L'affirmation des groupes pseudo-gauches
britanniques que la décision du syndicat Unite d'annuler la grève des
électriciens britanniques et autres travailleurs du bâtiment représente une
victoire est une trahison de la classe ouvrière.
Le Socialist Workers Party (SWP) et le
Socialist Party (SP) ont une fois de plus agi comme chefs de claque et menteurs
pour la bureaucratie syndicale. Le SP a fait état de « victoire
inestimable » et de « moment extrêmement significatif pour ces
travailleurs, mais aussi pour le reste du mouvement syndical ».
Selon le SWP, la victoire est
« historique. les travailleurs ont vaincu les patrons du bâtiment qui
voulaient saccager leurs modalités et réduire radicalement leur salaire. »
Le 16 février, la plus grosse entreprise
britannique de construction Balfour Beatty (BBES) a été déboutée par la Haute
Cour dans sa demande d'injonction contre un scrutin de grève organisé par
Unite. En vertu de cette décision, BBES a retiré, de même que d'autres sociétés
de construction, ses projets d'appliquer le Building Engineering Services
National Agreement (BESNA).
L'année dernière, 7 des 14 entreprises
de construction s'étaient dissociées de la convention nationale collective
vieille de 40 ans, le Joint Industry Board (JIB) pour établir BESNA. Les entreprises
avaient cherché à imposer des réductions de salaire allant jusqu'à 35 pour cent
et d'autres conditions pires pour les travailleurs de l'industrie.
Armé d'un mandat légal pour organiser
une grève contre ce projet, Unite s'est empressé de mettre un terme au conflit.
Le syndicat a immédiatement entamé des pourparlers avec BBES et, le lendemain à
11 heures, Unite publiait un communiqué disant : « L'actuel conflit
entre Unite et les sept entreprises qui promeuvent l'accord BESNA est en train
de causer de graves préoccupations au sein de l'industrie et menace de
dégénérer en un conflit néfaste. » [Italiques
ajoutés]
Unite a déclaré sa sympathie pour les
objectifs des employeurs en déclarant qu'il « comprenait les questions
soulevées par ces sept entreprises et croyait qu'une révision du JIB et des
autres accords de travail était souhaitable ».
Le syndicat a poursuivi en disant,
« BBES a accepté de retirer les accords BESNA et Unite a accepté de ne
plus poursuivre la grève ou une protestation parce que de vastes pourparlers
auront à présent lieu sur la modernisation de l'industrie ». [italiques
ajoutés]
La modernisation des accords de travail,
comme des millions de travailleurs l'ont appris, est l'euphémisme préféré de la
bureaucratie syndicale pour accepter la destruction des conditions de travail.
C'est pourquoi la promesse d'Unite fut le signal pour les autres entreprises
impliquées de suivre l'exemple de BBES. En l'espace de cinq jours, l'entreprise
NG Bailey s'est retirée du BESNA, en étant rapidement suivie par les cinq
autres.
Unite s'est servi de la décision de la
Haute Cour pour cimenter ses relations avec le patronat. Le secrétaire général
Len McCluskey a affirmé que la décision de NB Bailey était une
« reconnaissance de plus que seules une consultation et des négociations
peuvent garantir la stabilité de l'industrie et les moyens d'existence des
gens ». Il a ajouté, « L'industrie de la construction est
déterminante à notre reprise économique nationale, ce pour quoi Unite considère
que des relations industrielles stables dans l'ensemble du secteur sont
cruciales. »
Le directeur général de l'Association
des entrepreneurs en systèmes de chauffage et de ventilation (Heating and
Ventilating Contractors Association, HVCA), Blane Judd, a clairement fait savoir
comment son association prévoyait utiliser l'accord d'Unite. Au cours des
quelques prochains mois, a-t-il dit, « le HVCA continuera d'oeuvrer à la
modernisation des modalités de recrutement de manière à incorporer un certain
nombre de principes contenus dans le BESNA ».
Le BESNA est un catalyseur « pour
le changement et nous devons en tirer profit en l'utilisant comme une
opportunité pour aller de l'avant », a-t-il ajouté.
La détermination d'Unite à maintenir ses
relations avec les entreprises de construction ne fut égalée que par son
hostilité à l'encontre de toute action des travailleurs. Pas une seule grève
officielle ne fut organisée par Unite en sept mois. Au lieu de cela, lorsque
les entreprises souscrivant au BESNA ont présenté de nouveaux contrats de
travail, Unite a simplement ordonné aux travailleurs de les renvoyer non signés
ou de les renvoyer accompagnés d'une lettre de protestation disant qu'ils
avaient signé sous la contrainte. Début février, le groupe BESNA a pu annoncer
que 88 pour cent des travailleurs avaient signé les nouveaux contrats.
Ce n'est qu'à l'automne, et du fait
d'une colère grandissante parmi les travailleurs du bâtiment, qu'Unite a
organisé un vote de grève. Et même dans ces conditions le scrutin ne concernait
que grosso modo la moitié des 1690 électriciens travaillant dans une seule
entreprise, Balfour Beatty. Unite réclama un arbitrage avant d'annuler toute
grève lorsque le mandat fut juridiquement contesté. A présent, à la suite du
deuxième scrutin appuyé par la décision de la Haute Cour en sa faveur, Unite a
tout annulé.
Dès le départ, des protestations et des
grèves avaient eu lieu au mépris d'Unite. Une vaste majorité de travailleurs du
bâtiment ont quitté le syndicat en raison de son bilan pourri de collusion avec
les employeurs.
En août dernier, des centaines de
travailleurs avaient mis en place une organisation de travailleurs à Londres.
Mais la direction du comité avait comme ordre du jour le recours au conflit en
tant que campagne de recrutement pour les syndicats.
Jerry Hicks, un ancien membre du SWP et
du comité exécutif national de l'organisation syndicale Amicus (un prédécesseur
d'Unite), avait joué un rôle majeur dès le début. Des groupes anciennement de
gauche gravitaient autour de lui.
C'était grâce à eux qu'un mouvement
dénoncé par le responsable national d'Unite, Bernard McAulay, comme
« cancéreux » a fini par travailler sous sa direction ! A chaque
occasion, des discours furent prononcés par de hauts représentants d'Unite lors
de réunions du comité. En décembre, la secrétaire générale d'Unite, Gail
Cartmail, a dit lors d'une réunion des « travailleurs » que le
syndicat avait mis en place un fonds de lutte à hauteur de 25 millions de
livres sterling consacré à la campagne. Trois responsables permanents lui ont
ensuite été assignés - sous la direction de McAulay.
Ces millions ne seront pas utilisés au
profit des travailleurs, mais pour permettre à l'ex-gauche dans le syndicat
d'avoir accès à des positions lucratives. Le Forum pour le Développement
industriel (Industrie Development Forum) nouvellement mis en place, ou le Forum
pour la Modernisation de l'Industrie (Industry Modernisation Forum), entre
Unite et les employeurs aura une présence issue de la direction du comité des
travailleurs qui sera chargée de vendre n'importe quel accord.
Dans son article sur la fin du conflit
le 24 février, le Socialist Party s'est montré emballé, « La campagne des
travailleurs a poussé Unite à jouer un bien plus grand rôle directeur. Elle a
montré que le pouvoir syndical n'est pas un bloc homogène de conservatisme qui
ne peut être incité à jouer un rôle positif. »
Le message est que les travailleurs
devraient se rapprocher de la bureaucratie et des organisations vidées de toute
substance qu'ils représentent. Rien d'étonnant à cela. Le SP et le SWP sont
eux-mêmes dominants au sein de la bureaucratie en occupant des fonctions de
haut rang au sein des syndicats au niveau local, régional et national.
Tout en faisant l'éloge du succès des
travailleurs en forçant supposément Unite à lutter, le SWP soutient que,
« Il ne devrait pas y avoir de retour au "syndicalisme
d'entreprise"
corrompu qui a infesté le bâtiment. »
C'est un aveu révélateur qui met en
exergue la supercherie qu'ils sont maintenant en train de perpétrer. Le
syndicalisme d'entreprise qui vient d'être admis est pratiqué par Unite. A
présent, le SWP s'attend à ce que les travailleurs gobent l'affirmation que de
telles pratiques ont été abandonnées parce qu'Unite a annulé toutes les grèves
pour entrer en négociations avec les hauts représentants de l'industrie du
bâtiment !
Pour les travailleurs du bâtiment, le
combat reste encore à être mené. Il ne peut être victorieux que si l'emprise
mortelle de l'appareil d'Unite est brisée. Ce qu'il faut ce sont d'authentiques
organisations de lutte de classe des travailleurs et une nouvelle perspective
politique socialiste et pas des associations qui travaillent sous la direction
des gros bonnets des syndicats.