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Grèce: le programme de SYRIZA

Par Christoph Dreier et Peter Schwarz
23 mai 2012

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La coalition de la Gauche radicale (SYRIZA) joue actuellement un rôle clé dans la politique grecque. Lors des élections du 6 mai, l’organisation a obtenu 17 pour cent des suffrages, devenant ainsi le deuxième parti le plus fort. Par la suite, les tentatives entreprises pour la formation d’un gouvernement ont échoué en raison du refus de SYRIZA de participer à une coalition avec les partis précédemment au pouvoir, Nouvelle Démocratie (ND) et PASOK.

Selon des sondages d’opinion, SYRIZA pourrait arriver en tête des nouvelles élections fixées au 17 juin. En vertu de la loi électorale grecque, le plus grand parti est crédité de 50 sièges supplémentaires, et donc il serait pratiquement impossible de former un gouvernement sans SYRIZA. Son dirigeant, Alexis Tsipras, âgé de 38 ans, pourrait devenir le prochain premier ministre de Grèce.

Le succès électoral de SYRIZA repose sur son refus des mesures d’austérité qui ont poussé le pays dans une profonde récession et plongé sa population dans le chômage et la pauvreté. Le parti est en train d’exiger que les réductions des retraites et des salaires, la vente des biens nationaux et le remboursement de la dette gouvernementale convenus avec l’Union européenne et le Fonds monétaire international soient provisoirement suspendus et renégociés.

La représentante parlementaire, Despoina Charalambidou, a dit à Spiegel Online : « Les accords conclus avec la troïka doivent immédiatement être suspendus. Le plan de sauvetage condamne la population grecque à la pauvreté et au chômage et oblige les gens à émigrer. Les dettes n’ont pas été contractées par les gens ordinaires et donc ce n'est pas à eux de les rembourser. »

Toutefois, SYRIZA ne met ni en cause l’Union européenne et ses institutions ni l’Etat grec et ses fondations capitalistes. L’objectif de SYRIZA n’est pas la transformation socialiste de la société dans l’intérêt de la classe ouvrière mais la mise en place de meilleures conditions pour la classe moyenne supérieure et pour certaines sections de la bourgeoisie grecque qui ont été durement touchées par les effets des mesures d'austérité.

Tsipras n’a pas manqué une seule occasion de souligner qu’il ne veut en aucun cas rompre avec l’UE et l’euro. Mercredi, il a dit à CNN : « Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour aller dans ce sens, pour maintenir la Grèce au sein de la zone euro et dans l’Europe. »

Toutefois, Tsipras croit que PASOK et ND, qui veulent eux aussi rester au sein de l’UE et dans la zone euro, l’ont payé trop cher. Il croit qu’Athènes a plus d'un tour dans son sac pour obtenir un meilleur arrangement avec Bruxelles et Berlin.

Pour commencer, il compte sur le soutien de pays financièrement faibles de l’UE et sur les politiciens sociaux-démocrates – notamment sur le président français nouvellement élu, François Hollande – pour remplacer la politique fiscale déflationniste de l’UE et sur laquelle insiste avant tout l’Allemagne, par une politique inflationniste. Ensuite, il tente de faire pression sur l’UE en émettant la menace de la faillite nationale grecque qui jetterait les autres pays et l’euro dans l’abîme.

Tsipras a élaboré cette stratégie dans l’interview précitée avec la correspondante en chef de CNN, Christiane Amanpour, et à l’occasion d’autres discussions avec le Wall Street Journal et la BBC.

La crise n’est pas uniquement une crise grecque mais représente un problème européen, a-t-il dit à CNN. Et donc, le memorandum doit être annulé et renégocié sur le plan européen. Pour ce faire, il irait à la« recherche de partenaires en Europe méridionale et en Europe centrale. » Il a accusé la chancelière Angela Merkel de « jouer au poker avec la vie des gens » et de « mettre en danger la zone euro. »

Tsipras a dit au Wall Street Journal: « Notre premier choix est de convaincre nos partenaires européens que, dans leur propre intérêt, le financement ne doit pas cesser. » Mais, si c’était le cas, la Grèce n’assurerait plus le service de sa dette. Un effondrement financier en Grèce entraînerait le reste de la zone euro dans sa chute.

A la BBC aussi, Tsipras a averti, « Si la maladie de l'austérité détruit la Grèce, elle se propagera à travers l’Europe. »

La politique de Tsipras – un mélange de menaces et de supplications à l’adresse de Bruxelles – est fondée sur des chimères et des illusions. Comme n’importe quel politicien de la classe moyenne, il sous-estime complètement l’ampleur de la crise capitaliste internationale.

Les mesures d’austérité en Grèce font partie d’une offensive internationale du capital financier contre les acquis sociaux de la classe ouvrière et qui s’est énormément intensifiée depuis la crise financière de 2008 en touchant tous les pays capitalistes – des Etats-Unis, à l’Angleterre, à l’Espagne, à l’Italie en passant par la France et l’Allemagne.

Une politique inflationniste – comme elle est désormais appelée par les gouvernements américain et britannique – ne ferait que poursuivre de telles attaques sous une forme différente. Le « pacte de croissance », actuellement débattu dans l’UE et sur lequel Tsipras fonde manifestement ses espoirs, consiste à fournir des fonds supplémentaires aux banques en déroute et des « réformes structurelles » dans le but d’améliorer la compétitivité, c’est-à-dire une flexibilisation des conditions de travail et des bas salaires. Les réductions des dépenses publiques se poursuivraient de manière inchangée.

Au cas où SYRIZA remporterait vraiment les élections grecques, le parti jouerait un rôle important dans l’imposition de telles attaques. En examinant les partis européens frères de SYRIZA, le Rifondazione Comunista (Refondation communiste) en Italie, le parti Die Linke en Allemagne, le Front de Gauche en France – l’on voit qu’ils ont tous participé aux attaques contre la classe ouvrière chaque fois qu’ils ont fait partie du gouvernement.

Tsipras est, lui aussi, parfaitement en mesure d’en faire autant. Reuters a rapporté certaines sources disant, « Tsipras est capable de se transformer de tête brûlée en politicien responsable. »

Le journal allemand taz, qui est proche du Parti des Verts et qui connaît bien la question, a commenté en disant que « ce n’est pas un obstacle que Tsipras fasse à présent campagne au moyen de promesses impossibles et en disant aux Grecs qu’ils peuvent tout avoir à la fois, l’euro, de nouvelles tranches de prêt et leur vieil Etat client. C’est parce qu’il incarne leurs intérêts et leurs désirs qu’ils accepteront une fois qu'il sera devenu le nouveau chef de gouvernement qu’il leur dise que les réformes sont malheureusement nécessaires. »

(Article original paru le 19 mai 2012)