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L'entente signée samedi par les associations étudiantes sous la pression du gouvernement du Québec et des centrales syndicales est un coup de poignard dans le dos des étudiants qui luttent depuis douze semaines pour la défense de l'éducation en tant que droit social.
La hausse des frais de scolarité de 1779 $ ou 82 pour cent sur sept ans - la mesure qui a provoqué la plus longue grève étudiante de l'histoire du Québec - est maintenue. Avec cette hausse, le gouvernement libéral de Jean Charest atteint ainsi son objectif essentiel d'étendre le principe de l'utilisateur-payeur en éducation post-secondaire, dans le cadre plus large du programme d'austérité de l'élite dirigeante visant à faire payer les travailleurs et la jeunesse pour la crise financière mondiale.
Autre victoire politique du gouvernement, il est parvenu à enrôler les associations étudiantes et les centrales syndicales - par le biais d'un Conseil provisoire, et éventuellement permanent, des universités - dans l'imposition des coupes budgétaires à venir dans le domaine de l'éducation.
Ce comité, qui sera dominé par des représentants du gouvernement et du patronat, va travailler entièrement dans le cadre fiscal créé par le gouvernement et l'élite dirigeante - le mensonge qu'il n'y a pas d'argent pour financer les dépenses sociales. Son mandat de trouver des économies par une gestion plus « efficiente » des universités ne pourra être réalisé qu'en dressant les étudiants contre les professeurs, en abolissant les programmes d'étude jugés peu rentables pour l'entreprise et en minant le système d'éducation post-secondaire par des coupes additionnelles.
Pour les syndicats, c'est la poursuite de leur intégration à l'establishment par le bais de comités tripartites (avec représentation patronale, syndicale et gouvernementale) servant à imposer les mesures de suppression d'emplois, de réduction des salaires et de démantèlement des services publics. Ils ont également prouvé une fois de plus à la classe dirigeante qu'elle peut compter sur eux pour maintenir la « paix sociale », c'est-à-dire torpiller tout mouvement de résistance des travailleurs ou de la jeunesse qui menace l'ordre capitaliste existant.
Dans sa campagne pour imposer la hausse des frais de scolarité, le gouvernement Charest a eu recours jusqu'ici à une série d'injonctions brimant le droit de grève des étudiants et à une violente répression policière qui a fait de nombreuses victimes. La plus récente en date est un étudiant du cégep Saint-Laurent de Montréal, qui a subi vendredi un grave traumatisme crânien après avoir reçu en plein visage une balle en caoutchouc de la police antiémeute tandis qu'il manifestait à Victoriaville en marge du congrès du Parti libéral du Québec.
Mais la violence étatique n'a pas été suffisante à elle seule pour intimider les étudiants qui mènent depuis trois mois une lutte déterminée avec le pressentiment que c'est leur avenir qui est en jeu.
Le gouvernement a pu compter sur les centrales syndicales pour garder les étudiants isolés et ensuite faire pression sur eux pour qu'ils rentrent en classe. « Les organisations syndicales ont été très heureuses... de travailler à mettre en place une feuille de route qui, selon nous, va permettre de sortir de la crise actuelle », a déclaré le président de la CSN (Confédération des syndicats nationaux), Louis Roy, après la conclusion de l'entente de samedi.
Avec cette entente, le gouvernement s'adjoint aussi les services des associations étudiantes telles que la CLASSE (Coalition large de l'association pour une solidarité syndicale étudiante), jugée plus militante et à l'origine du mouvement de grève, pour l'aider à mettre fin à la grève étudiante.
Pour vendre cette entente de trahison à leurs membres, les leaders étudiants ont mis l'accent sur une clause de l'entente de samedi stipulant que les économies récurrentes qui seraient éventuellement identifiées par le Conseil des universités seraient utilisées pour réduire les frais administratifs de 500 $ en moyenne par année qui s'ajoutent à la facture étudiante. De plus, comme mesure temporaire s'appliquant à la session d'automne 2012 (et renouvelable pour l'hiver 2013), les étudiants n'auront pas à payer une portion de 125 $ de ces frais tant que le Conseil des universités n'a pas déposé son rapport.
Les leaders étudiants se sont vite emparés de la perspective vague et hypothétique d'une baisse des frais administratifs pour présenter l'entente comme une victoire, au moins partielle. C'est « la preuve que la grève a porté fruit », a déclaré Gabriel Nadeau-Dubois, le porte-parole de la CLASSE. « On fait le pari qu'on va être capable de contrer la hausse des droits de scolarité via une diminution de ces frais-là avec une saine gestion des universités », a affirmé de son côté Martine Desjardins, présidente de la FEUQ (Fédération étudiante universitaire du Québec).
Ce ne sont là que des vœux pieux. Les étudiants n'auront droit qu'à quatre représentants au sein du Conseil des universités. Six membres seront désignés par les recteurs d'universités, deux par le milieu des affaires, un par les directeurs de cégeps, un par le ministère de l'Éducation, et son président, par la ministre de l'Éducation. Les syndicats auront droit à quatre représentants.
Il ne fait aucun doute que ce Conseil - contrôlé par les représentants gouvernementaux et patronaux, et comptant en son sein des défenseurs aussi endurcis de l'ordre capitaliste que les bureaucrates syndicaux - va adopter intégralement le programme de la classe dirigeante pour restreindre l'accès à l'éducation post-secondaire et subordonner celle-ci aux besoins de la grande entreprise.
« On a maintenu notre position », a commenté le ministre des Ressources naturelles, Clément Gignac. « On espère que le comité pourra identifier des économies, mais ce n'est pas automatique. »
Bien que l'entente soit un camouflet pour les étudiants qui rejettent depuis douze semaines la hausse des frais de scolarité, les représentants de la CLASSE, de la FEUQ et de la FECQ ont accepté de la soumettre au vote de leurs membres en grève. De plus, ils « s'engagent à ne pas organiser de manifestations liées à cette entente ».
Les associations étudiantes ont mené la grève étudiante dans un cul-de-sac en faisant d'elle une simple protestation autour de la seule question des frais de scolarité. Elles ont refusé de la lier à une campagne plus vaste contre le programme d'austérité des gouvernements Charest et Harper. Et elles ont rejeté la seule voie qui aurait permis aux étudiants de faire avancer leur lutte - un tournant vers les travailleurs dans le cadre d'une lutte commune pour la défense des emplois et des services publics.
En plus de faire la promotion de la bureaucratie syndicale pro-capitaliste, les leaders étudiants prônent des illusions dans le Parti québécois, un parti de la grande entreprise qui a sabré massivement dans les domaines de la santé et de l'éducation lorsqu'il était au pouvoir et qui a récemment critiqué les libéraux de la droite pour avoir déposé un budget ne réduisant pas assez le déficit.
Défendant l'entente de trahison conclue samedi avec le gouvernement Charest, la présidente de la FEUQ, Martine Desjardins, a suggéré qu'un gouvernement péquiste serait favorable aux étudiants. « Il est fort probable que l'entente... pourrait changer advenant... que les libéraux ne soient plus au pouvoir », a-t-elle affirmé.
Les étudiants doivent rejeter cette entente et réorienter leur lutte sur la base d'un tournant vers la classe ouvrière dans une lutte commune contre les mesures d'austérité de tous les paliers de gouvernement. Quoi qu'il arrive avec les votes de reconduction de la grève, la question centrale demeure la nécessité de lutter pour la mobilisation politique indépendante des travailleurs en opposition aux appareils bureaucratiques syndicaux.
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