorique et de l’état arriéré
existant. »
Healy entra ensuite en contact avec Slaughter et plusieurs universitaires de
profession comme G. Pilling et obtint leur accord pour attaquer les critiques de
D. North lors de la prochaine réunion du Comité international. Brendan Martin
fut exclu à la mi-novembre grâce aux efforts fractionnels conjugués de Banda et
de Healy.
Lorsque le 18 décembre 1982, D. North revint en Grande-Bretagne, Banda lui
fit savoir qu’il avait étudié ses notes de façon plus approfondie et qu’à
présent il était en opposition complète avec les critiques exprimées. Il était
persuadé que les Etudes de Healy représentaient une contribution
inestimable à la littérature marxiste. Il prévint D. North de ce que les
relations politiques et organisationnelles avec la Workers League seraient
définitivement rompues s’il maintenait sa critique. Pendant les réunions du
Comité politique du WRP qui s’étalèrent sur deux jours au cours desquelles V. Redgrave
devint hystérique et traita D. North de « gangster politique ». Quant à
Slaughter et Pilling, ils se trouvaient en première ligne pour défendre les
Etudes de Healy en ne répondant concrètement à aucun des points soulevés par
les critiques de D. North. Slaughter et Pilling défendaient Healy en affirmant
que toute critique des Etudes constituait une attaque contre la
dialectique et contre Hegel, d’autre part que toute critique de Healy émise par
un Américain ne pouvait être que pragmatique. Healy n’assistait pas à ces
réunions pour défendre personnellement ses écrits.
Aucune discussion objective n’était possible dans l’atmosphère politique qui
régnait dans ces réunions. D. North consentit à retirer ses notes – qui, de
toute façon, n’avaient pas été rédigées initialement sous forme de document – et
à considérer les arguments énoncés par Slaughter, Pilling et Banda.
C’était la première tentative de la part du Comité international d’intervenir
dans la crise politique du WRP. Pour des raisons historiques qui relèvent de
l’évolution d'ensemble de la Quatrième Internationale, la section britannique
jouissait d’une autorité considérable au sein du Comité international. Toutes
les autres sections avaient été fondées dans la lutte dirigée par Healy, Banda
et Slaughter contre la dégénérescence du Socialist Workers Party aux USA, la
trahison du LSSP au Sri Lanka et la capitulation de l’OCI devant l’opportunisme
en France et étaient constituées de jeunes dirigeants. Aucune autre direction ne
pouvait faire valoir une histoire aussi impressionnante de luttes politiques
ininterrompues contre le stalinisme, la social-démocratie et le centrisme.
D’autre part, il existait un déséquilibre énorme entre la force
organisationnelle du WRP et celle des autres sections du CI. En effet, depuis le
milieu des années 1970, le WRP se servit délibérément de cette force
organisationnelle comme d’un gourdin contre le CIQI. De plus, il camoufla le
mercenariat de son travail au Proche-Orient et falsifia systématiquement les
rapports qu’il donnait au Comité international sur l’évolution politique de la
section britannique.
Slaughter jouait, dans la direction du CIQI, le rôle d'un représentant
fractionnel du WRP qui veillait farouchement à la sauvegarde des intérêts
politiques et financiers de la section britannique. Nous reviendrons sur cette
question par la suite. (Un rapport complet de la lutte entre la Workers League
et le WRP jusqu’à la rencontre du Comité international en février 1984, a déjà
été donné dans la lettre du 11 décembre 1985 du Comité politique de la Workers
League au Comité central du Workers Revolutionary Party.) Il faut cependant
souligner le fait que la direction du WRP n’était pas prête à accepter quelque
forme politique de contrôle que ce soit de la part du Comité international.
Banda et Slaughter maintenaient le mythe de l’infaillibilité politique de Healy
pour conserver au WRP sa supériorité jusque là incontestée dans le CIQI. En
d’autres mots, l’infaillibilité personnelle de Healy était maintenue pour
défendre l’infaillibilité collective de la section britannique.
Il fallut encore du temps pour que les sections du CIQI atteignent la
maturité et l’expérience nécessaires afin d’être en mesure d’imposer leur
autorité au WRP. Mais bien qu’à cette époque la lutte ne put pas encore être
menée à son terme, 1982 marquait le début d'une rébellion trotskyste dans les
rangs du CIQI contre la dégénérescence politique du WRP et contre son abus
d’autorité.
A partir de ce moment, la direction du WRP sut qu’elle ne pouvait achever sa
trahison du trotskysme sans auparavant détruire le Comité international. Pour
préparer ce travail de destruction, elle repoussa le Dixième congrès du CIQI
jusqu’en 1985, quatre ans après le Neuvième congrès ou presque.
33. Centres de formation de jeunes : une escapade
fabianiste
On procéda à quelques changements de nature toute décorative suite aux
critiques de la Workers League, car il fallait bien redonner un peu de
crédibilité trotskyste au WRP dans le Comité international et soustraire à
d’autres attaques éventuelles les cibles les plus voyantes. La signature de
Healy disparut ainsi pratiquement du News Line et, hormis une brève
contribution, – un texte incohérent bizarrement intitulé : « Comment Hegel se
retrouva parmi les conseillers des Tories » – Healy n’écrivit plus rien sur la
philosophie. Afin de ne pas donner prise à l’affirmation que le WRP abandonnait
le trotskysme, le News Line publia de grosses annonces mentionnant une
nouvelle série de cours sur la théorie de la Révolution permanente dans son
centre d’éducation. Cependant des modifications de ce genre ne signifiaient pas
que le WRP abandonnait sa ligne opportuniste. Healy ne permit un léger
changement d’orientation dans la question de la Révolution permanente que parce
que les changements politiques au Moyen-Orient avaient fait provisoirement
dérailler ses vieilles alliances. C’est ainsi qu’on put citer sans problème
l’Irak et le Zimbabwe comme des exemples confirmant la manière dont Trotsky
avait caractérisé la duplicité des nationalistes bourgeois. Dans le même temps
Healy put collaborer avec Savas Michael pour nouer de nouvelles relations avec
le régime iranien.
Mais on ne modifia pas réellement la ligne politique. Les zigzags dans les
différentes positions prises ne faisaient que refléter les manoeuvres qui
avaient lieu dans les coulisses. Healy travaillait dur pour étendre ses
relations sans principe avec la bureaucratie syndicale et certaines sections du
Parti travailliste.
Il lui sembla qu’un projet réformiste destiné à détourner les jeunes de la
lutte révolutionnaire était une occasion à ne pas manquer pour obtenir le
soutien de la bureaucratie syndicale. L’idée d’un projet de formation des jeunes
avait germé dans son esprit depuis que, lors d’une tournée en Irak, on l’avait
emmené visiter des centres de jeunesse contrôlés par l’Etat. C’est armé de ce
qu’il avait perçu du « socialisme » irakien, qu’il entreprit de liquider les
Jeunes Socialistes dans un projet qu’il chérissait par-dessus tout, les
« centres de formation de jeunes » (Youth Training) et qui prit de la vitesse
après les émeutes du printemps et de l’été 1981.
La raison officielle du projet était que les jeunes au chômage représentaient
un danger pour le mouvement ouvrier. C’est pour cette raison que les Jeunes
Socialistes entreprendraient de donner chaque semaine quelques rudiments de
formation professionnelle à des jeunes au cours d’un programme minimum de
formation. Healy déclarait que les Jeunes Socialistes donnaient l’exemple pour
tout le mouvement syndical. C’est-à-dire qu’il proposait que la charge et le
coût de la formation élémentaire des jeunes soient supportés par le mouvement
ouvrier avec, cela s’entend, un peu d’aide philanthropique de la part du
patronat et de divers libéraux bien intentionnés.
Les bureaucrates syndicaux étaient, bien sûr, aux anges d’entendre que Healy
ne passait plus son temps à mobiliser les jeunes contre eux et les réformistes
du Parti travailliste. Ils étaient heureux de pouvoir fournir, qui un peu
d’argent, qui des vieilles pièces de machines usagées, qui des restes
d’ordinateurs de la première génération, des tableaux de distribution
inutilisés, des sèche-cheveux pour d’éventuelles esthéticiennes, de la laine en
bobines pour d’éventuels tailleurs, des bougies usagées pour une future
génération de mécaniciens et de vieux gants de boxe pour mi-lourds prometteurs.
La fourniture de ce dernier équipement produisit une certaine angoisse dans la
direction du WRP après que Vanessa Redgrave eût suggéré que des matchs de boxe
dans les locaux de Youth Training risquaient d’effaroucher les libéraux
pacifistes et autres amis des bêtes et priver le projet de leurs éventuelles
contributions. On renonça par conséquent aux leçons de karaté et de boxe et on
tenta de compenser la perte de participants que cela entraîna, par des cours
d’espagnol et de théâtre anglais mais sans le succès escompté. Les jeunes
semblaient plus intéressés à maîtriser les arts martiaux pour répéter le
prochain round contre les policiers de Brixton qu’à se préparer à passer des
vacances sur la Costa del Sol ou à assister à des représentations à l’Old Vic.
Les nobles efforts de la direction du WRP pour insuffler les bienfaits de la
culture à la jeunesse mal léchée des grandes villes lui firent définitivement
abandonner le Programme de Transition. Le contenu politique du projet de
formation était tout à fait réactionnaire et visait à détourner les jeunes de la
lutte contre le capitalisme et ses laquais dans la bureaucratie ouvrière.
Trotsky faisait avant tout porter l’entière responsabilité du chômage au
système capitaliste. Proposer que la classe ouvrière et ses organisations
supportent le coût du chômage veut dire prendre pour argent comptant les
assurances du patronat et de l’Etat capitaliste qu’ils sont en faillite et ne
peuvent pas fournir d’emplois ni de formation. Dans sa motion sur la jeunesse,
adoptée à sa conférence de fondation en 1938, la Quatrième Internationale
déclara :
« Dans la lutte contre le chômage, les mots d’ordre : Prolongation
de la scolarité, organisation de l’apprentissage, ne peuvent avoir de
sens que dans la mesure où on en fait supporter le poids, non à la classe
ouvrière, mais aux gros capitalistes. Les bolcheviques-léninistes se doivent
donc de formuler ainsi les revendications de la jeunesse ouvrière dans ce
domaine comme suit :
« Prolongation de la scolarité jusqu’à seize ans, avec une indemnité pour
charge de famille aux ouvriers et aux petits paysans.
« Réorganisation de l’école en liaison avec l’usine : l’école doit
préparer les enfants à la vie et au travail : elle doit souder la jeunesse
ouvrière aux générations aînées, d’où la revendication du contrôle des
organisations ouvrières sur l’enseignement technique.
« Réduction du temps d’apprentissage à un maximum de deux ans.
« Interdiction de tous travaux étrangers à l’apprentissage.
« Création aux frais du patronat à côté de chaque entreprise ou groupe
d’entreprises industrielles, minières, commerciales, d’écoles
d'apprentissage, avec un effectif d’au moins trois pour cent du personnel
employé dans l’entreprise ou le groupe d’entreprises.
« Désignation des instructeurs par les syndicats ouvriers.
« Contrôle des écoles par une commission mixte de délégués ouvriers et de
délégués des apprentis eux-mêmes » (traduit de Documents of the Fourth
International, Pathfinder, pp. 279-280).
Alors que Trotsky développa des revendications de transition pour mobiliser
la jeunesse aux côtés de la classe ouvrière contre le capitalisme, Healy
proposait, lui, la démobilisation réformiste de la jeunesse et son alignement
sur les exigences du capitalisme et de la bureaucratie travailliste.
Le projet concernant les « centres de formation de jeunes » n’était pas
seulement indéfendable du point de vue du trotskysme, il reposait sur des
conceptions théoriques totalement anti-marxistes. Healy avait développé l’idée
qu’on ne pouvait pas gagner les jeunes pour la lutte révolutionnaire tant qu’ils
étaient au chômage (un point de vue qu’il avait acquis grâce à une totale
incompréhension de certains passages des Manuscrits économiques et
philosophiques de 1844 de Marx). Il faisait dépendre l’organisation
révolutionnaire de la jeunesse du plein emploi, une étrange variante de la
théorie de la révolution en deux étapes – où la première, si elle venait à
s’achever, rendrait la deuxième impossible.
A la fin de 1982, le WRP publia une déclaration intitulée : « Six raisons
pour joindre les rangs du WRP » à laquelle on aurait mieux fait de donner le
titre: « Six raisons pour lesquelles le WRP est une organisation centriste. »
Dans sa troisième raison, le WRP annonçait fièrement que son mouvement de
jeunesse s’efforçait à décourager les jeunes de s’occuper de politique :
« Le Workers Revolutionary Party emploie plus d’un tiers de ses moyens
financiers à développer son organisation de jeunesse, les Jeunes Socialistes.
Nous soutenons les objectifs non politiques du mouvement Youth Training
qui est soutenu par les Jeunes Socialistes et qui donne une formation à des
jeunes quittant l’école et à des jeunes chômeurs qui, sans cela, seraient forcés
de participer aux projets gouvernementaux de travail à bon marché (YOP schemes).
« Nous pensons que des jeunes sans travail, sans formation et qui sont hors
du mouvement syndical, sont coupés du reste de la classe ouvrière et ne
peuvent pas se développer en tant que participants conscients à la vie
politique. Nous considérons par conséquent la tâche d’apprendre un métier, comme
étant au-dessus de la politique. » (caractères gras ajoutés)
Même la plume du ministre conservateur de la formation professionnelle
n’aurait pas pu rédiger répudiation plus complète de la lutte révolutionnaire.
Comme dans tout projet cher à Healy, il était question, derrière l’étalage de
bel altruisme, d’avantages en monnaie sonnante et trébuchante. Bill Sirs,
l’homme qui aida les Tories à jeter à la rue des dizaines de milliers de
sidérurgistes, était un des supporters enthousiastes des Youth Training et
assista à l’inauguration d’un de ces centres. Dans ses tentatives d’établir des
relations amicales avec la bureaucratie, le WRP mettait une sourdine à ses
critiques vis-à-vis de ces traîtres professionnels. C’est pourquoi, la raison
numéro quatre pour adhérer au WRP se limitait à ce qui suit en ce qui concerne
la politique du WRP dans les syndicats :
« Tous les membres du WRP doivent être membres du syndicat dont ils
dépendent. Le parti soutien le TUC dans sa décision d’organiser des ouvriers et
des jeunes au chômage dans le syndicat dont ils dépendent, comme s’ils avaient
un travail.
« Toutefois, mener une campagne pour réaliser cet objectif, c’est autre
chose. Le TUC ne le fait pas et tous les efforts possibles doivent être
entrepris pour l’y forcer. »
Dans cette déclaration publique, qui prétend gagner les travailleurs à une
politique révolutionnaire, il n’y avait pas la moindre référence à la trahison
historique du TUC et à sa collaboration permanente avec le gouvernement
conservateur ! Voilà que le WRP se mettait à concurrencer les staliniens dans
leur soumission servile à la bureaucratie.
Le WRP prenait vis-à-vis de ces derniers un ton de voix singulièrement
assourdi. Dans la raison numéro un, le WRP décrivait son attitude à l'égard des
criminels staliniens du Kremlin en ces termes : « Le WRP a des divergences
politiques fondamentales avec les dirigeants bureaucratiques du Parti communiste
soviétique à propos de l'orientation nationaliste du ‘ Socialisme dans un seul
pays’ . » Voilà que le « fleuve de sang » qui sépare le trotskysme du
stalinisme, se réduisait à des « divergences politiques».
La déclaration poursuivait en décrivant « la coexistence pacifique » et « la
voie pacifique au socialisme » comme une « politique qui menace les acquis de
la classe ouvrière internationale et qui, si elle n'est pas révisée et modifiée,
conduira à des défaites catastrophiques pour la classe ouvrière. »
Comme si la politique du stalinisme n’avait pas déjà conduit à des
défaites catastrophiques et comme s’il existait encore la moindre possibilité
que cette politique, qui exprime les intérêts les plus vitaux de l’impérialisme
et qui s’appuie socialement sur une bureaucratie parasitaire et
contre-révolutionnaire, pouvait être « révisée ».
34. Le WRP défend le stalinisme
Le ton bienveillant des références au stalinisme dans les Six raisons
était aussi peu le fruit du hasard que les autres formulations opportunistes que
nous avons examinées jusqu’ici. Healy était en train d’établir et d’entretenir
des rapports avec les staliniens sans en avoir discuté auparavant avec le WRP et
encore moins avec le Comité international. Le Comité international ne dispose
pas encore de tous les faits concernant cette question, mais désire attirer
l’attention sur les points suivants :
1. En 1980, l’Union soviétique permit au reporter du News Line, Paul
Feldman, d’assister aux jeux olympiques de Moscou où il fut reçu le plus
chaleureusement du monde – un événement sans précédent dans l’histoire du Comité
International.
2. La bureaucratie soviétique accorda à New Park Publications les droits pour
l’édition anglaise du livre de E. V. Ilyenkov, La dialectique de Lénine et la
métaphysique du positivisme. Un membre de la Workers League (USA) eût la
tâche de traduire ce livre, mais les trotskystes américains furent laissés dans
l’ignorance la plus complète quant aux termes de l’accord contracté par le WRP.
3. En 1982, la Workers League publia dans son journal Bulletin une
analyse détaillée de la crise de l’économie soviétique. C’était une réponse à la
tentative des pablistes américains de glorifier l’industrie nationalisée. Cet
article ne fut jamais publié par le WRP. La seule explication donnée pour cette
censure fut que l’article était écrit « de façon tendancieuse ». L’agence de
presse soviétique Novosti fut, elle, traitée de tout autre façon : le News
Line venait juste à cette époque de publier, sans aucun commentaire
critique, un de ses articles, où l’on faisait l’éloge des conditions existant
dans l’industrie sidérurgique soviétique.
4. Ce n’est qu’occasionnellement que parurent des articles sur le mouvement
Solidarité en Pologne et ceux-ci restèrent politiquement superficiels. Le
News Line ne produisit pas une seule analyse des documents programmatiques
des nombreux mouvements se trouvant à la gauche de Walesa. Seule une série
d’articles – à caractère journalistique et dépourvus de toute analyse – fut
préparée, basée sur un voyage en Pologne de la femme d’un des membres du parti,
en visite dans sa famille. Alors que le News Line était en mesure
d’organiser un voyage à Moscou pour les Jeux olympiques, rien ne fut entrepris
pour obtenir l’autorisation d’un voyage à Varsovie. La plus importante
confirmation de la conception de la révolution politique de Trotsky fut
complètement ignorée du point de vue théorique. Ce n’est qu’en 1983 – près de
deux ans après la répression contre Solidarité – que le WRP décida qu’il était
temps d’en faire une grande affaire : en montant un énorme scandale de presse
aux dépens d’Arthur Scargill, pendant la conférence de presse du TUC à
Blackpool.
Tous ces événements révèlent pour le moins et à condition qu’ils ne cachent
rien d’autre, un affaiblissement constant de la ligne politique du Workers
Revolutionary Party vis-à-vis du stalinisme.
Cependant, la réaction du WRP à la crise qui éclata à l’intérieur du Parti
communiste britannique en juin 1983, lorsque la rédaction du Morning Star
prit le contrôle de ce journal, ne permet pas d’autre conclusion que
celle-ci : on trahissait les principes du trotskysme au profit de quelques
manoeuvres en coulisse dont personne au sein du WRP, hormis la clique du Comité
politique et quelques laquais de Healy dans l’appareil, était au courant.
Le News Line monta, en réponse à la décision de la People's Press
Printing Society (PPPS) – contrôlée par ceux qui, chez les staliniens, portaient
le nom de fraction « Tankie » – de prendre le contrôle du Morning Star et
d’ignorer des instructions des bureaucrates du PCGB, une campagne qui reste sans
exemple dans le mouvement trotskyste, pour mobiliser du soutien dans le
mouvement ouvrier pour le dirigeant euro-stalinien du PC McLennan et ses
acolytes.
« Le ‘ Morning Star ’ est le quotidien du Parti communiste »,
hurlait le WRP en tête d’une de ses déclarations (sans préciser quel comité
l’avait produite), publiée le 6 juin 1983 dans le News Line. La
déclaration disait :
« Le Parti communiste a tous les droits de prendre des décisions politiques
et d’insister pour que ses membres dans la PPPS et la rédaction du Morning Star
les appliquent. Cela vaut aussi pour le directeur de publication de journal,
Tony Chater, le codirecteur de publication David Whitfield et la secrétaire de
la PPPS, Mary Rosser...
« Toutes les questions concernant la politique et la gestion du ‘ Star ’
sont des questions concernant le Parti communiste. Le comité qui gère la PPPS
est subordonné au Parti communiste et non l’inverse. »
Sans aucun examen de la ligne politique des fractions en lutte dans le Parti
communiste, le News Line soutenait inconditionnellement le « droit » des
chefs staliniens de réaffirmer leur contrôle sur le Morning Star. On ne
fournit pas non plus la moindre raison pour expliquer pourquoi le mouvement
trotskyste devait soutenir l’une ou l'autre des fractions staliniennes en lutte.
Rien ne prouvait que la prise de contrôle de la PPPS sur le Morning Star
avait pour origine une attaque de l’Etat et rien n’indiquait non plus que l’une
ou l’autre fraction exprimait, ne serait-ce que d’une façon déformée, les
intérêts de la classe ouvrière. Il s’agissait de toute évidence d’une bagarre
entre brigands concernant des alliances faites par les divers dirigeants du CPGB
avec diverses sections de la bureaucratie travailliste et syndicale. Si la
fraction de McLennan représentait quelque chose, c’était bien l’aile la plus à
droite du Parti communiste, celle qui flirtait avec les Tories et l’Alliance
social-démocrate. De ce point de vue on aurait pu trouver des raisons – même
insensées – pour soutenir Chater. Il est donc très difficile de comprendre les
objectifs de Healy et Mitchell en juin 1983. Mike Banda les connaissait
peut-être, lui, mais il n’en a rien dit à personne.
Le numéro du News Line daté du 8 juin 1983 offrait les bons offices du
WRP à la direction du CPGB et publiait in extenso une déclaration de son Comité
politique, qui répétait la version euro-stalinienne de l’affaire. Dans un
supplément d’article, le News Line avertissait que si la PPPS réussissait
à prendre le contrôle du Morning Star, « cela reviendrait à un coup politique
monté contre le Parti communiste » et insistait à nouveau sur le fait que
« Le Parti communiste avait le droit de publier son propre quotidien. »
Comme les membres du WRP se demandaient ce que tout cela pouvait bien vouloir
dire et que toute cette scabreuse affaire commençait à sentir diablement
mauvais, Healy sortit de son chapeau une explication toute en profondeur pour
ces dernières manoeuvres : « A en juger d’après les derniers événements le PC
va avoir des difficultés à publier ses déclarations politiques et ses
opinions. » (News Line du 15 juin 1983)
Ainsi, la tâche la plus importante des trotskystes britanniques était
d’épargner au mouvement ouvrier cette terrible perte ! On donnait une raison
supplémentaire et plus profonde encore à cette défense de la direction du CPGB.
« La nouvelle ligne politique [du ‘ Morning Star ‘] signifie la
liquidation du lien historique avec le parti et l’orientation vers la
bureaucratie syndicale et le Parti travailliste. » (Ibid.)
Mais vers qui donc les staliniens s’étaient-ils orientés avant le « coup
monté » de Chater ? Healy avait peut-être oublié l’acceptation officielle de la
voie parlementaire au socialisme par le PC en 1951 ? Ou bien son soutien
enthousiaste à Churchill pendant la deuxième guerre mondiale ? Ou encore ses
applaudissements à l’assassinat de Trotsky en 1940 ?
Puis, Healy donna à la fraction de McLennan un conseil d’ami : « La
direction du parti doit prendre la responsabilité de convoquer un congrès
extraordinaire pour discuter la saisie du ‘ Morning Star ‘ par
Chater. Il doit formuler une politique qui doit paraître dans le ‘ Star ‘.
« Le congrès doit aussi convoquer une réunion extraordinaire de la PPPS,
ralliant les actionnaires pour expulser Chater et Cie et tous ceux qui rompent
la discipline du parti et veulent le diviser.
« La question politique de principe garde toute sa valeur, malgré notre
opposition bien connue au stalinisme : le ‘ Morning Star ‘ est le
quotidien du PC et doit le rester. » (Ibid.)
Healy n’a pas dit aux membres du WRP s’il fallait inscrire ce tout nouveau
principe – à savoir que les trotskystes devaient défendre les organisations
staliniennes sans condition face aux conséquences de scission dans leurs rangs
et lutter pour le maintien de leur discipline bureaucratique – dans le
Programme de Transition ou s’il fallait au moins l’y ajouter sous forme de
résolution spéciale.
L’inquiétude soulevée par le sort du Morning Star continuait à grandir
dans le bureau de Healy et à la rédaction du News Line. Un éditorial paru
le lendemain lançait des plaintes amères :
« Le plan Chater-Rosser n’a jamais été présenté au Parti communiste pour y
être examiné et discuté. Sa conception originale vient d’une poignée de gens au
comité de gestion de la PPPS.
« Le sort du Morning Star doit, autrement dit, être décidé par une infime
minorité, qui ne s’est jamais donné la peine de demander l’avis de la direction
ou des membres du parti. »
Que tout cela était donc nouveau dans le Parti communiste ! Plus de
cinquante-cinq ans après que Trotsky ait été exclu de l’Internationale
Communiste – et cela représentait l'usurpation du pouvoir politique de la classe
ouvrière soviétique par la bureaucratie thermidorienne – et cinquante ans après
la complète transformation des partis staliniens en instruments de la
contre-révolution, Healy, qui fut lui-même une victime de la « démocratie
interne » des staliniens, se lamentait de ce que Chater traitait McLennan avec
aussi peu de scrupules que ce dernier avait agi avec d’autres pendant des
années.
Puis vint une injonction de Healy au Comité politique d’écrire une lettre
ouverte aux membres du Parti communiste, qui parut le 24 juin 1983 dans le
News Line. Le début de la lettre était dramatique : « Votre quotidien,
le’ Morning Star ’ a été victime d’un coup politique réussi. Il n’est plus
désormais sous le contrôle du Parti communiste de Grande-Bretagne ou de son
congrès. »
Cet événement, affirmait la lettre, « ne signifie pas seulement une
répudiation du Parti communiste mais aussi celle des fondements historiques sur
lesquels il a été créé, c’est-à-dire la défense des grands acquis de la
Révolution d’Octobre de 1917 sous la direction de Lénine et de Trotsky et
l’établissement du premier Etat ouvrier de l’histoire. »
Pour commencer, prétendre que le CPGB reposait sur les fondations historiques
de 1917 était un pur sophisme. La transformation historique du stalinisme en une
agence de l’impérialisme dans le mouvement ouvrier a rompu tous les liens avec
la Révolution de 1917. Selon la logique de Healy, la Quatrième Internationale
pourrait tout aussi bien défendre le KGB parce qu’il avait ses origines
historiques dans la Tchéka. Si, sur la base d'une espèce de métaphysique
organisationnelle, soutenir une des fractions du Parti communiste britannique
devenait correct, alors la porte était grande ouverte pour que la Quatrième
Internationale s’érige en gardien des groupes staliniens dominants dans le monde
entier, de l’URSS jusqu’à l’Afghanistan.
Cette déclaration était extraordinaire pour une autre raison : elle revenait
à un accord complet avec la théorie stalinienne des partis communistes. L’idée
que le CPGB avait été fondé pour défendre l’Union soviétique vient de Staline et
de Harry Pollitt, pas de Lénine et de Trotsky. La conception selon laquelle les
sections du Comintern étaient là pour défendre l’URSS était la corollaire
politique de la théorie du « socialisme dans un seul pays. » Si l’on considère
que le rôle central des partis communistes est de défendre « les grandes
conquêtes de la révolution russe de 1917 » – et non pas l’extension de la
révolution socialiste mondiale – la suite logique en est que ces partis doivent
servir de forces d’appoint à l’Etat soviétique et à sa politique extérieure.
Comme l’écrit Trotsky en se référant à la théorie de Staline : « La
nouvelle doctrine dit : le socialisme peut être construit sur la base d’un Etat
national, s’il n’y a pas d’intervention. De là peut et doit
découler en dépit de toutes les déclarations solennelles du projet de programme
une politique de collaboration avec la bourgeoisie de l’extérieur. Le but est
d’éviter l’intervention : en effet, la construction du socialisme étant ainsi
assurée, la question historique fondamentale sera résolue. La tâche des partis
de l’Internationale Communiste prend alors un caractère secondaire : protéger
l’URSS des interventions et non pas lutter pour la conquête du pouvoir. Il ne
s’agit pas, certes, d’intentions subjectives mais d’une logique objective de la
pensée politique. » (Léon Trotsky, L’Internationale Communiste après
Lénine, PUF, tome 1, p. 155)
Pour les trotskystes, la défense de l’Union soviétique est une question
tactique subordonnée à la stratégie de l’extension de la révolution socialiste
mondiale.
L’erreur grossière de Healy, qui ne fut ni attaquée ni corrigée dans le
Comité politique, était liée à une méthode de travail selon laquelle les
principes n’étaient ni discutés, ni même pris en considération. Tout ce que le
WRP entreprenait l’était en fonction de considérations tactiques immédiates. En
ce sens, Healy glissait en surface de la politique – il réagissait aux
événements tels qu’ils se produisaient, déterminant une ligne politique selon la
maxime « Est bon ce qui rapporte vite. » Une telle méthode de travail est
inséparablement liée à des manoeuvres sordides et aux pires formes de la
sournoiserie politique. Une tactique élaborée sur la base de succès immédiats
met invariablement le parti au service de forces de classe hostiles. En excluant
pour l’instant la possibilité qu’il y ait eu une autre raison à la défense de la
fraction de McLennan, Healy employait dans ce cas une méthode procédant de
l’opportunisme tactique, visant à obtenir l’attention du plus grand nombre
possible de membres du Parti communiste. Mais le contenu politique de la ligne
prise déterminait le type d’oreilles auxquelles le WRP allait s’adresser.
Dans ce cas, la politique du News Line n’avait pas en vue l’éducation
des membres du WRP, des ouvriers politiquement avancés et des quelques éléments
sains pouvant encore se trouver dans les rangs de chacune des fractions du parti
stalinien. Sa ligne visait plutôt à obtenir les faveurs d’un des groupes
dégénérés de bureaucrates syndicaux du type McGahey qui, pour des raisons qui
leur étaient propres, soutenaient McLennan. Ce type d’intervention pouvait
gagner quelques amis de plus à Healy mais ne contribuait en rien au
développement de la lutte contre le stalinisme au sein du mouvement ouvrier
britannique, ni ne permettait de gagner de nouvelles forces au trotskysme.
Quatre ans seulement après avoir accordé au régime baassiste irakien le droit
d’exécuter des membres du parti stalinien dans ce pays, le WRP en était arrivé,
par opportunisme tactique, à essayer de mobiliser du soutien dans le mouvement
ouvrier pour un « droit » de la bureaucratie du CPGB à publier le Morning
Star !