David North s’adresse à l’auditoire réuni à
Leipzig
Devant un large auditoire attentif, David North,
président du comité de rédaction du World Socialist Web Site, a parlé
vendredi soir de son livre récemment publié et intitulé « Défense de Léon
Trotsky » qui est une critique de la biographie de Trotsky par l'auteur
britannique Robert Service, parue en 2009.
La réunion a eu lieu à l’université de Leipzig au
terme de la Foire du Livre de Leipzig où la maison d’édition Mehring Verlag
a publié l’édition allemande de l’ouvrage de North sur la défense de la
vérité historique et de l’héritage de Trotsky. La Foire du Livre de Leipzig
est l’une des plus grandes foires du monde. Il y eut beaucoup d’intérêt pour
la parution de la publication allemande « Défense de Léon Trotsky » et la
controverse internationale soulevée par la révélation des falsifications
historiques de Service.
En témoigne la participation à la réunion de
vendredi organisée par la maison d’édition Mehring Verlag en coopération
avec le Parti de l’Egalité sociale (Partei für Soziale Gleichheit, PSG) et
l’Internationale étudiante pour l’Egalité sociale (IEES). Plus de 300
personnes ont rempli l’amphithéâtre où se tenait la réunion.
Le World Socialist Web Site publiera
ultérieurement l’intégralité de la conférence donnée par North.
Dans un rapport introductif, Wolfgang Weber,
membre du comité exécutif du PSG, a présenté le contexte de la réunion. Il a
expliqué que North, dans son livre « Défense de Léon Trotsky », a fait une
analyse critique de la biographie de Trotsky par Service qui fut publiée en
2009 par Harvard University Press.
North a décelé une multitude d’erreurs graves
commises par le professeur d’Oxford dont de fausses présentations de
documents historiques, le recours à des sources douteuses et de nombreuses
erreurs factuelles y compris des dates incorrectes et des confusions de
noms. North a montré que le livre de Service utilisait le genre de mensonges
et de diffamations contre Trotsky lancé à l’origine par la bureaucratie
stalinienne et faisait aussi appel à des préjugés antisémites. Le livre de
Service est, comme North l’a prouvé, une concoction foncièrement
tendancieuse.
Bien que « Défense de Léon Trotsky » ait été
publié en 2010 par Mehring, les critiques soulevées par le livre ont été
étouffées pendant près d’un an. « Depuis lors, un débat international a
commencé et qui est parvenu en fin d’année aux comités de rédaction et dans
les pages des principaux journaux en Allemagne, » a dit Weber.
Il y a un an, la maison d’édition Suhrkamp avait
annoncé vouloir publier à l'été 2011 une édition allemande de la biographie
de Trotsky par Service. Ensuite, toutefois, l’opposition de l’opinion
publique à l’encontre du livre de Service, inspirée par la critique de North,
se fit jour dans les cercles académiques internationaux et intellectuels.
L’auditoire
L’historien de l’université de Stanford, Bertrand
Patenaude, avait publié en juin 2011 un article dans la prestigieuse
publication universitaire américaine l’American Historical Review
dans lequel il avait écrit que la critique de North était précise et
pleinement justifiée. Il avait conclu sa critique par un jugement sans
appel : « North qualifie la biographie de Service de ‘travail bâclé.’ Des
mots forts mais entièrement justifiés. Les Presses de l’Université d’Harvard
ont apposé leur marque sur un livre qui ne répond pas aux critères
élémentaires d’un travail d’historien. »
« En juillet 2011, 14 historiens et spécialistes
des sciences politiques d’Allemagne, d’Autriche et de Suisse ont écrit une
lettre à la maison d’édition Suhrkamp, » a poursuivi Weber. « Font partie
des auteurs et des signataires de la lettre le professeur Hermann Weber,
doyen des chercheurs allemands sur le communisme et le stalinisme et
d’autres experts de renommée internationale. Sur la base de la critique
formulée par North et Patenaude à l’encontre de Service, ils ont fortement
recommandé à Suhrkamp de ne pas publier l’édition allemande de la
biographie. »
Suhrkamp a suspendu la publication prévue et a
demandé à un autre expert d’examiner les allégations. Finalement, Suhrkamp a
décidé de procéder à la publication du livre en 2012 sans en expliquer le
retard de plus d’un an.
Les comités de rédaction d’un grand nombre de
journaux allemands ont fait état de la polémique a expliqué Weber. « Il est
significatif de noter que Junge Freiheit, l’organe ‘intellectuel’ de
l’extrême droite en Allemagne, fut parmi les premiers à réagir. Son
chroniqueur, le Dr Stefan Scheil, s’est félicité de la prochaine publication
du livre de Service par Suhrkamp. Il a loué Service pour son intention
avouée « d’achever Trotsky et de terminer le travail commencé il y a 72 ans
par les assassins staliniens du dirigeant révolutionnaire. »
Les journaux allemands à grand tirage, dont le
Frankfurter Allgemeine Zeitung, le Neue Zürcher Zeitung,
le Frankfurter Rundschau et le Berliner Zeitung, ont publié
des articles sur la controverse qui, soit se ralliaient à Service et à
Suhrkamp, soit n'abordaient pas les critiques faites par North et les
historiens qui ont signé la lettre adressée à la maison d’édition allemande.
North a commencé son exposé par une question qui a
captivé l’auditoire : la lutte de Trotsky pour un front uni des deux partis
ouvriers de masse allemands, le Parti communiste et le Parti
social-démocrate, dans le but d’empêcher le triomphe des nazis.
« Entre 1931 et 1933, » a expliqué North,
« Trotsky avait cherché à éveiller les sections ouvrières politiquement les
plus conscientes de la classe ouvrière allemande et de l’intelligence
socialiste au péril énorme posé par le fascisme et au besoin urgent d’unir
la lutte du prolétariat afin d’empêcher une victoire nazie… Personne d’autre
n’avait écrit avec une telle prescience, une telle précision et une telle
passion sur les événements allemands et leur portée historique mondiale. »
North a ensuite décrit l’influence que les écrits
de Trotsky sur le fascisme ont eu sur sa propre génération – celle des
travailleurs et des étudiants qui furent radicalisés dans les années 1960.
« Les écrits de Trotsky ont clairement montré, » a-t-il dit, « que la
victoire du fascisme était évitable. La montée d’Hitler aurait pu être
évitée… Le fascisme, forme la plus barbare du règne bourgeois, est arrivé au
pouvoir suite à l’échec et aux trahisons de la direction politique de la
classe ouvrière. »
« En fait, les écrits de Trotsky sur l’Allemagne
ne sont qu’une partie de son héritage politique extraordinaire » a poursuivi
North. Trotsky « doit être défendu contre les mensonges et les
falsifications qui se poursuivent sans relâche 70 ans après sa mort
précisément parce qu’il a joué un rôle tellement central dans l’histoire du
siècle dernier. Tous les événements clé des quatre premières décennies du
vingtième siècle se reflètent dans l’oeuvre de sa vie. »
North a aussi traité du rôle joué par Trotsky dans
la Révolution russe et l’importance de l’Opposition de Gauche qu’il avait
fondée en opposition au stalinisme. « Rien n’est historiquement plus absurde
et politiquement indéfendable que l’affirmation que le conflit entre Staline
et Trotsky est simplement une lutte subjective entre deux individus pour le
pouvoir personnel, » a déclaré North. « La lutte qui a éclaté au sein du
Parti communiste soviétique vers le milieu des années 1920 a été celle entre
deux programmes irrémédiablement différents – le pseudo-socialisme
nationaliste de la bureaucratie soviétique dirigé par Staline contre
l’internationalisme socialiste de l’Opposition de Gauche dirigée par Trotsky.
L’issue de cette lutte fut déterminée par le sort de la révolution
socialiste au vingtième siècle et finalement par celui de l’Union soviétique
même. »
C’est dans ce contexte que North a traité du rôle
de la falsification historique, à commencer par la campagne de Staline
contre Trotsky en 1923 qui avait culminé dans les procès truqués qui
s'étaient déroulés à Moscou entre août 1936 et mars 1938 et durant lesquels
les principaux dirigeants du Parti bolchévique furent condamnés et exécutés
sur de fausses accusations.
« Les mensonges du régime soviétique ne furent pas
simplement le résultat de la personnalité pathologique de Staline, » a-t-il
dit. « Ils étaient plutôt enracinés dans les intérêts matériels de la
bureaucratie et dont Staline était le principal représentant… La
bureaucratie stalinienne a recouru aux mensonges les plus impudents et les
plus monstrueux pour masquer ses trahisons des principes de la Révolution
d’octobre et pour dissimuler la contradiction de plus en plus flagrante
entre les objectifs véritables du socialisme et la défense par la
bureaucratie de ses propres intérêts matériels en tant que caste
privilégiée. »
En expliquant pourquoi il était de nos jours
encore nécessaire de répondre aux mensonges concernant le rôle historique de
Léon Trotsky, North a dit que la campagne contre Trotsky était fondée sur
deux facteurs liés de nature historique et politique. Pour ce qui est de la
perspective historique, les politiciens, les universitaires et les
journalistes bourgeois ont réagi à l’effondrement de l’Union soviétique en
1991 en affirmant que la Révolution d’octobre de 1917 était vouée à l’échec
dès le départ. A cette fin, ils ont minimisé la lutte de Trotsky contre le
stalinisme. En aucun cas, Trotsky ne pouvait être présenté comme une
alternative viable à Staline.
Avec l’intensification de la crise économique et
sociale du capitalisme et des guerres impérialistes contre l’Afghanistan,
l’Irak et les autres pays, un élément politique est venu s’y ajouter – la
crainte que, comme ce fut le cas durant les années 1960, les écrits de
Trotsky ne jouent un rôle important dans la radicalisation d’une nouvelle
génération de jeunes.
« La nouvelle ère de guerre préventive a créé un
nouveau genre littéraire : la biographie préventive ! » a dit North. Au
cours d’une période d’un peu plus de cinq ans, trois « biographies
préventives » de Trotsky, du même genre, sont apparues, écrites par Ian
Thatcher, Geoffrey Swain et Robert Service.
North a traité de certaines des falsifications
contenues dans ces livres. Il a décrit la confrontation avec la maison
d’édition Suhrkamp et a pris parti contre les articles élogieux à l’égard de
Service et publiés par le journal ultra-droitier Junge Freiheit ainsi
que par le Neue Zurcher Zeitung et le Frankfurter Allgemeine
Zeitung. Il a montré qu’ils défendaient Service – en dépit de toutes les
erreurs, falsifications et violations des normes académiques –