Avant
le second tour de l'élection présidentielle, des campagnes anti-immigrants et
anti-islam arrivent sur le devant de la scène. Les deux candidats, le président
sortant Nicolas Sarkozy et le candidat du Parti socialiste (PS) François
Hollande s'en prennent de plus en plus aux travailleurs immigrés qu'ils
utilisent comme boucs émissaires. C'est dans ce contexte que des reporters du
WSWS ont interviewé des travailleurs immigrés et des réfugiés tamouls dans
Paris.
La Chapelle
Plus
de 100 000 Tamouls vivent en France, la plupart étant arrivés en France comme
réfugiés politiques après que la guerre civile a éclaté en 1983. La plupart
travaillent dans des restaurants, le bâtiment, font le ménage et des petits
boulots. Un grand nombre font des journées de plus de 11 heures dans les
restaurants.
Un
travailleur immigré, père de quatre jeunes enfants, qui vit dans un petit
appartement à Drancy a dit, « Je travaille dans un restaurant de 5 heures
de l'après-midi à 2 heures du matin. Je n'ai qu'un salaire de base, même si je
travaille le dimanche. Ce salaire ne suffit pas pour vivre. Ma femme travaille
à mi-temps, elle fait des ménages.. Elle gagne 350 euros par mois. Aujourd'hui,
tout est très cher, cela devient très difficile de vivre. »
Quand
on lui a demandé son avis sur l'élection présidentielle, il a ajouté,
« Les programmes de Sarkozy et de Hollande sont les mêmes. Ils
représentent les banques et le patronat. Ils n'ont rien à proposer au
travailleurs français ou immigrés. Ils vont nous attaquer de plus en plus avec
l'austérité. »
Le
WSWS a rencontré de nombreux réfugiés tamouls sans-papiers. La plupart sont des
jeunes touchés par la guerre civile au Sri Lanka. La plupart dépendent du
soutien de membres de leur famille ou d'amis ou travaillent au noir. Leur
situation est très critique; incapables d'obtenir un récépissé de titre de
séjour visa ou un permis de travail, ils ne peuvent travailler dans la légalité
ou obtenir de l'aide du gouvernement et sont donc confrontés à d'énormes
difficultés n'ayant ni emploi, ni revenus ni logement correct.
Beaucoup
font de longues journées de travail, jusque dix heures ou plus, pour souvent ne
gagner que 25 ou 30 euros par jour. Parfois leur patron ne leur donnent pas ce
qu'ils leur doivent sachant très bien que des travailleurs sans papiers ne vont
pas les poursuivre en justice.
Un réfugié qui travaille deux jours par semaine
dans un restaurant au nord de Paris a dit, « Je suis de Kilinochchi,
province au nord du Sri Lanka. Je suis venu en France en 2005 comme réfugié
politique. Dix jours plus tard, j'étais arrêté par la police et placé en camp
de rétention près de l'aéroport puis déporté à Colombo sous la garde de trois
policiers français. Arrivés au Sri Lanka, ils m'ont remis aux autorités de la
sécurité. Ensuite la police d'investigation criminelle m'a emmené dans leur
quartier général à Colombo, qui est renommé pour la torture et les assassinats
qui s'y pratiquent. Après l'enquête, ils m'ont jeté en prison pour six mois
selon la « Loi de prévention du terrorisme », dans la prison de
Negombo. »
Il
a ajouté, « En avril 2009 au dernier stade de la guerre, j'étais coincé
dans la zone de guerre. J'ai perdu mes deux frères et finalement j'ai réussi à
aller dans la zone de contrôle militaire du Sri Lanka avec ma mère. Ils m'ont
arrêté à nouveau et m'ont fait passer par quatre différents camps secrets de
'réhabilitation'. J'ai été torturé de nombreuses fois. Des groupes
paramilitaires [les groupes Karuna et l'EPDP] m'ont menacé de mort. Finalement
j'ai tenté de me suicider. Maintenant pour la deuxième fois, en 2012, je suis
venu en France pour avoir la vie sauve. J'ai fait appel à l'OFPRA (Office
français de protection des réfugiés et apatrides) mais je n'ai toujours pas
reçu de réponse. »
Une
telle description réfute le rapport cynique de l'OFPRA sur le Sri Lanka, daté
de 2011, «En l'espace de deux années, la situation du Nord de Sri Lanka s'est
radicalement transformée. Zone de conflits armés et de violences pendant près
de trente années, en partie occupée par un mouvement séparatiste, elle est
désormais pacifiée ...Les groupes paramilitaires ne circulent plus ouvertement
en armes, dont une partie a été confisquée par l'armée. Ils se sont transformés
en partis politiques, et ont participé pacifiquement aux élections locales de
mars et juillet 2011. »
Ce
rapport est faux. En fait le nord et l'est du Sri Lanka sont toujours sous
occupation militaire et les meurtres, les enlèvements et les viols se
poursuivent dans ces régions.
La préfecture de Bobigny
Le
WSWS s'est aussi rendu à la préfecture de Bobigny. Plus de 400 immigrants
faisaient la queue devant le bâtiment pour obtenir des permis de séjour ou
autres documents. Certaines femmes étaient là avec leurs enfants. La plupart
faisaient la queue depuis minuit, certains depuis 8 heures du soir la veille.
A
8h30 du matin, les autorités ont commencé à donner des rendez-vous mais pas à
tout le monde. De nombreux réfugiés ont donc attendu de longues heures pour
rien. Les agents ont crié à la foule, « Il n'y a plus de tickets, si vous
voulez rester, vous pouvez mais ça ne sert à rien, alors allez-vous en. »
Un
des réfugiés a dit: « J'attends depuis 8 heures du soir pour avoir ce
récépissé de titre de séjour. Je n'ai aucun papier à montrer à la police.
S 'ils m'arrêtent, ils vont me mettre en prison. »
Le
WSWS a parlé avec Thas, réfugié tamoul de 33 ans, marié, originaire de Kayts au
Sri Lanka. Il est au chômage et a deux enfants. Il a été blessé durant la
guerre civile, touché à la jambe par les coups de feu des forces nationalistes
tamoules à Vavunia.
Thas
vit en France depuis 11 ans mais ne parvient pas à trouver un travail n'ayant
pas de papiers en règle. Actuellement il vit avec sa famille dans un foyer,
avec l'aide de quelques amis et des organisations de service social en France.
Thas
a dit: « L'OFPRA et la Commission des recours des réfugiés ont rejeté mon
appel. Maintenant sans récépissé, toute ma famille et moi avons de grandes
difficultés à vivre ici. J'ai été arrêté par la police française quatre fois.
Chaque fois on m'a relâché avec l'aide d'un avocat. La guerre est finie au Sri
Lanka, mais nos régions sont toujours occupées par l'armée et les forces
paramilitaires. Dans ces conditions, qui peut donner de vraies garanties pour
notre vie? Je ne m'imagine pas rentrer au Sri Lanka. Il y a quelques jours,
quand je faisais la queue à minuit, des voyous m'ont attaqué. On peut voir que
j'ai encore l'oeil gauche blessé. S 'ils me donnent un récépissé, est-ce
qu'on sera confronté à une telle situation? »
Le
WSWS a aussi parlé à Vasi, réfugié célibataire de 24 ans qui est au chômage et
vit en France depuis quatre ans.
Il
n'a qu'un récépissé temporaire de trois mois pour rester en France. Tous les
trois mois, il vient à la préfecture pour essayer de le renouveler. Au Sri
Lanka, il a été emprisonné pendant trois ans et torturé par les forces de
sécurité. Il a été blessé aux dos et aux dents.
Quand
on lui a parlé, il a dit, « J'attends ici depuis 22 heures pour obtenir un
rendez-vous. J'ai tellement froid que j'en tremble. J'ai tout perdu dans ma
vie. Je ne peux pas retourner au Sri Lanka; j'ai d'énormes problèmes avec la
police et l'armée là bas. J'ai passé trois ans en prison et quand ils m'ont
relâché j'ai réussi à m'enfuir du pays. Quand j'explique ça aux autorités de
l'OFPRA, ils répondent absurdement que ce n'est pas vrai. »
Selon
un rapport de la Cimade, plus de 35 000 étrangers ont été placés dans des
centres de rétention en 2009 (32 268 en 2008), dont 318 enfants. Le nombre
d'étrangers expulsés de France est en augmentation, 32 922 en 2011 avec pour 2012,
l'objectif de 35 000 expulsions.