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Les étudiants des universités et des cégeps ont rejeté massivement l'entente négociée samedi dernier par le gouvernement libéral du Québec et les dirigeants des trois fédérations étudiantes qui devait mettre un terme à la grève étudiante de trois mois.
Après avoir apposé leur signature au bas de l'entente, les chefs étudiants l'ont présentée comme une victoire partielle. Ils ont cependant refusé d'appeler publiquement à sa ratification par crainte d'une réaction d'opposition parmi les étudiants.
L'entente abandonne complètement la lutte des étudiants pour faire reconnaître l'éducation en tant que droit social.
Le gouvernement, comme l'ont rapidement indiqué des ministres libéraux, n'a pas cédé d'un millimètre sur ses plans d'augmenter les frais de scolarité universitaires de 1779 $, ou 82 pour cent, sur les sept prochaines années, à partir de septembre. De plus, l'entente fait des chefs étudiants des complices dans le programme de coupes du gouvernement en leur offrant des sièges sur un nouveau comité de surveillance dominé par des représentants de l'État et de la grande entreprise. Les « économies » identifiées par ce comité serviront à réduire les frais administratifs que doivent payer les étudiants.
Dans une manoeuvre flagrante, le gouvernement a, en attente du rapport du comité de surveillance, accepté d'offrir aux étudiants un rabais de 125 $ sur leurs frais administratifs en septembre (pratiquement le même montant que la hausse des frais de scolarité anticipée). Mais si le comité ne dégage pas d'économies suffisantes, les étudiants devront repayer cette somme. (Voir Associations étudiantes et syndicats trahissent la grève étudiante au Québec, pour une analyse plus détaillée de l'entente)
Les syndicats, qui prétendent appuyer les étudiants pendant qu'ils isolent systématiquement leur lutte, ont joué un rôle central en faisant pression sur les dirigeants étudiants pour qu'ils acceptent les conditions du gouvernement. Présents durant les 22 heures qu'ont duré les négociations, le vendredi 4 et le samedi 5 mai, les présidents des trois principales centrales syndicales du Québec ont été catégoriques : les dirigeants étudiants devaient accepter l'entente. « Nous leur avons dit », a confié le président de la Confédération des syndicats nationaux (CSN), Louis Roy, au journal The Gazette, « qu'ils avaient obtenu le maximum du gouvernement cette journée-là ; que le gouvernement n'irait pas plus loin. »
Dans les jours qui ont précédé les négociations du week-end dernier, les chefs syndicaux n'ont cessé de répéter combien la « paix sociale », c'est-à-dire la libre domination de la vie sociale, économique et politique par la grande entreprise, était menacée par la confrontation entre le gouvernement et les étudiants.
À la consternation du gouvernement, des grands médias et de toutes les sections de l'ordre établi, y compris de la bureaucratie syndicale, les 170 000 étudiants en grève ont rejeté massivement l'entente.
En date du 9 mai, soit mercredi soir, les étudiants de 14 cégeps avaient rejeté l'entente, tandis que seulement deux cégeps avaient voté en faveur. Et pas un seul département universitaire en grève n'avait alors appuyé l'entente.
Jeudi, la CLASSE (Coalition large de l'Association pour une solidarité syndicale étudiante) a été la première des trois fédérations étudiantes à rejeter officiellement l'entente.
Les deux autres fédérations - la FECQ (Fédération étudiante collégiale du Québec) et la FEUQ (Fédération universitaire du Québec) - ont signalé qu'elles pourraient accepter l'offre gouvernementale d'une entente reformulée.
La présidente de la FEUQ, Martine Desjardins, s'est offusquée des déclarations de la ministre de l'Éducation Line Beauchamp et d'autres ministres libéraux selon lesquelles la tâche de trouver des économies dans le système d'éducation incombait aux représentants étudiants sur le comité, et non à tous ses membres. Comme si cela allait changer quoi que ce soit au caractère de l'entente.
La FECQ et la FEUQ sont officiellement alignées sur la bureaucratie syndicale à travers la fameuse Alliance sociale et ont à maintes reprises qualifié le Parti Québécois, un parti de la grande entreprise que les syndicats appuient, d'allié des étudiants.
Bien que la direction de la CLASSE use d'une rhétorique plus militante, sa perspective est fondamentalement la même. D'une part, elle vise à séparer l'opposition étudiante à la hausse des frais de scolarité de toute opposition plus large au programme d'austérité du gouvernement libéral de Charest et du gouvernement conservateur fédéral. Elle cherche aussi à négocier une entente basée sur le cadre financier réactionnaire établi par les représentants politiques de la grande entreprise. Elle veut négocier avec un gouvernement qui soutient depuis 13 semaines que la hausse des frais de scolarité est non négociable et qui mène une campagne sans précédent de répression contre les étudiants en grève. De plus, elle présente la bureaucratie syndicale comme un allié des étudiants.
« C'est au gouvernement d'agir dans cette situation-là », a affirmé jeudi le porte-parole de la CLASSE, Gabriel Nadeau-Dubois, en annonçant le rejet de l'entente par la CLASSE. « Il va falloir des gestes concrets pour régler la situation. Ça veut dire ouvrir une nouvelle ronde de négociations et pas traiter des frais afférents, pas traiter des prêts et bourses. Traiter enfin des frais de scolarité. »
Ce qui a plutôt été démontré au cours des trois derniers mois est que le conflit entre les étudiants et le gouvernement ne peut être résolu par des négociations, car il est l'expression d'un conflit entre forces de classe opposées qui ont des programmes opposés. Le gouvernement et l'élite sont déterminés à démanteler ce qui reste des gains sociaux faits par la classe ouvrière à travers les luttes sociales du siècle dernier ; tandis que les étudiants, bien qu'implicitement (et c'est le talon d'Achille du mouvement actuellement), s'opposent au programme d'austérité de l'élite dirigeante et luttent pour la conception qu'il y a des droits sociaux.
Pour triompher dans leur lutte, les étudiants doivent en faire l'étincelle d'une mobilisation de la classe ouvrière à travers le Québec et le Canada contre l'assaut de la grande entreprise sur les salaires, les emplois et les services publics. Cette lutte doit viser le développement d'un mouvement politique indépendant de la classe ouvrière voué à réorganiser radicalement la vie économique pour qu'elle soit basée sur les besoins humains, et non sur le profit privé.
À une manifestation étudiante plus tôt cette semaine à Montréal, le World Socialist Web Site s'est entretenu avec des étudiants sur l'entente négociée durant le week-end. Depuis plus de deux semaines, les étudiants et leurs partisans organisent des manifestations de nuit à travers le centre-ville de la plus grande ville du Québec.
« Les dernières négociations ce n'est pas assez », a dit Mathieu, étudiant à l'Université de Montréal (UdM). « Ça fait 12 semaines que nous sommes en grève, je m'implique beaucoup et je viens à pas mal de manifs. Une offre comme ça ce n'est pas assez. [Si l'entente était acceptée] ça serait une défaite pour le mouvement étudiant. »
L'ami de Mathieu, François-Xavier, aussi étudiant à l'UdM, a souligné le caractère trompeur de l'entente. « Le rabais qu'ils nous font à la première session, s'ils n'arrivent pas à le payer en coupant, nous allons le payer par la suite de toute façon. C'est un gros "si" ».
« Selon mes valeurs, a ajouté François-Xavier, je voterais pour Québec solidaire (QS), mais est-ce que je vais prendre en compte le vote stratégique. Si je mets un vote pour QS, c'est un vote qui aide directement les libéraux à rentrer à pouvoir. »
QS est un parti nationaliste québécois « des citoyens » qui prétend être un opposant de gauche du PQ. Mais il a proposé à plusieurs reprises de former une alliance électorale avec le PQ pour vaincre la « droite », soit les libéraux et l'ADQ (dont l'image a été redorée en devenant la Coalition Avenir Québec, CAQ)
Michel, un travailleur qui est venu démontrer son appui aux étudiants, a dit au WSWS que l'entente acceptée par les associations étudiantes à la demande des chefs syndicaux « ne suffit pas ».
« Nous sommes tous ici pour dire non. Charest a fait ça pour faire croire qu'il voulait négocier. Si j'étais étudiant, je n'accepterais jamais ça.
« Les banques, les pétrolières et les compagnies pharmaceutiques ont tellement d'argent, elles font des millions. Nous pourrions prendre une partie de cet argent et laisser les étudiants étudier en paix.
« Quoi faire maintenant ? Le gouvernement aide les gens au haut de la société, et il ne reste rien pour nous. Ce sont les riches qui ont tout l'argent. »
Dorothée nous a dit : « C'est nul : rien n'a changé. Je pensais que les négociations s'étaient bien passées, mais je ne comprends pas pourquoi les associations ont accepté cette entente. Elles n'ont pas autant d'expérience que le gouvernement. »
Selon Ariane, « la grève c'est pour décider du genre de société que nous voulons. Nous ne sommes pas aussi stupides [que le gouvernement et l'ordre établi] le pensent. »
« Ils ont l'argent pour ne pas avoir à faire ces coupures, a dit Laurence-Karl. Les banques ont de l'argent, mais le gouvernement ne va pas les taxer. »
(Article original paru le 11 mai 2012)
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