WSWS :
Histoire et
culture
Comment le Workers Revolutionary Party a trahi le trotskysme
1973-1985
Déclaration du Comité international de la Quatrième Internationale
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Deuxième partie: La trahison de la Révolution Permanente
24. Comment Healy fit la cour aux Baassistes
25. Le début de la guerre Iran-Irak
26. Mission pour Savas Michael
24. Comment Healy fit la cour aux Baassistes
Healy, Banda et Slaughter portent la responsabilité politique de la mort de
centaines de milliers d’ouvriers, de paysans et de jeunes massacrés lors de
l’invasion irakienne de l’Iran en 1980 et à la prolongation réactionnaire de
cette guerre par la République islamique bourgeoise bien que la défense de son
territoire eût été assurée.
Comme nous l’avons déjà documenté, le WRP fournit un soutien sans principe
aux Basssistes de droite, allant jusqu’à approuver l’assassinat de militants du
Parti communiste pendant l’hiver 1978-1979. Les liens entre Healy et les
Baassistes irakiens se sont resserrés après que Saddam Hussein eût renversé et
assassiné le président de longue date, Al-Bakr, en juillet 1979 et effectué une
purge impitoyable de tous ses éventuels opposants politiques dans la direction
du Parti Baath. Parmi les assassinés, on pouvait compter Talib Suwailh, un
membre de l’exécutif du bureau central de la fédération des syndicats de l’Irak,
qui, quelques semaines seulement avant son exécution sur la base d’accusations
mensongères était assis à la même tribune que Healy lors de la conférence de la
« All Trades Unions Alliance » (l’aile syndicale du WRP) le premier juillet 1979
et avait personnellement salué les délégués. La purge sanglante qui suivit fut à
peine mentionnée par le News Line et la direction de Healy ne protesta
pas contre la mort de Suwailh qu’elle ne mentionna même pas.
Au lieu de cela, après que les bourreaux aient effectué leur travail
sanglant, le News Line du 10 août 1979 a rapporté avec enthousiasme la
marche organisée par les gangsters de Saddam Hussein dans les rues de Bagdad
pour se vanter de la mort de leurs opposants. Ce numéro du journal a approuvé
les exécutions et a accepté l’affirmation de Hussein que les 55 condamnés
étaient des « traîtres » en publiant les fausses assurances de ce dernier qui
déclarait que sa dictature « combattra partout l’oppression, soutiendra
partout le droit et partout les pauvres [et] luttera partout contre
l’exploitation. »
Il était évident que le bouleversement politique à l’intérieur du Parti Baath
faisait partie de la réaction qui eût lieu au sein de la bourgeoisie irakienne
contre la révolution iranienne et que le coup monté par Hussein était le signe
d’une orientation vers des rapports plus étroits avec l’impérialisme américain
ainsi que vers la préparation d’un conflit militaire avec l’Iran. La direction
de Healy a cependant refusé de faire une analyse sérieuse de ce qui se passait
en Irak. Au contraire, elle a intensifié son adulation obscène de la dictature
bonapartiste de Hussein.
Les mois suivants, de nombreux articles ont été publiés qui n’étaient rien
d’autre que de la publicité pour le compte du régime irakien. Le contenu
politique de l’orientation exprimée dans ces articles était une capitulation
complète devant la bourgeoisie irakienne. En Grande-Bretagne, le résultat de
tels articles ne pouvait être que l’affaiblissement de la conscience politique
des membres du parti et des ouvriers avancés, en les conditionnant
insidieusement pour de futures capitulations politiques dans leur propre pays.
L’incessante glorification des Fronts populaires au Moyen-Orient ne pouvait que
contribuer à obscurcir les frontières de classe à l’échelle internationale –
facilitant par là même les relations sans principe que Healy était déjà en train
de nouer en Grande-Bretagne avec les bureaucrates syndicaux et les centristes du
Labour Party.
Une formidable éducation déformée et faussée des ouvriers et de la jeunesse,
membres du parti, et la désorientation du Comité international à l’intérieur
duquel le WRP exerçait une influence excessive, étaient déjà en bonne voie. Le
capital théorique du mouvement trotskyste, accumulé au cours de six décennies de
lutte contre le stalinisme et le révisionnisme, était systématiquement pillé par
Healy et ses complices du comité politique du WRP et de la rédaction du News
Line.
Dans un article du 25 juin 1980, intitulé « l’Irak va aux urnes » et
écrit par le commis voyageur de Healy à Bagdad, Alex Mitchell, on chanta les
louanges d’un plébiscite frauduleux monté de toutes pièces par Hussein pour
légitimer son régime sanglant. Même en torturant son imagination à l’extrême on
ne pourrait ni considérer l’article de Mitchell comme un écrit politiquement
cultivé ni y voir une analyse marxiste. Non pas que l’on eut pu traiter Mitchell
d’ignare, il exécutait plutôt une politique bien déterminée, élaborée par Healy
et Banda sur la base de la résolution du Quatrième congrès, qui avait sanctifié
la domination du mouvement anti-impérialiste et national par la bourgeoisie.
L’application de cette politique en ce qui concerne l’Irak signifiait la
flagornerie politique vis-à-vis de l’Etat bonapartiste. Plaisantant sur
l’impuissance politique de l’Assemblée nationale – c’est-à-dire sur l’absence de
toute forme crédible des droits démocratiques pour la classe ouvrière – Mitchell
a cité ainsi en l’approuvant un des représentants baassistes « Nous ne voulons
pas de forum de discussion ».
Faisant sienne la prémisse réactionnaire du droit des Baassistes à la
direction de la nation irakienne, Mitchell fit la remarque suivante: « Ce qui
frappe le plus chez les gens qui s'attroupaient devant le bureau de vote, c'est
la diversité des couches sociales et des classes qu’ils représentent. »
A peu près la moitié de l’article était consacrée à tenter de ridiculiser un
journaliste communiste de l’Inde qui avait suggéré que les Baassistes auraient
employé la force pour obtenir un succès électoral assurant la confirmation du
régime baassiste. Mitchell s’est opposé, à grand renfort de sarcasmes, au
comportement de journalistes indiens et sri lankais qui « se sont lançés dans
un interrogatoire épouvantable des officiels supervisant le scrutin... Des
officiels harassés ont passé plus de 90 minutes à donner des réponses détaillées
à toutes les questions, mais les super-démocrates et moralistes électoralistes
n’étaient toujours pas convaincus. » Ces lignes démontrent le profond mépris
de Mitchell à l’égard des droits démocratiques de la classe ouvrière et des
masses opprimées.
25. Le début de la guerre Iran-Irak
Au cours des mois précédant le début des hostilités en septembre 1980, le WRP
intensifia sa campagne de glorification du régime baassiste. Le 28 juillet 1980,
le Comité politique vota un projet de résolution qui déclarait: « Le WRP
salue le gouvernement irakien dirigé par le président Saddam Hussein et s’engage
à fournir un maximum d’assistance à sa politique radicale et dynamique. En
distribuant la terre aux paysans, en donnant l’autonomie aux Kurdes, en
éliminant l’analphabétisme, en augmentant le revenu par tête d’habitant, en
mettant un terme à la domination des monopoles pétroliers étrangers, le Parti
socialiste arabe Baath a fait avancer la révolution arabe et a créé des bases
pour une coopération avec un futur régime socialiste révolutionnaire [ ! ]
en Grande-Bretagne. »
Sur la base de cette résolution, Healy passa commande d’une série de six
articles publiés en août, qui décrivaient en détail, selon l’introduction qu’en
faisait le News Line « le développement économique et social, la vie
culturelle – de l’art à l’archéologie – le nouveau rôle de la jeunesse et la
lutte politique du Parti socialiste arabe Baath et du président irakien Saddam
Hussein pour utiliser toutes les richesses naturelles du pays afin d’améliorer
tous les aspects de la vie du peuple irakien. » (9 août 1980)
Six semaines plus tard, Hussein et les Baassistes ont utilisé les richesses
nationales pour plonger le peuple irakien dans une guerre sanglante contre
l’Iran.
La toile de fond historique de la guerre Iran-Irak est une rivalité
territoriale qui date depuis plusieurs siècles et qui a été exacerbée par la
domination impérialiste qui a succédé à l’éclatement de l’ancien empire ottoman.
Depuis les années 1930, des conflits frontaliers ont éclaté à plusieurs
reprises. Ceux-ci se sont toujours soldés par des arrangements imposés par les
impérialistes, ce qui ne faisait que préparer les germes de nouveaux conflits.
Au coeur de ce long conflit frontalier il y a la question de la souveraineté sur
le Chatt al-Arab, la voie fluviale formée par la convergence du Tigre, de
l’Euphrate et du Karun, là où ces fleuves se jettent dans le golfe Persique. Les
gouvernements irakiens ont toujours insisté sur le fait que l’Irak devrait
bénéficier d’une souveraineté sur le Chatt al-Arab – en contradiction avec le
principe de « Thalweg », selon lequel la frontière est fixée au point médian de
la voie fluviale – du fait que cette voie est le seul débouché maritime de
l’Irak vers la mer.
En 1975, le régime du chah d’Iran – avec le soutien des Etats-Unis – arracha
d’importantes concessions, dont la reconnaissance du principe de « Thalweg »,
après avoir frôlé la guerre ouverte avec l’Irak. Lorsque Saddam Hussein annonça,
le 17 septembre 1980, qu’il allait abroger le traité d’Alger signé cinq ans plus
tôt, il pouvait argumenter, avec un certain degré de justification historique,
que le traité de 1975 avait été imposé à l’Irak par l’impérialisme. Mais en
cela, il se faisait seulement l’écho des plaintes du gouvernement de Téhéran au
sujet de tous les autres traités supposés « résoudre » le conflit frontalier
entre l’Irak et l’Iran.
En tout état de cause, quelle que soit la légitimité des prétentions
irakiennes à la souveraineté sur le Chatt al-Arab, il s’agissait manifestement
d’un écran de fumée destiné à cacher une tentative de faire main basse sur une
portion du territoire iranien. Quelques heures seulement après le début du
conflit, les troupes irakiennes avaient déjà pénétré profondément dans le
territoire iranien, bien au-delà de toutes les régions revendiquées
traditionnellement par l’Irak.
Le choix par l’Irak du moment de l’invasion est d’une grande importance pour
en démontrer le caractère de classe. En attaquant l’Iran en pleine « crise des
otages », le régime baassiste était manifestement à la recherche du soutien de
l’impérialisme américain et des régimes réactionnaires de l’Arabie Saoudite et
des autres pays du Golfe, qui depuis le renversement des Pahlavi, se trouvaient
tous paralysés par la peur. Hussein vendait au plus offrant la puissance
militaire irakienne, qui avait été construite pour contrer l’agression
israélienne.
La guerre représentait la continuité – ou plus exactement le sommet – d’une
orientation vers la droite, de la part des Baassistes, systématiquement masquée
par Healy. A partir de 1975, les rapports entre le régime du chah et la famille
royale saoudienne s’amélioraient régulièrement, le commerce avec les Etats-Unis
augmenta considérablement, le PC irakien fit l’objet, avec l’approbation du WRP,
d’une sévère répression et en mars 1980, les Baassistes annoncèrent qu’ils
constituaient un front uni de groupes opposés au gouvernement national bourgeois
pro-soviétique du Yemen du Sud.
Suite aux accords de Camp David signés en 1978, les Baassistes irakiens ont
affirmé que la direction de la révolution arabe était désormais entre leurs
mains. Mais, malgré toutes leurs déclarations tonitruantes sur la « révolution »
assidûment publiées par le News Line, lorsqu’ils se sont trouvés face à
un véritable soulèvement populaire des masses en Iran, les Baassistes furent
pris de panique et ont gravement sous-estimé la puissance de ce soulèvement. A
la grande déception de Saddam Hussein qui avait orchestré le pacte avec le
régime « omnipotent » du chah en 1975, l’Iran après la révolution
anti-impérialiste n’était pas « prêt à être cueilli ».
Le WRP a répondu à l’invasion irakienne de l’Iran, en septembre 1980, par une
faible tentative de mettre ses comptes à jour en dénonçant la guerre et en
appelant à un cessez-le-feu immédiat. Mais il n’est pas possible d’ouvrir et de
fermer l’analyse marxiste comme s’il s’agissait d’un robinet de cuisine et la
déclaration du Comité politique, datée du 24 septembre 1980 était criblée de
contradictions qui reflétaient la ligne traître que le WRP avait poursuivie
jusqu’à la veille de la déclaration de la guerre.
L’analyse faite par le WRP de la guerre et des conclusions politiques qui en
découlaient étaient dictées par sa foi dans le rôle historique progressiste du
nationalisme baassiste et dans sa capacité à diriger la lutte anti-impérialiste.
C’est pourquoi, le WRP a traité la guerre comme si celle-ci était une
aberration, une diversion temporaire de la logique progressiste du nationalisme
baassiste, plutôt qu’une expression inévitable du caractère réactionnaire du
nationalisme bourgeois irakien, de son sinistre chauvinisme anti-persan, de sa
dépendance, en dernière analyse, de l’impérialisme et de son incapacité à
formuler un programme valable pour l’unité des masses du Moyen-Orient et de l’Asie-Mineure.
Tandis que les Baassistes menaient une politique qui servait directement les
intérêts de l’impérialisme américain, de la bureaucratie stalinienne et du
sionisme, le Comité politique du WRP déclarait que « le Parti socialiste
arabe Baath est, en dernière analyse, ce qui menace véritablement leurs
intrigues et leurs intérêts au Moyen-Orient. Il a démontré à plusieurs reprises
qu’il n’est pas soumis à ces forces réactionnaires. » (traduit de
Documents of the Fifth Annual Congress, p. 20)
La référence faite aux Baassistes comme étant une véritable menace de
l’impérialisme « à long terme », démontre que la classe ouvrière
du Moyen-Orient et, pour ainsi dire, de tous les pays arriérés et
semi-coloniaux, ne rentrait plus dans les calculs politiques de la direction du
Workers Revolutionary Party. Cet aveuglement en ce qui concerne l’existence même
du prolétariat – sans même parler de son rôle révolutionnaire – a débouché sur
une capitulation honteuse devant les régimes bourgeois et sur une perspective
absolument sans espoir à l’égard des luttes de libération nationale. Ainsi,
plutôt que de faire appel à la classe ouvrière pour qu’elle renverse les
Baassistes irakiens et prenne sa véritable place dans la lutte
anti-impérialiste, Healy et Banda ont rampé devant les Baassistes, en priant
Saddam Hussein d’arrêter la guerre, de crainte que l’OLP ne soit privée d'un
régime bourgeois pour parrainer la lutte contre le sionisme.
La faillite de cette dépendance vis-à-vis du régime bourgeois s’exprima
ainsi : « Tandis que la guerre Iran-Irak se déroule, la vraie menace pèse sur
la révolution palestinienne au Sud-Liban. L’OLP est soudain dangereusement
assiégée. Elle a non seulement perdu le soutien immédiat de l’Irak et de l’Iran,
mais elle ne peut plus ni compter sur le régime en crise d’Assad en Syrie, ni
sur l’hypocrite roi Hussein de Jordanie. La révolution palestinienne et ses
alliés dans le Mouvement national libanais sont menacés au nord par la CIA et
les phalangistes de P. Gemayel soutenus par les Israéliens et au sud par les
fascistes du major Saad Haddad, et l’armée israélienne. » (Ibid., p. 21)
Plutôt que de déclarer ouvertement que l’OLP avait été trahie par la
bourgeoisie arabe, le WRP se lamentait sur la perte de ce patronage et suggérait
aux Palestiniens qu’il n’existait aucune alternative à cette dépendance
politique. Loin d’insinuer seulement que les Baassistes avaient joué un rôle
traître, le Comité politique mit la responsabilité de la crise qui menaçait
l’OLP « carrément sur le dos de l’impérialisme et des basses manoeuvres de la
bureaucratie soviétique » - comme s’il était possible d’attendre autre chose
de la part de l’impérialisme et du stalinisme. Dans le même style, la
déclaration faisait référence au CIQI comme simple « opposant à ces forces
contre-révolutionnaires. » (Ibid.)
Cette auto-dégradation politique s’exprimait aussi dans cette autre
formulation : « Nous avons des divergences avec les mouvements
révolutionnaires nationaux ou de libération nationale sur la question décisive
du parti révolutionnaire et de la construction du Parti mondial de la Révolution
socialiste. » (Ibid.)
Le sens de cette déclaration, c’était que la construction du parti
révolutionnaire et la lutte pour la révolution mondiale sont des questions
tactiques dont les trotskystes peuvent débattre avec les nationalistes
bourgeois. La manière même dont était présentée cette question niait les bases
matérialistes historiques de la politique du parti du prolétariat. Le WRP
reniait clairement l’appréciation marxiste – basée sur la réalité objective –
que les Baassistes sont les représentants de l’ennemi de classe du prolétariat.
Au contraire, dans une formulation des plus pablistes, on suggérait
l’éventualité d’une convergence politique entre les trotskystes et une des
diverses tendances du nationalisme bourgeois et, sur cette base, de la
construction hybride d’un « Parti mondial de la Révolution socialiste ». (Ibid.)
Cela faisait référence à deux catégories politiques - libération nationale
et mouvements révolutionnaires nationaux - afin d’établir une égalité
approximative entre le caractère politique de l’OLP et celui du Parti socialiste
arabe Baath.
Le Comité politique concluait ainsi : « L’étalon politique contre lequel
toutes les forces au Moyen-Orient se mesurent est la lutte contre l’impérialisme
sioniste. Le WRP peut proclamer fièrement que sur ce plan, il a toujours agi en
restant fidèle aux principes, avec détermination et sans commettre d’erreurs. »
(Ibid., p. 22) Ce paragraphe alliait une erreur théorique de première
grandeur à un mensonge éhonté. La première phrase falsifie la théorie de la
Révolution permanente; la deuxième dépasse les limites de la crédibilité
humaine.
Trotsky a explicitement rejeté le faux « étalon » politique utilisé par le
WRP lorsqu’il écrivait : « Ce qu’il faut considérer, ce n’est pas l’attitude
de chaque bourgeoisie indigène envers l’impérialisme en général mais sa position
face aux tâches historiques révolutionnaires qui sont à l’ordre du jour dans son
pays. » (Léon Trotsky, L’Internationale Communiste après Lénine,
tome 2, PUF, p. 296)
Cinq jours après la publication de la déclaration du Comité politique, une
déclaration supplémentaire, datée du 27 septembre 1980, fut publiée par le
Comité central. Celle-ci n’était pas moins traître et contradictoire que la
précédente. A cette occasion, le WRP est allé jusqu’à appeler les masses
irakiennes à « se mobiliser contre la guerre en arrêtant la main ensanglantée
des instigateurs de guerre et en cherchant l’unité avec les masses iraniennes
dans la lutte contre l’ennemi impérialiste commun. » (Documents,
p. 24)
Mais l’hypocrisie de cet appel était révélée par le fait que le Comité
central évita astucieusement de mentionner les noms des « instigateurs de
guerre ». La « main ensanglantée » ne se rattachait à aucun corps ! Pourtant,
Healy et Banda (les auteurs de ces déclarations) n’ont pas manqué de proférer de
bons conseils à l’adresse de Saddam Hussein : « Le Parti socialiste arabe
Baath a lutté sans cesse contre toute tentative de le subordonner à
l’impérialisme et au stalinisme. Ce faisant, il a gagné l’appui de toutes les
forces révolutionnaires, y compris le Workers Revolutionary Party. Le Parti
Baath doit comprendre que son offensive militaire et ses plans de guerre actuels
représentent une rupture avec cette politique, qu’on ne peut pas les soutenir et
que s’ils continuent, ils aboutiront à une catastrophe pour le Parti socialiste
arabe Baath lui-même. » (Ibid., p. 25)
La déclaration ne se terminait pas sur un appel à l’action révolutionnaire de
la classe ouvrière contre l’impérialisme et ses agents bourgeois nationaux, mais
avec un appel minable à une « conférence de paix entre l’Irak, l’Iran, l’OLP
et tous ceux qui luttent contre les impérialistes et l’ennemi sioniste !» (Ibid.,
p. 27) Cette conférence aurait vraisemblablement inclus une délégation du WRP où
Healy et Banda auraient agi en tant qu’avocats de Saddam Hussein, dans le but
d’aider à la rédaction d’un traité de paix. Le contenu réactionnaire de cette
déclaration consiste en ce que les questions historiques et politiques qui ont
donné naissance à la guerre devaient être résolues avec l’aide du WRP, derrière
le dos de la classe ouvrière et sans l’intervention des masses luttant sous leur
propre drapeau.
A aucun moment le WRP n’a consulté le Comité international lorsqu’il
commença, dans une aimable concurrence avec le ministère britannique des
Affaires étrangères, à formuler sa propre politique étrangère.
Alors que la guerre se prolongeait en 1981 faisant des milliers de morts et
de blessés, Healy persistait toujours dans sa tentative de s’accrocher aux
basques des Baassistes. Ainsi, au Cinquième congrès du Workers Revolutionary
Party, en février de la même année, un manifeste voté à l’unanimité, déclarait :
« Notre opposition à la guerre ne diminue en rien notre soutien au Parti
socialiste arabe Baath en Irak dans la mesure où celui-ci poursuit sa lutte
contre l’impérialisme et le sionisme et continue à soutenir la révolution
palestinienne. » (News Line, le 7 février, 1981)
Healy n’était pas disposé à ce que les cadavres de milliers d’ouvriers et de
paysans en Iran et en Irak puissent le séparer du Parti socialiste arabe Baath.
Allant jusqu’à abandonner la position du WRP du mois de septembre précédent,
Healy ne considérait plus que la prolongation de la guerre fût incompatible avec
la défense de la lutte des Palestiniens contre le sionisme.
De telles formulations erronées ne peuvent être mises sur le compte de
simples erreurs théoriques. C’est là l’oeuvre d’un homme qui s’est directement
vendu, lui et son parti, aux agences d’Etats bourgeois et qui travaille
consciemment et directement pour leur compte. Il est impossible de tirer une
autre conclusion de ce bilan.
Dans les déclarations officielles publiées par le Comité politique, le Comité
central et le Cinquième congrès national, le WRP avait tenté de se maintenir en
équilibre entre deux camps opposés et avait omis de reconnaître au régime
iranien le droit de repousser l’agression irakienne. Une orientation marxiste
principielle aurait déclaré explicitement que l’Iran menait une guerre défensive
contre une attaque opportuniste lancée par le régime baassiste en collaboration
avec l’impérialisme américain. Elle aurait appelé les ouvriers iraniens à
prendre les armes contre les forces irakiennes tout en gardant une attitude
critique vigilante vis-à-vis des dirigeants bourgeois islamistes, à se méfier de
leurs ambitions et de leurs plans d’agression vis-à-vis du territoire irakien et
à défendre rigoureusement leur indépendance politique. En même temps, une telle
position aurait demandé que l’Iran renonce à toutes les revendications
exclusives concernant le Chatt al-Arab et que les droits de toutes les minorités
en Iran soient respectés. De plus, elle aurait expliqué que les racines
politiques des interminables conflits entre les Irakiens et les Iraniens
résidaient dans les révolutions démocratiques inachevées des deux pays, la
division en Etats distincts qui empêche le développement économique et fait
obstacle à la volonté instinctive des masses en Irak et Iran de réaliser leur
unité. De plus, elle aurait expliqué que le seul moyen de mettre fin à des
conflits fratricides et d’assurer l'indépendance nationale vis-à-vis de
l’impérialisme passe par l’unité du prolétariat irakien et iranien, par le
renversement du capitalisme dans les deux pays et par la lutte commune pour la
construction des Etats-Unis socialistes du Moyen-Orient. En somme, des marxistes
auraient expliqué que la seule alternative à la guerre fratricide, la dépendance
économique et la domination impérialiste est la révolution socialiste.
Dès le début de 1982, il était évident que la position militaire de l’Irak
devenait de plus en plus précaire. En mai, les Iraniens remportèrent
d'importantes victoires qui culminèrent dans la reprise de Khoramshahr. De façon
typiquement opportuniste et sans aucune explication théorique, cet événement fut
commenté dans l’éditorial du News Line du 25 mai 1982 comme « un
triomphe pour la révolution iranienne et ses masses en lutte. » Avec le même
degré de myopie, le News Line a exprimé sa pleine confiance à l’égard des
intentions de la bourgeoisie iranienne : « Nous ne croyons nullement aux
déclarations occidentales qui prétendent que l’Iran a maintenant l’intention
d’envahir l’Irak. Si ceci s’avérait vrai, nous nous y opposerions aussi
violemment que nous nous sommes opposés à l’invasion irakienne de l’Iran. »
Ces illusions stupides exprimaient l’absence totale de toute analyse marxiste
de la nature de classe des forces en conflit. Complètement aveugle vis-à-vis des
nouveaux dangers que contenait la situation politique, le News Line
persista dans cette voie et déclara que les succès militaires iraniens avaient
« renforcé par là même la révolution.
« C’est un signe du développement politique des masses révolutionnaires, pas
uniquement en Iran mais partout dans le monde, et la classe ouvrière britannique
doit en prendre note. »
La République islamique ne prit pas note des éditoriaux du News Line
et alla de l’avant dans son attaque contre l’Irak. En exigeant d’intolérables
sacrifices politiques et économiques du peuple iranien, le régime de Khomeyni
démontra que le fondamentalisme islamique n’était ni plus ni moins que le
déguisement messianique des desseins expansionnistes traditionnels d’un empire
capitaliste persan, jouant le rôle de gendarme dans la région du golfe Persique.
A ce point, le conflit cessa d’être une guerre défensive de la part du régime de
Khomeyni et il aurait exigé par là un brusque changement de politique de la part
des marxistes dont le devoir aurait été d’adopter une position défaitiste
vis-à-vis de la guerre.
Cependant, le News Line soucieux de ne pas offenser la puissance
montante du Golfe et de plus en plus sceptique quant à l’utilité de ses liens
avec l’Irak, publia seulement une légère admonestation, utilisant, comme
d’habitude, les Palestiniens pour détourner l’attention de la nature sournoise
de la politique de Healy : « L’invasion iranienne de l’Irak nuit à la cause
des combattants palestiniens et libanais assiégés à Beyrouth et à la révolution
iranienne elle-même et doit, par conséquent, être dénoncée. » (16 juillet
1982)
Les ressources financières de l’Irak étant ruinées à cause de la guerre,
Healy décida que son alliance avec Saddam Hussein n’avait plus d’intérêt. Il
était temps de passer dans un camp bourgeois plus prometteur. Mais il y avait
deux obstacles majeurs sur le chemin choisi par Healy : son opposition
précédente à l’invasion iranienne et l’analyse du Comité international faite
trois ans plus tôt du caractère de classe et des perspectives de la révolution
iranienne. Dans une déclaration du 12 février 1979, le CIQI avait exposé la
nature de classe de la direction de Khomeyni et avait averti qu’aucune confiance
ne devrait être accordée aux dirigeants religieux islamiques.
Tout en reconnaissant le rôle primordial joué par Khomeyni dans les
événements qui précédaient la chute du chah, le CIQI refusa toute concession à
son idéologie religieuse et à son programme politique :
« La vérité est que les masses se mettent en mouvement sur la base des
questions de classe et non de questions religieuses.
« Cependant, en l’absence d’une direction révolutionnaire organisée et du
fait de la lâche politique de collaboration de classes du stalinisme iranien,
dans le Parti Tudeh, l’ayatollah Khomeyni et les autres dirigeants religieux de
la secte chiite ont pu s’arroger le quasi-monopole de toutes les forces
d’opposition.
« Des millions d’Iraniens suivent aujourd’hui Khomeyni non pas en raison de
leur volonté d’établir l’utopie réactionnaire de l’’ Etat islamique ‘, mais
parce que l’ayatollah symbolise l’opposition sans compromis à la dynastie des
Pahlavi et à son régime autocratique.
« La doctrine politique de Khomeyni lui-même est vague, contradictoire et
ambiguë.
« Elle mélange des aspects progressifs et des aspects réactionnaires. La loi
de Sharia et l’Assemblée constituante, l’oppression des femmes et la liberté
personnelle.
« La politique de Khomeyni reflète la nature contradictoire et équivoque des
marchands de bazar et d’autres éléments de la bourgeoisie et de la
petite-bourgeoisie iraniennes.
« Ces sections de la société iranienne se tiennent en équilibre précaire
entre l’impérialisme, les monopoles pétroliers et les banques d’une part, et les
masses iraniennes de l’autre.
« Leur position de pays semi-colonial les oblige à s’opposer à l’impérialisme
américain et britannique.
« Mais ils ne peuvent, ni ne veulent remettre en question le pouvoir de l’Etat
capitaliste en Iran...
« A l’heure actuelle, ce sont les questions fondamentales de la révolution
socialiste qui prédominent.
« Seules la maîtrise consciente de ces questions et la pratique
révolutionnaire, qui découlent d’une compréhension scientifique de la situation
objective, peuvent résoudre ces questions.
« Quels sont ces principes de base, établis au cours de plus d’un siècle
d’expérience révolutionnaire ?
« La classe ouvrière est la seule classe révolutionnaire dans la société
moderne. La révolution contre l’impérialisme est une révolution mondiale, à
laquelle est subordonnée la révolution dans chaque pays...
« L’Etat capitaliste ne peut être repris et adapté à des buts socialistes :
ses corps d’hommes armés doivent être détruits et dispersés.
« Il faut armer le peuple et le mobiliser derrière un parti révolutionnaire
marxiste. » (News Line, le 17 février 1979, pp. 7-10)
Cette déclaration s’est conclue par l’élaboration d’un programme socialiste
révolutionnaire et un appel à la construction d’une section iranienne du CIQI.
26. Mission pour Savas Michael
Pour pouvoir justifier un virement politique complètement opportuniste vers
une orientation de soutien inconditionnel à une victoire iranienne, Healy était
obligé d’attaquer l’analyse faite par le CIQI et la remplacer par une
appréciation fausse de la nature de classe du régime de Khomeyni. Ce plan a été
conçu en cachette, sans aucune discussion à l’intérieur du Comité international,
entre Healy et Savas Michael, son fondé de pouvoir personnel à Athènes. Michael
avait été choisi par Healy comme secrétaire général de l’ancienne Workers
Internationalist League (rebaptisée Greek Workers Revolutionary Party en
novembre 1985, après la scission de cette organisation du CIQI).
S. Michael se déclara d’accord pour aller en Iran et y produire pour le
compte de Healy un guide touristique antimarxiste qui, basé sur ses impressions
subjectives et sur sa sociologie révisionniste, devait prouver que la République
islamique était en train de se transformer en une République socialiste des
« masses ». Tout comme Healy était resté indifférent aux persécutions des
membres du PC irakien, S. Michael ne s’est pas laissé perturber par le fait que
son voyage en Iran coïncidait avec la répression féroce de toute tendance de
gauche dans le pays. En effet, le sommet de son séjour fut constitué par son
passage à la télévision iranienne, ce qui équivalait à un acte de solidarité
politique avec la répression exercée par le régime. On n’avait pas vu une
trahison de classe aussi honteuse de la part d’un homme se réclamant du
trotskysme, depuis 1958 quand le renégat Colvin De Silva du LSSP sri lankais
était passé à la télévision en URSS pour cautionner la répression exercée par la
bureaucratie en Hongrie. Cet acte mina la crédibilité de la Quatrième
Internationale aux yeux d’innombrables ouvriers iraniens.
Les articles produits par Michael et publiés dans le News Line en
février et en mars 1983 étaient une parodie de journalisme politique. Seul Alex
Mitchell aurait pu rivaliser avec leur impressionnisme grossier et leur
ignorance théorique.
Michael rejeta toutes les allégations de répression par l’Etat en mettant en
avant ses observations touristiques : « Pour une personne venue de
l’Occident, surtout d’un pays comme la Grèce qui a connu pendant des décennies
des Etats policiers de droite et la dictature, il y a un fait frappant : on ne
voit de policiers nulle part.
« On ne voit pas non plus de machines blindées, comme à l’époque de Pahlavi,
ou comme c’est la coutume dans les régimes politico-militaires partout dans le
monde. » (24 février 1983)
Ces paroles signifiaient selon toute vraisemblance que la liquidation de
l’Etat capitaliste était d’ores et déjà achevée. Cette appréciation politique
pénétrante fut encore appuyée par une autre observation frappante : « L’Iran
révolutionnaire est un pays dans lequel le pouvoir appartient sans aucun doute à
la jeunesse. Vêtus d’une veste militaire par dessus leurs humbles vêtements
civils, mitraillette sur l’épaule, imbus d’un dévouement révolutionnaire ardent,
ces jeunes enfants du peuple, l’avant-garde du peuple, se dirigent, se
protègent, se mobilisent et se sacrifient .»
Pour démontrer le caractère non bourgeois de l’Etat, qu’il a caractérisé de
« gouvernement des spoliés », Michael a soutenu que le régime iranien était le
plus populaire du monde, bénéficiant d’un soutien quasi-unanime. Il basa cette
appréciation sur une conception tout à fait subjective du pouvoir d’Etat :
« Si nous considérons le degré de soutien populaire comme critère de base
pour estimer le degré de stabilité politique d’un régime, alors il est hors de
doute que le régime islamique de Téhéran doit être considéré comme extrêmement
stable. Entre les masses et leurs dirigeants, surtout l’Imam Khomeyni, il existe
des liens puissants forgés dans le feu de la révolution. »
Déduire la stabilité politique d’un régime donné à partir d’une abstraction
appelée « soutien populaire » – plutôt qu’à partir d’une analyse scientifique
des rapports de force entre les classes – n’est rien d’autre que de la stupidité
idéaliste. Cependant, il existait un brin de vérité dans la déclaration de
Michael – mais sur un tout autre plan. Compris en termes marxistes, le soutien
populaire au régime de Khomeyni reflétait les illusions des masses, ce qui n'est
sûrement pas un critère politique solide.
La mesure de son charlatanisme nous est entièrement donnée par la répudiation
du marxisme qui suit : « Dans le processus où les liens très profonds ont été
noués, un énorme rôle a été joué – et l’est toujours – par l’influence de
l’islam sur les masses. » Ainsi, il faut supposer qu’en Iran, la lutte des
marxistes contre l’obscurantisme religieux est devenue superflue.
Dans son analyse de la nature des événements iraniens, S. Michael a prouvé,
en citant une conversation avec un étudiant iranien, que la théorie de la
Révolution permanente vient du Koran : « La révolution incessante est un
principe fondamental de l’islam. » L’agent de Healy a ensuite fait le récit
de l’évolution des cinq révolutions qui eurent lieu entre 1979 et 1982 : la
première étant le renversement de Bakhtiar ; la deuxième, la prise de
l’ambassade des Etats-Unis ; la troisième, la défaite de Bani-Sadr ; la
quatrième, la révolution culturelle et, finalement, la cinquième révolution qui,
« comme le dit l’Imam Khomeyni, a pour but l’établissement de la justice
sociale. Elle est la révolution sociale ».
« Quiconque ne voit pas la dimension sociale de la révolution islamique en
Iran ne comprendra jamais sa profondeur. » (News Line, le 28 février
1983).
En décrivant la révolution sociale, Michael laisse planer un flou artistique
sur l’état des rapports de propriété et des profits : « Le secteur privé
incorpore encore les entreprises de petite et de moyenne taille, le bazar,
divers services, ainsi que l’agriculture, suite à la réforme agraire. » Si
l’on traduit ces détails en langage marxiste, il est évident que la propriété
privée est florissante, que c’est la production de marchandises qui domine dans
les campagnes et que le commerce intérieur prospère sous les auspices des
marchands du bazar.
Ce qui ne peut que signifier que la lutte de classe bouillonne sous la
surface de la société iranienne – un fait que Michael a ensuite tenté de masquer
avec la remarque suivante : « Bien entendu, les contradictions sociales n’ont
pas été éliminées. Mais la révolution essaie de les résoudre d’une manière
radicale à travers la mobilisation des masses. »
Finalement, dans un troisième article, intitulé « La guerre et la
révolution », S. Michael en vint au coeur de l’affaire et remplit sa tâche
principale : justifier l’invasion de l’Irak et les objectifs expansionnistes de
guerre de la bourgeoisie iranienne. En remarquant que des batailles se
déroulaient maintenant sur le territoire irakien, Michael relata qu’il avait
« discuté avec plusieurs Iraniens sur l’opportunité de continuer la guerre. »
Il cita longuement les discours apologétiques avancés par ceux qui
soutenaient le régime – dont l’un déclare que la fin de la guerre pourrait être
suivie de troubles sociaux que l’Irak chercherait à exploiter – et proclama
ensuite explicitement son soutien personnel à la continuation de l’invasion
iranienne.
Répudiant complètement le marxisme, Savas Michael fit dépendre le
développement de la révolution mondiale des succès militaires de la bourgeoisie
iranienne :
« L’écrasement militaire du régime de Bagdad entraînerait la déstabilisation
de toute la région, c’est, selon les estimations iraniennes, la monarchie
hachémite de Jordanie qui en serait la première victime. Les autres régimes
réactionnaires suivront le même chemin. La question palestinienne sera sans
doute posée sur de nouvelles bases. »
Il faut noter que cette dernière opinion n’était certainement pas partagée
par l’OLP qui a déclaré à plusieurs reprises que la prolongation de la guerre
était un absolu désastre pour les masses palestiniennes.
Depuis la publication de cette analyse, près d’un demi-million d’Iraniens et
d’Irakiens ont été massacrés, le développement économique des deux pays a été
retardé de plusieurs décennies et il y a d’immenses obstacles à l’établissement
de liens fraternels entre les prolétaires opprimés des deux pays. Seule la
révolution socialiste sortira les masses du marais sanglant dans lequel les
bourgeoisies irakienne et iranienne les ont entraînées.
Le résultat de l’aventure journalistique bon marché de Michael fut de fournir
à Healy la couverture nécessaire à sa répudiation totale de la déclaration du
CIQI du 12 février 1979. Dès l’automne de 1983, le WRP était prêt à amorcer une
réorientation totale de sa ligne politique.
Le News Line du 10 octobre 1983 publia un appel à la victoire
militaire de l’Iran en utilisant comme faible prétexte la décision du
gouvernement français de livrer des missiles Exocet aux Irakiens. Cet article
dénonçait le régime irakien dans les termes suivants : « Le régime irakien a
été vaincu militairement et démasqué largement comme un outil de l’impérialisme.
Il doit être renversé sans aucun délai par les masses irakiennes. Son existence
même donne à l’impérialisme une base militaire et un prétexte à leurs plans de
guerre. »
Avec cette déclaration, la direction de Healy avait véritablement consommé
son passage dans le camp de la contre-révolution. Elle avait atteint le point où
elle était prête à violer le principe le plus fondamental du marxisme et
subordonner le prolétariat aux objectifs de brigandage guerriers d’un Etat
bourgeois.