WSWS : Nouvelles et analyses : Histoire et culture
Voici la deuxième partie de la conférence intitulée « La Révolution russe et les problèmes historiques non résolus du XXe siècle » prononcée par le président du World Socialist Web Site, David North, à l'occasion du camp d'été du Parti de l'égalité socialiste (Etats-Unis) et du WSWS qui s'est déroulé du 14 au 20 août 2005, à Ann Arbor, au Michigan. Cette conférence comporte quatre parties. [Première partie], [Troisième partie], [Quatrième partie]
La conscience historique versus le postmodernisme
La conception de l’histoire que nous défendons — une conception qui donne à la connaissance et à l’assimilation théorique des expériences historiques le rôle crucial et décisif dans la lutte pour la libération de l’humanité — est irréconciliable avec tous les courants de pensée bourgeois. Le déclin politique, économique et social de la société bourgeoise est reflété, s’il n’est pas entraîné, par sa dégénérescence intellectuelle. Dans une période de réaction politique, avait fait remarquer Trotsky, l’ignorance montre les dents.
La forme particulière de l’ignorance défendue actuellement par les représentants universitaires les plus compétents et les plus cyniques de la pensée bourgeoise, les postmodernistes, est l’ignorance et le mépris pour l’histoire. Le rejet sans équivoque par les postmodernistes de la validité de l’histoire et du rôle central qui lui est donnée par tous les courants authentiquement progressistes de la pensée sociale est inextricablement lié à un autre élément essentiel de leurs conceptions théoriques — la non-reconnaissance et le rejet explicite de la vérité objective en tant que but important, encore bien moins en tant que but fondamental, de l’étude philosophique.
Ceci étant dit, qu’est-ce que le postmodernisme ? Permettez-moi de citer, afin de mieux expliquer mes propos, ces quelques lignes écrites par un défenseur de ce courant de pensée, le professeur Keith Jenkins :
« Aujourd’hui, nous vivons dans la condition générale de la postmodernité. Nous n’avons pas de pouvoir sur celle-ci, car la postmodernité n’est pas une « idéologie » ou une prise de position à laquelle on peut souscrire ou non ; la postmodernité est précisément notre condition : elle est notre destin. Et on peut dire que cette condition a été causée par un échec général — un échec général qui peut être identifié très clairement alors que la poussière tombe sur le vingtième siècle — de l’expérience dans cette façon de vivre que l’on appelle la modernité. C’est un échec général, mesuré selon ses objectifs mêmes, de la tentative, à partir du 18e siècle en Europe, d’augmenter au moyen de la raison, de la science et de la technologie, le niveau du bien-être personnel et social des formations sociaux que, vu qu’elles légiféraient pour une émancipation de plus en plus grande de ses citoyens/sujets, nous pouvons caractériser en disant qu’elles tentaient, au mieux, de devenir des « sociétés de droits de l’homme».
« …[I]l n’y a pas maintenant — pas plus qu’il n’y a déjà eu — de « vraies » fondations du type nécessaire pour étayer l’expérience du moderne. » [3]
Permettez-moi, si je puis utiliser le langage des postmodernistes, de « déconstruire » cet extrait. Pendant plus de deux cents ans, reculant aussi loin que le 18e siècle, il y avait des gens, inspirés par la science et la philosophie des Lumières, qui croyaient au progrès et à la possibilité d’une perfection humaine et qui cherchaient la transformation révolutionnaire de la société sur la base de ce qu’il croyait être une compréhension scientifique des lois objectives de l’histoire.
Ces gens croyaient en l’Histoire (avec un H majuscule) en tant que processus régit par des lois et déterminé par des forces socio-économiques qui sont indépendantes des consciences subjectives des individus, mais que les humains peuvent découvrir, comprendre et sur lesquelles ils peuvent agir dans les intérêts du progrès humain.
Mais de telles conceptions, déclarent les postmodernistes, se sont avérées être de naïves illusions. Maintenant, nous le savons : il n’y a pas d’Histoire (avec un H majuscule). Il n’y a même pas d’histoire (avec un h minuscule) que l’on peut simplement comprendre comme processus objectif. Il n’y a que des « narrateurs » ou des « discours » employant des vocabulaires changeant dans le but d’accomplir un projet subjectivement déterminé, peu importe ce qu’est ce projet.
De ce point de vue, l’idée même selon laquelle il est possible de déduire des « leçons » de l’« histoire » est un projet illégitime. Il n’y a vraiment rien à étudier et rien à apprendre. Comme insiste Jenkins : « Nous devons maintenant seulement comprendre que nous vivons dans des formations sociales qui n’ont pas d’autres bases éthiques, ontologiques ou épistémologiques pour légitimer les croyances que le statut d’une conversation (rhétorique) qui réfère ultimement à elle-même… Conséquemment, nous reconnaissons aujourd’hui qu’il n’y a jamais eu, et qu’il n’y aura jamais, quelque chose comme un passé qui est expressif d’une quelconque essence. » [4]
Traduit dans un français compréhensible, ce que Jenkins dit est que 1) le fonctionnement des sociétés humaines, quelles soient passées ou présentes, ne peuvent être compris en termes de lois objectives qui peuvent être ou qui sont en train d’être découvertes ; et 2) il n’y a pas de fondement objectif à ce que les personnes peuvent penser, dire ou faire au sujet de la société dans laquelle ils vivent. Les gens qui se prétendent historiens peuvent avancer une interprétation du passé ou une autre, mais le remplacement d’une interprétation par une autre ne signifie pas un avancement vers quelque chose qui pourrait être objectivement plus vrai que ce qui a été écrit précédemment — parce qu’il n’y a pas de vérité objective vers laquelle on peut se rapprocher. C’est purement le remplacement d’une façon de parler du passé par une autre façon de parler du passé — pour des raisons reliées aux fins subjectivement perçues de l’historien.
Les partisans de cette école de pensée admettent l’échec de la modernité, mais refusent d’examiner l’ensemble des jugements historiques et politiques sur lesquels leurs conclusions sont basées. Bien sûr, ils défendent des positions politiques qui sous-tendent autant qu’elles trouvent expressions dans leurs positions théoriques. Le professeur Hayden White, un des plus ardents défenseurs du postmodernisme, a déclaré explicitement : « Maintenant je suis contre les révolutions, peu importe qu’elles soient lancées « d’en haut » ou « d’en bas » dans la hiérarchie sociale et peu importe qu’elles soient dirigées par des chefs qui prétendent posséder une science de la société et de l’histoire ou par des partisans de la « spontanéité » politique ». [5]
La légitimité d’une conception philosophique donnée n’est pas automatiquement réfutée par les idées politiques de l’individu qui la défend. Mais la trajectoire antimarxiste et antisocialiste du postmodernisme est tellement évidente qu’il est pratiquement impossible de détacher ses conceptions théoriques de sa perspective politique.
Ce lien trouve son expression politique dans les écrits du philosophe français Jean-François Lyotard et du philosophe américain Richard Rorty. Je commencerai avec le premier. Lyotard était directement impliqué dans la politique socialiste. En 1954, il s’est joint au groupe Socialisme ou barbarie, une organisation qui avait émergé de la scission avec le PCI (Parti communiste internationaliste), la section française de la Quatrième internationale. La base de cette scission était le rejet de la définition de Trotsky selon laquelle l’URSS était un État ouvrier dégénéré. Le groupe Socialisme ou barbarie, dont les principaux théoriciens étaient Cornelius Castoriadis et Claude Lefort, avait développé le point de vue que la bureaucratie n’était pas une strate sociale parasitaire, mais une nouvelle classe exploitante.
Lyotard est demeuré dans ce groupe jusque dans le milieu des années 1960, où il a complètement rompu avec le marxisme.
Lyotard est surtout identifié avec le rejet des « grands récits » de l’émancipation humaine, dont la légitimité, a-t-il prétendu, avait été réfutée par les évènements du vingtième siècle. Il soutenait que :
« L’authentique base de tous les grands récits de l’émancipation fut, à vrai dire, invalidée par les cinquante dernières années. Tout ce qui est réel est rationnel, tout ce qui est rationnel est réel : Auschwitz réfute la doctrine spéculative. Au moins ce crime, qui est réel, n'est pas rationnel. — Tout ce qui est prolétarien est communiste, tout ce qui est communiste est prolétarien : Berlin 1953, Budapest 1956, Tchécoslovaquie 1968, Pologne 1980 (j'en passe) réfutent la doctrine matérialiste historique : les travailleurs se dressent contre le Parti. — Tout ce qui est démocratique est par le peuple et pour lui, et inversement : Mai 1968 réfute la doctrine du libéralisme parlementaire. Le social quotidien fait échec à l’institution représentative. — Tout ce qui est libre jeu de l'offre et la demande est propice à l’enrichissement général, et inversement : les crises de 1911, 1929 réfutent la doctrine du libéralisme économique, et la crise de 1974-1979 réfute l'aménagement postkeynésien de cette doctrine. » [6]
La combinaison de désorientation, de démoralisation, de pessimisme et de confusion qui sous-tend tout le projet théorique du postmodernisme de Lyotard est résumée dans ce passage. On pourrait consacrer une conférence au complet, si ce n’est pas un livre, à sa réfutation. Ici, je dois cependant me confiner à seulement quelques points.
L’argument qu’Auschwitz réfute toutes les tentatives d’une compréhension scientifique de l’histoire n’origine pas de Lyotard. Une idée similaire forme la base des écrits d’après la Deuxième Guerre mondiale de Theodor Adorno et Max Horkheimer, les fondateurs de l’école de Francfort. L’affirmation de Lyotard selon laquelle Auschwitz était réel et rationnel est une distorsion simpliste du concept de dialectique révolutionnaire d’Hegel. La supposée réfutation de Lyotard est basée sur une identification vulgaire du réel, en tant que concept philosophique, avec ce qui existe. Mais, comme Engels l’a expliqué, « la réalité, n’est aucunement, d’après Hegel, un attribut qui revient de droit en toutes circonstances et en tout temps à un état de choses social ou politique donné ». [7] Ce qui existe peut tellement être en conflit avec le développement objectif de la société humaine jusqu’à en devenir socialement et historiquement irrationnel et, par le fait même, irréel, non viable et condamné. Dans ce sens profond, l’impérialisme allemand — duquel le nazisme et Auschwitz ont émergé — démontre la véracité du dicton philosophique d’Hegel.
Les soulèvements populaires de la classe ouvrière contre le stalinisme ne réfutent pas le matérialisme historique. Plutôt, il réfute les politiques de Socialisme ou barbarie auxquelles Lyotard a adhéré. Le groupe Socialisme ou barbarie a attribué aux bureaucraties staliniennes un niveau de pouvoir et de stabilité qu’elles n’ont pas en tant que caste parasitaire. De plus, Lyotard sous-entend un parallèle entre le communisme en tant que mouvement révolutionnaire et les Partis communistes qui étaient, en fait, les organisations politiques des bureaucraties staliniennes.
Pour ce qui est de la réfutation du libéralisme économique et parlementaire, les marxistes l’ont accompli bien avant les évènements mentionnés par Lyotard. Sa référence à mai 68 comme étant la chute du libéralisme parlementaire est particulièrement grotesque. Que dire de la Guerre civile espagnole ? De l’effondrement de la République de Weimar ? De la trahison du Front populaire français ? Tous ces évènements ont eu lieu plus de trente ans avant mai-juin 1968. Ce que Lyotard présente comme étant de grandes innovations philosophiques ne sont pas beaucoup plus que l’expression du pessimisme et du cynisme de l’ex-gauche (ou de la gauche se dirigeant vers la droite) petite-bourgeoise universitaire.
Richard Rorty ne se sent nullement intimidé en reliant son rejet du concept de vérité historique avec le rejet des politiques socialistes révolutionnaires. Pour Rorty, l’effondrement des régimes staliniens en Europe de l’Est et la dissolution de l’Union soviétique ont fourni aux intellectuels de gauche l’occasion longuement attendue de renoncer, une fois pour toutes, à toutes les formes d’implication intellectuelle (ou même émotionnelle) à une perspective socialiste révolutionnaire. Dans son essai intitulé « La fin du léninisme, Havel et l’espoir social », Rorty affirme :
« J’espère que les intellectuels utiliseront la mort du léninisme comme une occasion de se débarrasser des idées qu’ils connaissent, ou devraient connaître, sur les forces profondes, sous-jacentes — les forces qui déterminent le destin des communautés humaines.
« Nous, intellectuels, avons fait des affirmations sur de telles connaissances depuis que nous avons ouvert boutique. Nous avons prétendu que la justice ne pouvait pas régner avant que les rois deviennent des philosophes ou les philosophes des rois ; nous avons prétendu savoir cela sur la base d’une compréhension de la forme et du mouvement de l’Histoire. J’ose maintenant espérer que nous avons atteint une époque où nous pouvons finalement nous débarrasser de la conviction commune à Platon et à Marx selon laquelle il doit y avoir de grandes façons théoriques de trouver comment mettre fin à l’injustice, contrairement à de petites façons expérimentales. » [8]
Qu’est-ce qu’une telle renonciation théorique entraînerait ? Rorty nous offre ses propres propositions concernant la réorientation de la politique de « gauche » :
« Je crois que le temps est venu de se débarrasser des termes « capitalisme » et « socialisme » dans le vocabulaire politique de la gauche. Ce serait une bonne idée de cesser de parler de la « lutte anticapitaliste » et d’y substituer quelque chose de banal et de non théorique — quelque chose comme « la lutte contre la misère humaine évitable ». Plus généralement, j’espère que nous pouvons banaliser tout le vocabulaire de la délibération politique gauchiste. Je propose que nous commencions à parler de la cupidité et de l’égoïsme plutôt que de l’idéologie bourgeoise, des salaires de crève-faim et des congédiements plutôt que de la « marchandisation du travail » et des disparités dans les dépenses par étudiant à l’école et des disparités dans l’accès aux soins de santé plutôt que de la division de la société en classes. » [9]
Et ceci prétend être de la « philosophie » ? Ce que Rorty appelle la « banalisation » serait mieux décrit comme de la castration politique et intellectuelle. Il propose de bannir des discussions le produit de plus de deux cents ans de pensée sociale. Cette proposition sous-tend la conception que le développement de la pensée est un processus purement arbitraire et largement subjectif. Les mots, les concepts théoriques, les catégories logiques et les systèmes philosophiques sont simplement des constructions verbales, évoqués de façon pragmatique dans le but de satisfaire à des objectifs subjectifs. La prétention selon laquelle le développement de la pensée théorique est un processus objectif exprimant l’évolution de l’homme, l’approfondissement et la compréhension de plus en plus en poussée et précise de la nature de la société est, selon Rorty, rien de plus que des doctrines politiques marxiennes-hégéliennes. Comme il le dit dans un autre passage : « Il n’y a pas d’activité appelée « connaître » qui consiste à découvrir la nature et pour laquelle les spécialistes des sciences naturelles sont particulièrement doués. Il y a simplement le processus de justifier des croyances à des auditoires. » [10]
Ainsi, des termes comme « capitalisme », « classe ouvrière », « socialisme », « plus-value », « travail salarié », « exploitation » et « impérialisme » ne sont pas des concepts qui expriment et dénotent une réalité objective. Ils doivent être remplacés par un langage supposément moins émotif — ce que la plupart d’entre nous, mais pas Rorty, appellerait des « euphémismes ».
Rorty, comme je l’ai déjà cité, propose qu’il faut commencer à parler de « la lutte contre la misère humaine évitable ». Laissez-nous, un instant, prendre en considération cette brillante suggestion. Mais, nous sommes presque immédiatement confrontés à un problème. Comment devons-nous déterminer quelle forme et quel degré de misère humaine sont évitables ? Sur quelle base devons-nous prétendre que la misère soit évitable, ou même qu’elle doive être évitée ? Quelle réponse doit être donnée à ceux qui soutiennent que la misère fait partie du destin humain, qu’elle est la conséquence d’une perte de la grâce de Dieu ? Et même si nous ne répondons pas aux arguments des théologiens et que nous concevons la misère dans des termes séculiers, comme un problème social, nous sommes toujours confrontés au problème d’analyser les causes de la misère.
Un programme pour abolir la « misère humaine évitable » contraint à analyser la structure économique de la société. Dans la mesure où cette enquête serait faite avec un certain degré d’honnêteté, les chevaliers contre la « misère humaine évitable » rencontreraient les problèmes de « propriété », de « profit » et de « classe ». Ils pourraient inventer de nouveaux mots pour décrire ces phénomènes sociaux, mais — avec ou sans l’accord de Rorty — ils existeraient néanmoins.
Les conceptions théoriques de Rorty abondent en contradictions et en inconsistances des plus évidentes. Il insiste catégoriquement qu’il ne peut y avoir de « vérité » qui peut être découverte et connue. Vraisemblablement, il considère comme « véridique » la découverte que la vérité n’existe pas, puisqu’elle forme la base de sa philosophie. Mais, s’il lui est demandé d’expliquer cette flagrante inconsistance, Rorty évite le problème en proclamant qu’il ne se soumettra pas aux termes de la question, qui est enracinée dans le discours philosophique traditionnel, remontant aussi loin que Platon. La vérité, insiste Rorty, est l’une de ces vieilles questions qui sont maintenant dépassées et sur laquelle il n’est plus possible d’avoir de discussion philosophique intéressante. Lorsque la question est posée, Rorty, comme il le dit plutôt cyniquement, « aimerait simplement changer de sujet ». [11]
La clé pour comprendre les conceptions philosophiques défendues par Rorty réside dans ses positions politiques. Même si Rorty a tenté en différentes occasions de minimiser le lien entre la philosophie et la politique, il serait difficile de trouver un autre philosophe contemporain dont les conceptions théoriques sont aussi directement liées à sa position politique, c’est-à-dire à sa réfutation et à son opposition aux politiques révolutionnaires marxistes. Rorty ne tente pas une réfutation et une analyse systématique du marxisme. Que le marxisme soit correct ou non est, pour Rorty, hors sujet. Le projet socialiste (que Rorty identifie principalement au destin de l’Union soviétique) a échoué et il y a, selon Rorty, peu de chance pour qu’il réussisse dans le futur. De l’épave de la vieille gauche marxiste, il n’y a rien qui peut être sauvé. Au lieu de s’engager dans de nouvelles luttes doctrinales contre l’histoire, les principes, les programmes et, pire que tout, la vérité objective, il vaut mieux battre en retraite vers une politique beaucoup plus modeste du plus petit commun dénominateur. C’est là-dessus que porte la philosophie de Rorty et, aussi, presque tout le discours postmoderne américain.
Pour Rorty (et, comme nous le verrons, plusieurs autres) les « évènements de 1989 ont convaincu ceux qui essayaient de s’en tenir au marxisme qu’ils doivent maintenant tenir le monde en pensée et trouver une façon de rendre le futur meilleur que le présent en rejetant toute référence au capitalisme, à la façon bourgeoise de vivre, à l’idéologie bourgeoise et à la classe ouvrière. » [12] Le moment est venu, argumente-t-il « de cesser d’utiliser « l’Histoire » comme le nom d’un objet autour duquel on peut tisser nos fantasmes de minimisation de la misère. Nous devons concéder à Francis Fukuyama le point (qu’il a fait dans son célèbre livre, La fin de l’Histoire) que si vous espérer encore la révolution totale, l’Autre radical à l’échelle mondiale, alors les évènements de 1989 vous ont montré que cela ne se réalisera pas. » [13]
Cette ironie cynique et maladroite illustre la prostration et la démoralisation qui a balayé le milieu de la gauche universitaire et radicale devant la réaction politique qui a suivi l’effondrement des régimes staliniens. Plutôt que de tenter une analyse sérieuse des causes historiques, politiques et économiques de l’effondrement des régimes staliniens, ces tendances se sont rapidement adaptées au climat ambiant de réaction, de confusion et de pessimisme.
À suivre
Citations:
[3] On “What Is History?” (Londres et New York, 1995), pp. 6-7.
[4] Ibid, p. 7.
[5] The Content of the Form: Narrative Discourse and Historical
Representation (Baltimore, 1990), p. 63.
[6] Jean-Paul Lyotard, Le
postmoderne expliqué aux enfants, Galiléé, 1986, p. 53.
[7] Karl Marx et Friedrich Engels, Œuvres choisies, Éditions du Progrès,
Moscou, 1975, p. 614.
[8] Truth and Progress
(Cambridge, 1998), p. 228.
[9] Ibid, p. 229.
10] Philosophy and Social Hope (Londres and New York, 1999), p. 36.
[11] Cité dans Jenkins, p. 103.
[12] Truth and Progress, p. 233.
[13] Ibid.
(version originale anglaise, le 31 août 2005)
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