Après le premier tour des élections présidentielles, le Nouveau
Parti anticapitaliste (NPA) soutient pour le second tour organisé le 6 mai, le
candidat du Parti socialiste (PS), favorable à la politique d'austérité, face
au président sortant Nicolas Sarkozy.
Le candidat du NPA à la présidentielle, Philippe Poutou, qui
a reçu 1,2 pour cent des voix au premier tour, a appelé à voter Hollande,
déclarant : « Le 6 mai, nous serons au côté de celles et ceux qui veulent
empêcher Nicolas Sarkozy de faire un second mandat. Nous le disons clairement,
il faut dégager Sarkozy et toute sa bande en votant contre lui. »
La tentative du NPA de maquiller un vote pour Hollande en
une opposition à Sarkozy est un acte de mauvaise foi politique. Le NPA sait
très bien que le fond du programme du PS consiste à réaliser des centaines de
milliards d'euros de coupes dans les programmes sociaux, à maintenir la
participation de la France à l'OTAN, et à poursuivre sa politique à tendance
guerrière au Moyen-Orient - avec les guerres de Libye l'an dernier et
maintenant en Syrie. Il cherche à désorienter la classe ouvrière en faisant
campagne pour un gouvernement PS réactionnaire.
Poutou a cyniquement affirmé que son soutien à un vote pour
Hollande : « Ne signifie pas un quelconque soutien à la politique de
François Hollande. Face à cette droite dure, le Parti Socialiste et son
candidat ne sont pas une réponse. Le projet du PS s'inscrit dans les grandes
lignes des choix de l'Union européenne et des socialistes européens. Il annonce
déjà des politiques de rigueur, pour une "austérité de gauche". »
Cela soulève une question : pourquoi les travailleurs
devraient-ils dans ce cas soutenir Hollande en lui donnant leurs voix ?
L'affirmation implicite dans ce que dit le NPA, que Hollande serait un choix
politiquement différent de Sarkozy, est - comme le dit clairement leur propre
commentaire - une fraude politique.
La Gauche anticapitaliste (GA), une tendance au sein du NPA,
appelle également à voter Hollande, d'une manière encore plus explicite : « Le
premier enjeu, c'est de sortir le sortant. Le bilan de Sarkozy est massivement
rejeté. Son projet est dans la continuité de ce qu'il a accompli depuis cinq
ans. Battre la droite est un enjeu primordial. Sans
hésiter la Gauche anticapitaliste appelle à utiliser le bulletin de vote
Hollande au second tour pour chasser définitivement la droite du pouvoir ! »
La GA, qui s'est constituée après l'université d'été du NPA
l'an dernier, s'est opposée à la candidature Poutou et
cherchait à s'allier avec le Front de Gauche - une coalition entre le Parti
communiste français (PCF) stalinien, le Parti de gauche (PG), et une faction
issue du NPA dirigée par Christian Picquet. Elle a soutenu le candidat du Front
de gauche, Jean-Luc Mélenchon, ex-ministre PS qui avait quitté le parti en 2008
pour fonder le PG.
Le 18 mars, la GA a unanimement adopté une déclaration, lors
de sa réunion nationale, soutenant une alliance avec le Front de gauche. Elle a
déclaré, « La campagne que mène Jean-Luc Mélenchon énonce un large spectre de
propositions politiques communes à toute la gauche radicale. Réquisitionner les
entreprises qui licencient en délocalisant, prendre des mesures pour museler la
finance, refuser de faire payer la crise à la majorité
de la population...»
La GA s'étant alignée sur le Front
de gauche, la majorité du NPA et la GA se sont disputées sur le partage des 2
millions d'euros versés par l'Etat pour la campagne électorale de 2007 qui
avait rassemblé la majorité du NPA, la GA et Picquet. Outre ces questions
d'argent, cependant, les différences entre les deux tendances se cantonnent à
des questions de tactiques politiques. En fin de compte, elles cherchent toutes
les deux à opérer en satellite du PS, pour lier la classe ouvrière à ce parti
de l'élite dirigeante française.
Pour sa part, Mélenchon a apporté son soutien à Hollande,
qui compte sur le Front de gauche pour donner des airs «de gauche» à sa
politique droitière. Mélenchon organise un rassemblement électoral le 4 mai à
Paris pour soutenir Hollande. La GA entretient toujours les illusions sur
Mélenchon, écrivant : « A Gauche, le score de Mélenchon confirme l'élan
politique et social, syndical et associatif qui a porté la campagne du Front de
Gauche pendant ces derniers mois. C'est le reflet indiscutable des aspirations
populaires à un changement radical et profond. »
Le NPA, comme la GA, mettent en avant le vote en hausse pour
le Front national (FN) néo-fasciste de Marine Le Pen, qui s'est hissée à la
troisième place avec 18 pour cent des voix, pour faire la promotion du vote PS.
Ils attaquent Sarkozy comme un « tenant d'une droite
dure, sécuritaire, raciste, xénophobe et antisociale, l'homme qui voulait
draguer les voix du Front national, a nourri le vote pour Marine Le Pen, aidé
par les Guéant et autres Hortefeux. Le score de l'extrême droite
est très inquiétant, il constitue la traduction politique mortifère d'une crise
économique qui s'approfondit. »
Mais s'appuyer sur le PS pour défendre les travailleurs
contre le FN est une impasse réactionnaire pour la classe ouvrière. En fait, la
montée du FN est le résultat de la trahison des partis de la «gauche»
petite-bourgeoise, dont fait partie le NPA, qui ont
trahi les luttes de la classe ouvrière contre les coupes sociales et de leur
alignement sur les mesures anti-démocratiques promues par Sarkozy ces dernières
années.
A l'élection présidentielle de 2002, après la défaite du
candidat PS Lionel Jospin au premier tour, la LCR (prédécesseur du NPA) et
d'autres forces petites-bourgeoises avaient rejoint le PS dans son appel à
voter pour le président de droite sortant, Jacques Chirac,
contre le dirigeant du FN Jean-Marie Le Pen au deuxième tour.
À l'époque, le Comité international de la Quatrième
Internationale avait appelé à un boycott actif des élections, pour préparer une
mobilisation indépendante de la classe ouvrière dans une lutte contre le
capitalisme français. Mais la LCR avait rejeté cet appel, faisant campagne pour
la défense de la République bourgeoise et pour un vote en faveur de Chirac.
Depuis 2002, tout en imposant des coupes sociales négociées
par la bureaucratie syndicale, le monde politique a adopté des mesures
anti-démocratiques comme l'interdiction du foulard islamique dans les
établissements scolaires par Chirac, et l'interdiction du port de la burqa en
public par Sarkozy, ainsi que des attaques draconiennes contre les immigrés.
Tout ceci a été fait avec le soutien des partis de la « gauche»
petite-bourgeoise. Tout en liant l'opposition des travailleurs aux coupes
sociales à des manifestations inoffensives contrôlées par la bureaucratie
syndicale, ils ont soutenu les guerres impérialistes de la France à l'étranger,
telle la guerre en Libye.
Leur rôle dans la suppression de toute opposition efficace
venant de gauche contre les politiques de la bourgeoisie française a créé les
conditions nécessaires à l'émergence du FN et de son chauvinisme
d'extrême-droite. Le FN exploite le vide politique à gauche pour se présenter
comme un parti qui se consacre à la résolution des problèmes sociaux et à
l'opposition aux interventions militaires françaises, tout en faisant appel à des
sentiments réactionnaires anti-immigrés et anti-musulmans.
Tout en soutenant Hollande, la GA et le NPA déclarent
cyniquement qu'ils veulent créer un bloc de gauche anti-crise, qui
incorporerait le Front de gauche et divers partis de la « gauche» petite-bourgeoise,
pour s'opposer à la politique d'austérité du gouvernement à venir.
Poutou a appelé à une alliance entre le Front de gauche et
les syndicats pour «préparer dès à présent la contre-offensive dont a besoin le monde
du travail». Quant à elle, la GA a déclaré sa « disponibilité [.] pour construire le bloc
anti-crise plus que jamais nécessaire. »
Une telle alliance - rassemblant des forces politiquement
liées au PS et à la classe dirigeante française, qui sont totalement coupées de
la grande masse des travailleurs - ne sera capable que d'une chose : préparer
de nouvelles défaites pour la classe ouvrière et des victoires au FN.