Le second tour de l'élection de demain, entre le
président sortant Nicolas Sarkozy de l’Union pour un mouvement populaire
droitier (UMP) et le candidat du Parti socialiste (PS), François Hollande,
prépare le terrain à des attaques grandissantes contre la classe
ouvrière en France.
Durant son quinquennat, Sarkozy est devenu l’objet
de l’immense colère et de la dérision de la population. Ses efforts pour
maintenir un soutien en dépit de sa politique de rigueur sociale – avec des
appels au chauvinisme fondés sur des guerres à l’étranger et une politique
anti-immigration et sécuritaire – ont échoué.
Malgré cette opposition de masse, la politique de
Sarkozy sera poursuivie indépendamment de celui qui remportera cette
élection, étant donné que Hollande ne présente, en aucune façon, une
alternative.
Hollande, représentant cynique du capital
financier français, a fait campagne sur le slogan « Le changement, c’est
maintenant » tout en avançant une politique indiscernable de celle de
Sarkozy. Il a annoncé des projets pour réduire à zéro du déficit budgétaire
de la France d’ici 2017 afin de respecter le pacte fiscal européen
réactionnaire ce qui signifierait la suppression de quelque 115 milliards
d’euros des dépenses publiques. Il envisage aussi de rendre l’économie
française compétitive par rapport à l’Allemagne en procédant à des économies
liées aux coûts et à l’efficacité – une décision qu’il appliquerait en
négociant une réduction des salaires et des prestations sociales avec la
bureaucratie syndicale.
Il a dit n’avoir aucune critique à formuler à
l’encontre de la politique étrangère actuelle de la France, soutenant
implicitement la guerre de Sarkozy contre la Libye en 2011 et la poussée
continue de la France en faveur d’une guerre en Syrie et en Iran. Il a aussi
adopté la politique anti-immigration de Sarkozy, il soutient l’interdiction
de la burqa et dénonce la viande halal.
Malgré cela, Hollande jouit du soutien de la
« gauche » petite-bourgeoise en France – le Front de Gauche de Jean-Luc
Mélenchon, le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) et d’autres forces
similaires.
En dépit du verbiage de Mélenchon sur une
révolution « citoyenne », auquel le NPA s’est adapté, les partis
petits-bourgeois se rangent derrière le PS. Ils appellent à voter Hollande,
tout en sachant pertinemment que sa politique sera aussi droitière que celle
de Sarkozy.
Leurs démentis selon lesquels ils soutiendraient
des protestations syndicales contre Hollande sont cyniques et politiquement
creuses, étant donné que la bureaucratie syndicale dit qu'elle est prête à
négocier avec Hollande une réduction des salaires et des prestations
sociales. Compter sur les syndicats et les partis qui soutiennent le
programme réactionnaire de Hollande pour « faire pression » sur le prochain
président, empêche tout simplement l’émergence d’une opposition de la classe
ouvrière à l’encontre de sa politique. Ceci laisse les travailleurs en état
d’impréparation devant les attaques à venir.
Dans ces conditions, il n’est pas difficile de
prévoir les conséquences d’une telle politique. La seule figure politique
qui calcule comment utiliser au mieux l’opposition sociale est Marine Le
Pen, dirigeante du Front National (FN) néofasciste. En raison de la
politique en faillite de la « gauche » petite-bourgeoise, elle est en mesure
de se positionner comme l’unique représentante du mécontentement social
populaire.
Elle s’est présentée comme la « seule candidate
antisystème » en dénonçant le système « UMPS » et « la gauche ultralibérale,
laxiste et libertaire », en promettant de stopper l’immigration et de
supprimer l’accès des immigrés aux prestations sociales. Elle a appelé au
vote blanc pour demain.
En cas de victoire de Hollande, Le Pen est
déterminée à faire « imploser » l’UMP, créant les conditions pour que le FN
émerge finalement comme le parti de droite majoritaire en France. Il est
bien placé pour obtenir des sièges le mois prochain lors des élections
législatives. Le 22 avril, le FN avait gagné 23 des 577 circonscriptions en
France, arrivant en deuxième position dans 93 circonscriptions et dépassant
dans 353 circonscriptions les 12,5 pour cent des inscrits, seuil de maintien
au second tour des législatives.
Le contraste entre le soutien pour Hollande des
partis de « gauche » petits-bourgeois et les dénonciations par Le Pen de
l’« UMPS » ne pourrait être plus fort. Si Hollande l’emporte et applique les
attaques qu’il a décrites contre les travailleurs et les petites
entreprises, les prétentions des partis de « gauche » petits-bourgeois de
s'opposer à lui n’auront plus aucune crédibilité aux yeux de vastes couches
de la population.
Après son récent débat télévisé avec Sarkozy,
Hollande a clairement fait connaître la nature de son programme. Il a fait
la déclaration remarquable qu’il comprenait la décision du premier ministre
grec George Papandreou de s’embarquer dans la voie des coupes sociales
dévastatrices exigées par les banques et l’UE pour réagir aux conditions
économiques pitoyables laissées par son prédécesseur. Les partis soutenant
Hollande ne sont pas différents des partis petits-bourgeois de « gauche »
qui ont soutenu la politique de rigueur des sociaux-démocrates du PASOK en
Grèce ou du PSOE en Espagne.
La prétention que ces partis sont des partis de
gauche – alors même qu'ils se rangent du côté du candidat bourgeois qui
soutient des attaques brutales contre la classe ouvrière, le chauvinisme
anti-musulman et la guerre impérialiste – est de plus en plus réactionnaire
et dangereuse. S’ils réussissent à étouffer l’opposition de la classe
ouvrière contre les attaques à venir, ils auront cédé le rôle d’opposition
aux forces anti-ouvrières les plus réactionnaires de l’establishment
politique. Telles sont les conditions préalables à l’émergence du FN en tant
que principale force politique en France.
La situation politique en France, comme partout
dans le monde, se caractérise avant tout par la crise de la direction
politique au sein de la classe ouvrière et par un vide politique à gauche.
Il y aura de grandes luttes sociales contre les attaques lancées par la
classe dirigeante mais celles-ci aboutiront finalement à une défaite si la
classe ouvrière ne construit pas une opposition véritable, révolutionnaire
et internationaliste au capitalisme. Tel est le combat que mène le Comité
international de la Quatrième Internationale.