Le
parti de la « gauche » petite-bourgeoise, le Parti ouvrier indépendant
(POI) qui n'a pas présenté de candidat à l'élection présidentielle de 2012,
soutient le candidat du Parti socialiste (PS) François Hollande, favorable à
une politique d'austérité au second tour de l'élection qui se tiendra le 6 mai.
La
principale exigence du POI est que le nouveau président élu refuse de ratifier
le pacte fiscal signé en mars par 25 des 27 pays de l'Union européenne. Ce
pacte contraint ses signataires, dont la France, à mettre en place des coupes
sociales draconiennes pour éliminer les déficits budgétaires. Le POI présente
son appel à ne pas ratifier le pacte comme une exigence que le prochain
président pourrait être en mesure de garantir, si c'est Hollande et non le
président droitier sortant Nicolas Sarkozy qui remporte l'élection.
Dans
sa déclaration du 23 avril, le POI écrit: « Cette exigence s'adresse à toutes les forces qui se
réclament de la classe ouvrière et de la démocratie. Elle s'adresse, ce 22
avril, en premier, à celui qui a été placé en tête au premier tour de cette
élection, à François Hollande. Qu'il réponde clairement à la question qui lui
est posée ..Le fera-t-il ? »
La
question est absurde et malhonnête: Hollande a très clairement fait comprendre
qu'il a l'intention de poursuivre une politique d'austérité impitoyable contre
les travailleurs. Il a publiquement déclaré son accord avec ce qu'il appelle le
« volet austérité » du pacte fiscal, laissant ouverte la question de
savoir s'il va essayer d'y ajouter un « volet croissance » consistant
en cadeaux aux banques et à des entreprises choisies. Il a fait campagne sur la
base d'une réduction draconienne du déficit budgétaire pour qu'il atteigne zéro
d'ici 2017, ce qui obligerait à faire des coupes annuelles de 115 milliards
d'euros dans les dépenses.
Dans
ces conditions, demander à Hollande s'il va bloquer le pacte fiscal, et agir en
représentant de « la classe ouvrière et de la démocratie » est une
diversion réactionnaire. Il ne le fera pas.
Les
travailleurs ne peuvent s'opposer aux mesures qui sont en préparation contre
eux qu'en se préparant à une lutte politique contre l'un ou l'autre président
qui viendra au pouvoir. Si Hollande remporte l'élection, cela veut dire une
lutte contre le PS et ses alliés, à savoir le Front de gauche de Jean-Luc
Mélenchon, la bureaucratie syndicale et les partis de la « gauche »
petite-bourgeoise comme le POI lui-même. C'est précisément ce que le POI
cherche à empêcher.
Les
critiques limitées du POI à l'égard de la bureaucratie réactionnaire de l'Union
européenne (UE) ne cherchent elle-mêmes qu'à masquer la propre politique
droitière de ce parti, alignée sur le PS. Sa déclaration du 26 avril commence
par une invocation du « tournant de la rigueur » mené par le
président PS François Mitterrand en 1983, dénonçant «trente ans de consensus
anti-ouvrier dicté par l'Union européenne. »
Mais
le POI mine ensuite sa propre présentation des événements, en faisant remarquer
que l'UE n'avait été crée qu'en 1992 et avec la participation active de
Mitterrand. Cette tentative de faire porter la responsabilité de la politique
anti-ouvrière de Mitterrand dans les années 1980 à l'UE est une tentative
maladroite pour dissimuler le propre rôle du POI.
Le
prédécesseur du POI, l'Organisation communiste internationaliste (OCI) avait
rompu d'avec le trotskysme et le Comité international de la Quatrième
Internationale en 1971, à la suite des protestations étudiantes et de la grève
générale de 1968. Il avait adopté l'appel à « l'union de la gauche »,
perspective erronée selon laquelle l'OCI pourrait créer un mouvement révolutionnaire
de masse en forçant le PS et le Parti communiste français stalinien (PCF) à
former une alliance électorale. Il s'était entièrement intégré à la machine du
PS, avec bon nombre de ses adhérents passant au PS dans les années 1970 et
1980.
Le
résultat fut un désastre politique pour la classe ouvrière et une leçon amère
sur les implications de la décision d'un parti de se retourner contre le
marxisme, comme le fit l'OCI. L'OCI appela à voter Mitterrand en 1981 et
maintint son orientation vers le PS durant et après le « tournant de la
rigueur » de 1983.
L'évolution
ultérieure de l'organisation confirma son orientation nationaliste française et
son hostilité envers la classe ouvrière et le trotskysme. En novembre 1991,
juste avant la liquidation de l'URSS par la bureaucratie stalinienne, l'OCI se
transforma en Parti des travailleurs (PT) sur une plateforme nationaliste,
fusionnant avec trois factions moins importantes: socio-démocrate,
anarcho-syndicaliste et stalinienne. S'étant renommé POI en 2007, le slogan du
parti est « République, Socialisme et Démocratie. »
Et
maintenant, le POI soutient à nouveau le PS, cette fois en promouvant des
illusions sur Hollande qui commença sa carrière à la fin des années 1970 comme
permanent du PS sous Mitterrand, qui contribua à mettre en place le
« tournant de la rigueur » et qui ne cache pas son intention
d'attaquer les travailleurs. Il est significatif que les interventions
impérialistes de la France en Libye, en Côte d'Ivoire et en Syrie ne soient
même pas mentionnées dans les déclarations du POI sur les élections.
Il
est quasiment impossible de distinguer la ligne politique du POI de la campagne
pro-PS, nationaliste du candidat du Front de gauche Jean-Luc Mélenchon. Ancien
membre de l'OCI qui rejoignit le PS en 1976, Mélenchon était devenu ministre du
gouvernement PS de 1997-2002 conduit par Lionel Jospin, autre ancien membre de
l'OCI, et s'est présenté cette année comme candidat du Front de gauche dominé
par le PCF. Maintenant Mélenchon fait activement campagne pour appeler à voter
Hollande.
Le
POI présente 130 candidats dans 60 départements aux élections législatives de
juin prochain. Selon les déclarations faites par des membres du POI à des
reporters du WSWS, ils envisagent quelque chose comme une alliance avec le
Front de gauche de Mélenchon.
Le
POI n'est pas un parti de gauche ou socialiste, mais un parti réactionnaire
contrôlé par des intérêts petits-bourgeois ou bourgeois. Sa base principale est
devenue la bureaucratie syndicale Force ouvrière (FO) et les élus des communes
rurales, tel le secrétaire du POI, qui été élu maire de Mailhac en 2001 sur un
ticket PS. Le POI glorifie les élus locaux qu'il dit être indépendants del'Etat,
quand en fait ils sont largement dépendants de la politique et des conditions
socio-économiques mises en place par le gouvernementet le marché
mondial.
C'est
parce que la politique de la « gauche » officielle est dominée par
des opérateurs d'un tel cynisme, que le Front national (FN) neo-fasciste croît
aussi rapidement, obtenant 18 pour cent des voix au premier tour de l'élection
présidentielle. D'importantes sections de la classe ouvrière considèrent à
juste titre des partis tel le POI comme faisant partie intégrante de l'establishment
politique corrompu. A tel point que, désireux de faire un vote protestataire,
dans le vide politique qui existe à gauche, ils donnent leurs voix au FN.
Les
maneuvres du POI ont pour but de bloquer tout virage à gauche de la classe
ouvrière, créant ainsi objectivement les meilleures conditions pour une progression
du FN dans les sondages. Etonnamment, l'éditorial du POI daté du 23 avril ne
mentionnait pas le FN.
Une
déclaration ultérieure du POI donne des conseils totalement inutiles au PS sur
la manière de stopper la montée du FN: «Si
François Hollande, et Jean-Luc Mélenchon s'étaient clairement engagés à balayer
les traités de Maastricht et Lisbonne, à rompre avec la Banque centrale
européenne, à refuser de payer la dette et à bloquer les fonds disponibles pour
le maintien des emplois et l'interdiction des licenciements, combien Mme Le Pen
pèserait-elle électoralement ? »
En
fait, Hollande et Mélenchon auraient pu promettre tout ceci et plus encore, et
ils n'auraient toujours pas grand impact sur de larges couches de travailleurs
et d'étudiants qui ne les croiraient pas. L'objectif des slogans proposés par
le POI n'est pas d'organiser dans la classe ouvrière une lutte pour obtenir ces
revendications, mais de les utiliser comme la base d'une nouvelle campagne
visant à promouvoir des illusions sur le PS.