Des reporters du WSWS ont assisté à un
rassemblement organisé le 22 mars par la Confédération générale du travail
(CGT) à l’usine PSA d’Aulnay-sous-Bois au Nord de Paris.
La CGT avait appelé à une journée intersyndicale
francilienne d’action devant l’usine d’Aulnay-sous-Bois dont la fermeture
est prévue dans le contexte de projets de restructuration de PSA et de
fusion avec GM.
Une banderole à Aulnay
Malgré une vaste opposition populaire aux
fermetures d’usine, seules quelques centaines de personnes ont participé au
rassemblement de la CGT, reflétant ainsi l’énorme désillusion populaire face
aux luttes organisées par les syndicats. Un bon nombre de responsables
syndicaux se trouvaient à la tribune tandis que des délégués syndicaux venus
de différentes entreprises ainsi que quelques travailleurs d’Aulnay
s’étaient assis sur un talus tout proche pour écouter de temps à autre la
retransmission par les haut-parleurs.
Près de la tribune, une petite fanfare a joué l’Internationale
alors que les bureaucrates de la CGT s’apprêtaient à tenir leurs propos. La
musique de l’hymne révolutionnaire pour la solidarité internationale de la
classe ouvrière faisait étrangement contraste avec les discours officiels
qui ne se sont concentrés que sur les propositions de la CGT en faveur de
mesures prises par l'Etat à Paris.
On n’aurait jamais su que les travailleurs
d’Aulnay s’opposaient aux côtés de dizaines de milliers d’autres
travailleurs – en Espagne, en Grande-Bretagne et en Allemagne ainsi qu’en
France – aux réductions résultant de la restructuration des activités
européennes de GM et qui survient après une réduction de 50 pour cent des
salaires imposée aux travailleurs de l’automobile américains. La CGT n’a pas
soulevé la possibilité d’une lutte conjointe des travailleurs de
l’automobile de l’ensemble de l’Europe et de part et d’autre de l’Atlantique
contre une suppression des emplois et la fermeture des usines.
Au lieu de cela, les responsables de la CGT ont
cherché à planifier une nouvelle lutte régionale, en se limitant
essentiellement à l’usine d’Aulnay. De telles luttes restreintes ont permis
depuis 2009 à l’industrie automobile d’isoler et d’étouffer une série de
luttes contre la fermeture d’usine dans l’ensemble de l’industrie automobile
française – chez New Fabris, chez Continental, chez Sodimatex, etc. Les
responsables hiérarchiques de la CGT, parfaitement conscients du fait que
leur stratégie entraînera un tel résultat, ont cyniquement tenté de conférer
un vernis « combatif » à leur politique de la défaite.
Le premier intervenant fut Pascal Joly, secrétaire
de la CGT en île de France, qui a critiqué les projets d’urbanisation du
président Nicolas Sarkozy pour la région parisienne. Un autre responsable de
la CGT a souligné que le directeur de la marque Peugeot, Frédéric St Geours,
avait été nommé à la présidence de la fédération patronale de l’UIMM (Union
des industries et de métiers de la métallurgie) qui fut impliquée en 2007 au
scandale sur le financement des syndicats par l’UIMM au moyen de versements
illicites. Le responsable de la CGT n'a pas dit un mot sur le scandale et
sur ce que cela signifiait pour la bureaucratie syndicale. Il s'est contenté
de s’exclamer que la CGT mènera néanmoins des luttes combatives.
Le secrétaire général de la CGT, Bernard Thibault,
est resté de marbre durant les discours introductifs. Lorsqu’il a pris la
parole à son tour, il a parlé de la politique publique relative à
l’industrie automobile en disant aux travailleurs d’élire des représentants
syndicaux combatifs sur leurs lieux de travail : « Il est grand temps que
les salariés fassent un effort en faisant rentrer leurs élus dans les
conseils d’administration pour pouvoir influencer les stratégies
politiques. »
Des travailleurs d’Aulnay, Moudchar Brahim,
Moutaouakil Lahoussine et Azahriou Abdelaziz
Lors du rassemblement, les reporters du WSWS ont
parlé à un groupe de délégués syndicaux de la SNCF. Ces derniers ont indiqué
que l’usine d’Aulnay, qui emploie quelques 3.100 salariés, était le
« principal pôle d’activité de la région » – les autres employeurs étant le
centre commercial Paris-Nord et l’aéroport Charles de Gaulle. La fermeture
de l’usine serait une catastrophe pour Aulnay et toutes les banlieues
parisiennes du Nord-Est.
S’exprimant sur les conditions existant à la SNCF,
ils ont précisé qu’ils n’étaient personnellement pas trop durement touchés
bien que des réductions substantielles de salaires soient planifiées. Depuis
1982, quelques 250.000 emplois ont disparu et l’effectif de la SCNF est
maintenant inférieur à 150.000 personnes.
A la question de savoir quel était l’impact des
énormes réductions de salaire négociées par le syndicat United Auto Workers
(UAW) aux Etats-Unis sur les travailleurs de l’automobile en Europe, ils ont
dit que la CGT s’opposerait à un tel accord en France : « La CGT ne se
posera pas sur ce genre d’accord. » Lorsque les reporters du WSWS leur ont
demandé leur avis sur les négociations qui étaient en train de se tenir
entre l’UAW, la CGT et d’autres syndicats européens sur la restructuration
de l’industrie automobile, les délégués ont tout simplement affirmé que les
articles sur de telles négociations étaient faux. (Voir : «
Les reporters du WSWS se sont également entretenus
avec des travailleurs d’Aulnay. Ces derniers ont décrit les conditions qui
existent à l’usine comme devenant « de plus en plus dures, » et que les
travailleurs au sein de l’usine étant profondément préoccupés. Une chaîne de
montage a été fermée en 2007 et il n’y a plus d’équipe de nuit. Ils ont
aussi dit que la direction de l’usine faisait progressivement sortir du
matériel pour réduire l’inventaire à Aulnay afin d'en faciliter la
fermeture.
Au cours de la dernière décennie, l’usine est
passée d’un effectif de plus de 7.000 travailleurs à son niveau actuel de
3.100 et les travailleurs sont confrontés à d’importantes accélérations des
cadences pour maintenir la production. Il est aussi devenu quasiment
impossible pour les travailleurs intérimaires, qui ne gagnent qu’entre 900
et 1.200 euros (1.200 à 1.600 dollars) par mois, de trouver un emploi à
plein temps. Les travailleurs à plein temps subissent des pertes de l’ordre
de 100 à 150 euros en raison de la réduction des horaires.
Questionné sur les syndicats, l’un des
travailleurs a dit: « La majorité, au niveau des ouvriers, est contrôlée par
les patrons, ça divise l’usine entre syndiqués», (grosso modo 300
travailleurs sur 3.100) « et non syndiqués ». Il a fait remarquer que la CGT
n’avait pas signé de contrats qui étaient défavorables aux travailleurs
d’Aulnay.
Les travailleurs trouvent aussi qu’il est
difficile de faire grève parce que la CGT ne verse pas d’indemnités de
grèves : en 2007, une grève de six semaines avait causé d’énormes
difficultés financières et de nombreux travailleurs n’ont toujours pas
remboursé les dettes qu’ils avaient contractées durant cette grève.