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Jeudi, François Bayrou, candidat malheureux du parti bourgeois du « centre », a appelé à voter pour François Hollande, candidat du Parti socialiste (PS), au second tour décisif de l'élection présidentielle qui se tiendra le 6 mai.
«Je ne peux pas voter blanc, cela serait de l'indécision, et dans ces circonstances, l'indécision est impossible. Reste le vote pour François Hollande, c'est le choix que je fais, » a-t-il dit lors d'un meeting.
Bayrou a lancé un appel à Hollande lui demandant de former un gouvernement d'unité nationale dans lequel le parti droitier de Bayrou, le Mouvement démocratique (MoDem), jouerait probablement un rôle majeur. Bayrou a déclaré que Hollande avait choisi «de rendre possible, pour la première fois depuis longtemps, l'unité nationale. »
Fait significatif, la décision de Bayrou a été applaudie par les forces petites-bourgeoises de « gauche » à la périphérie du PS. Le dirigeant du Front de Gauche Jean-Luc Mélenchon a loué le soutien de Bayrou à Hollande comme étant une « décision [qui] part d'un honnête sentiment républicain. »
Il s'agit du tout dernier report de voix en faveur de Hollande de la part de politiciens conservateurs français.
La semaine dernière, Philippe Douste-Blazy, ancien ministre des Affaires étrangères (2005-2007) et ancien secrétaire général du parti droitier de Sarkozy, l'Union pour un mouvement populaire (UMP), a aussi annoncé qu'il voterait pour Hollande. Il a déclaré que «le rôle du président de la République » est de «rassembler et non flatter les extrêmes. »
Un peu plus tôt, le prédécesseur de Sarkozy, le président conservateur Jacque Chirac avait aussi déclaré qu'il soutiendrait Hollande, le qualifiant de « véritable homme d'Etat » capable de dépasser les lignes partisanes.
Le soutien de Bayrou pour Hollande est un coup porté à Sarkozy et à l'UMP. A quelques jours du second tour de l'élection, les sondages donnaient Sarkozy quatre points derrière son rival Hollande. Pour rester au pouvoir, Sarkozy devra obtenir une grande partie des voix du MoDem de Bayrou et du Front national (FN) de Marine Le Pen. Bayrou a obtenu 9,1 pour cent des voix au premier tour de l'élection et Le Pen 18 pour cent.
Expliquant sa décision, Bayrou a critiqué la campagne droitière de Sarkozy pour gagner les électeurs de Le Pen. «Après un bon score de premier tour, [il] s'est livré à une course-poursuite à l'extrême droite dans laquelle nous ne retrouvons pas nos valeurs, » a-t-il dit. «La ligne qu'a ainsi choisie Nicolas Sarkozy entre les deux tours est violente. Elle entre en contradiction avec les valeurs qui sont les nôtres, pas seulement les miennes, pas seulement celles du courant politique que je représente, mais aussi les valeurs du gaullisme, autant que celles de la droite républicaine et sociale. »
Bayrou a déploré « l'obsession de Sarkozy » concernant l'immigration et les frontières qu'il faudrait restaurer, «comme si elles avaient complètement disparu et que nous y avions perdu notre âme. » Il a dit craindre que la politique de Sarkozy «conduit à la négation du projet européen auquel le centre et la droite, autant que la gauche modérée, ont donné des décennies dfaction et de conviction. »
De telles déclarations reflètent à n'en pas douter une réelle inquiétude de certaines sections de l'élite dirigeante française face à l'émergence du FN comme force politique majeure en France. Néanmoins le soutien de Bayrou pour Hollande ne sera pas un rempart contre la montée du FN en France.
La présentation faite par Bayrou de Hollande, comme un candidat opposé aux attaques contre les droits démocratiques, est un mensonge cynique. Sarkozy et Hollande ont tous deux clairement exprimé leur soutien à des mesures profondément antidémocratiques pour obtenir les faveurs du fanatisme anti-immigrés, notamment parmi la base électorale du FN. Comme le montre le bilan du premier quinquennat de Sarkozy, de telles concessions au préjugé anti-immigration n'affaiblissent pas mais au contraire renforcent le FN en légitimant sa politique.
Mercredi, lors du débat télévisé avec Sarkozy, Hollande a attaqué Sarkozy par la droite et s'est lancé dans une diatribe vibrante de colère contre les immigrés et les musulmans. Il a critiqué Sarkozy pour avoir accepté trop d'immigrés et déclaré que sous la présidence de Sarkozy, il entrait tous les ans sur le territoire français 50 000 immigrés de plus que sous le dernier gouvernement PS.
Hollande a aussi déclaré son soutien à l'interdiction de la burqa et à une interdiction antérieure du voile islamique dans les établissements scolaires. Il s'est engagé à ne pas autoriser des heures d'ouverture spéciales pour les femmes dans les piscines et à ne pas « tolérer » que l'on serve de la viande halal dans les cantines scolaires. Ses déclarations, en contradiction avec le principe de laïcité ou de neutralité de l'Etat sur les questions religieuses, montrent que sous Hollande le traitement raciste des immigrés ne va pas s'améliorer mais plutôt empirer.
La décision de Bayrou de soutenir Hollande suggère aussi que certaines sections influentes de la classe dirigeante sont parvenues à la conclusion que Hollande sera peut-être plus à même que Sarkozy de mener à bien les coupes sociales et les réformes structurelles prévues. Hollande s'est qualifié de candidat de l'unité nationale lors de la campagne électorale, et a promis de « mobiliser toutes les forces [...] pour faire face aux défis de la compétitivité.
La France a actuellement un déficit budgétaire de 4,5 pour cent du Produit intérieur brut (PIB) et sa dette annuelle n'est pas loin de 90 pour cent du PIB. L'économie française est dans une crise profonde et a perdu du terrain durant la dernière décennie. Les deux candidats ont promis d'équilibrer les budgets, de réduire le coût du travail et de rendre l'économie française compétitive.
Contrairement à Sarkozy, la campagne de Hollande a reçu le soutien actif des syndicats et d'un assortiment de groupes petits-bourgeois de pseudo-gauche cherchant à étouffer toute opposition indépendante de la classe ouvrière aux coupes sociales. Les syndicats, le Front de Gauche de Jean-Luc Mélenchon, le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) et Lutte ouvrière (LO) se sont alignés derrière le programme d'austérité de Hollande et appellent à voter pour Hollande au second tour.