Le président Obama a exprimé mardi son soutien en
faveur du changement du régime en place en Syrie tandis que les demandes
d'intervention dans ce pays du Moyen-Orient ont continué à s'intensifier.
A la suite de discussions à la Maison Blanche avec
le roi Abdullah de Jordanie, Obama a déclaré que les actions du gouvernement
syrien étaient "inacceptables" et a réitéré les demandes américaines que le
président Bashar Al-Assad quitte le pouvoir.
"Nous continuons à constater des niveaux
inacceptables de violence à l'intérieur de ce pays et nous continuerons donc
à suivre de très près le sujet avec la Jordanie pour créer la sorte de
pression internationale et l'environnement qui pousse le régime syrien
actuel à quitter le pouvoir", a déclaré Obama.
Obama a loué la monarchie de Jordanie pour être
parmi les premiers Etats arabes à demander l'éviction d'Assad. Comme pour
l'intervention USA-OTAN en Libye, Washington essaie d'aligner des régimes
dictatoriaux variés proches des intérêts de l'impérialisme américain pour
fournir une couverture à une intervention occidentale visant au renversement
du gouvernement syrien.
Le chef de file de ces régimes est le Qatar. Dans
une interview, ce week-end, sur le programme d’information de CBS "60
Minutes", l'émir dirigeant du Qatar, le cheikh Hamad ben Khalifa Al Thani, a
déclaré son soutien en faveur de l’envoi de troupes d’Etats arabes en Syrie,
soi-disant pour arrêter la répression.
"Dans une telle situation et pour arrêter les
massacres, des troupes devraient intervenir pour les empêcher", a dit le
cheikh Hamad en réponse à la question d'un interviewer qui lui demandait
s'il était en faveur d'une intervention militaire par des Etats arabes
extérieurs. La déclaration a entraîné une réaction furieuse du régime
syrien, qui a catégoriquement exclu tout accord qui autoriserait des troupes
étrangères sur le sol syrien.
Se déclarant "étonné" par la déclaration de l'émir
qatari, le ministère des Affaires étrangères de la Syrie a dit que le pays
"rejette les déclarations des responsables du Qatar proposant d’envoyer des
troupes arabes pour aggraver la crise … et ouvrir la voie à l'intervention
étrangère."
Le Qatar a joué un rôle clé dans la guerre
USA-OTAN pour le changement de régime en Libye, en servant d'abord de
principal soutien à une résolution de la Ligue arabe appuyant l'intervention
étrangère au prétexte de mettre en place une "zone d’exclusion aérienne ".
Il a ensuite pris les devants pour l'entraînement et l’armement des
soi-disant rebelles en Libye, tout en envoyant un grand nombre de troupes
qatari dans le pays pour mener les forces cherchant à renverser le colonel
Mouammar Kadhafi et pour coordonner leurs attaques terrestres avec la
campagne de bombardement de l'OTAN.
Alors que le Qatar entretenait auparavant des
relations proches avec Damas, le régime monarchique de l'Etat du Golfe riche
en pétrole a étroitement aligné sa politique sur celle de Washington, en
retirant son ambassadeur l'été dernier et en devenant un des critiques les
plus féroces du gouvernement syrien.
Mercredi, les médias publics syriens ont accusé le
régime qatari de chercher à reprendre le rôle qu'il avait joué dans
l'intervention libyenne en armant et en finançant les insurgés qui cherchent
à renverser le gouvernement Assad. Le journal Tishrin a accusé le
Qatar de jouer un "rôle négatif" depuis "le début de la crise", y compris
par "le financement de groupes armés".
Le mois dernier, l’
American
Conservative a fait paraître un article de l'ancien
agent de la CIA, Philip Giraldi, fournissant une description détaillée de
l'opération qui est montée par les Etats-Unis et ses alliés de l'OTAN pour
fomenter le conflit armé à l'intérieur de la Syrie.
Selon Giraldi, "Des avions militaires banalisés de
l'OTAN arrivent dans les bases militaires turques près d'Iskenderum à la
frontière syrienne, où ils débarquent des armes tirées des arsenaux de feu
Mouammar Kadhafi ainsi que des volontaires" venant de Libye. "Iskenderum est
aussi le siège de l'Armée syrienne libre, l'aile armée du Conseil national
syrien. Les instructeurs militaires de forces spéciales françaises et
britanniques sont sur le terrain, en soutien aux rebelles syriens, pendant
que la CIA et les militaires américains des Forces spéciales fournissent
l'équipement de communication et le renseignement pour aider la cause des
rebelles, en permettant aux combattants d'éviter les concentrations de
soldats syriens."
La Turquie semble avoir pris la tête de ces
opérations, et différentes sources indiquent qu’elle fournit une base
arrière près de la frontière pour entraîner des insurgés syriens et qu’elle
discute avec ses alliés de l'OTAN de la possibilité d'imposer une zone
d’exclusion aérienne sur le territoire syrien.
Selon les Nations Unies, qui se sont largement
appuyées sur les sources de l'opposition syrienne pour leur information,
environ 5000 Syriens ont été tués depuis que les manifestations de masse
contre le gouvernement Assad ont commencé il y a environ 10 mois. Le
gouvernement syrien a affirmé que 2000 membres de ses forces de sécurité
sont morts en combattant avec des groupes armés.
De plus en plus, la crise adopte les formes d'une
guerre civile confessionnelle, opposant des éléments de la population
majoritaire sunnite du pays au régime et à ses forces de sécurité, qui sont
dominées par la secte chiite des s à laquelle appartient Assad. Dans le
centre-ville de Homs, lieu de certains des affrontements les plus sanglants,
des rapports ont circulé sur le recours à des meurtres et à la politique de
la terreur, utilisés pour diviser les quartiers sur la base des oppositions
confessionnelles.
Aux États-Unis, il y a un bruit de tambour
continuel dans les médias et les cercles de réflexion des milieux politiques
dirigeants au sujet d’une intervention militaire. Caractéristique de ce
phénomène, un article du 17 janvier, publié par l'
Atlantic,
s’intitule "C'est le moment de penser sérieusement à intervenir en Syrie".
L'auteur, Steven A. Cook, é supérieur de recherche pour les études sur le
Moyen Orient au Council on Foreign Relations, défend une intervention fondée
sur les "droits de l'homme," et "la responsabilité de protéger", en citant
la Libye comme un exemple de ce qu'il serait possible de faire en Syrie.
De même qu’en Libye, les droits de l'homme ont
servi de prétexte à une guerre USA-OTAN visant à prendre le contrôle des
plus grandes réserves de pétrole sur le continent africain, Cook laisse
clairement voir qu’une intervention syrienne aura les mêmes justifications
pour le public et les même motivations éostratégiques réelles.
"S'il n'y a aucune intervention et qu'il manque la
volonté politique pour arrêter les crimes d'Assad, le monde devra de nouveau
prendre la responsabilité d’être resté sur la touche pendant que se
déroulaient des meurtres de masse," écrit Cook. "Il est également difficile
d’ignorer la possibilité que le renversement d'Assad ferait avancer
l'objectif américain à long terme d'isoler l'Iran. N'importe quel
gouvernement post-Assad à Damas ne compterait probablement pas sur l'Iran
pour son soutien, mais plutôt sur la Turquie et l’Arabie Saoudite. Ce serait
un bénéfice net pour Washington et pour d'autres qui cherchent à limiter
l'influence de l'Iran dans le monde arabe."
George Friedman de l'agence privée de
renseignements Stratfor a fait un commentaire similaire, en écrivant cette
semaine : "Si le régime d’el-Assad, ou le régime syrien sans el-Assad,
survivait, l'Iran bénéficierait d’une énorme influence en Syrie, tout comme
avec le Hezbollah au Liban. Le cours actuel en Irak couplé avec la
survivance d'un régime alaouite en Syrie créerait une sphère d'influence
iranienne s'étendant de l'Afghanistan occidental à la Méditerranée. Cela
représenterait un changement fondamental de l'équilibre régional du pouvoir
et redéfinirait sans doute les relations iraniennes avec la Péninsule arabe.
C'est évidemment dans l'intérêt de l'Iran. Ce n'est, cependant, pas dans
celui des États-Unis."
De la même façon que Washington pousse à un
changement de régime en Syrie, dans le cadre de son plus large visant à se
préparer à la guerre contre l'Iran, qu’il considère comme un obstacle à
l'établissement de son hégémonie sur les régions riches en pétrole du Golfe
persique et de l'Asie Centrale, la Russie et la Chine ont, de leur côté, des
intérêts étendus tant en Iran qu'en Syrie et sont fortement opposés à toute
intervention militaire.
Le Ministre des Affaires étrangères de Russie,
Sergey Lavrov, a déclaré mercredi que Moscou utiliserait son droit de veto
si nécessaire pour bloquer toute résolution au Conseil de sécurité des
Nations Unies qui autoriserait l'utilisation de la force en Syrie. La Chine
a fait part de son soutien à la position russe.
Tant la Chine que la Russie s'étaient abstenues
lors de la résolution autorisant l'imposition d'une zone d’exclusion
aérienne en Libye, ce qui avait fourni une feuille de vigne juridique pour
la guerre USA-OTAN. Suite à la guerre, ces deux pays ont subi des pertes
importantes du point de vue de leurs intérêts en Libye, avec les Etats-Unis
et ses alliés de l'OTAN comme principaux bénéficiaires.
Plus tôt durant le mois de janvier, la Russie a
dépêché un groupe naval mené par un porte-avion au port syrien de Tartus
dans ce que Moscou a décrit comme un geste "d'amitié" entre les deux pays.
Les responsables russes ont également écarté les protestations américaines
sur la livraison d’armes effectuée par un navire russe en Syrie, faisant
remarquer que les actions de Moscou, bien qu'elles aient pu interférer avec
les sanctions unilatérales européennes et américaines, n'avaient violé aucun
accord international.
Pendant ce temps, la Ligue arabe doit se réunir ce
week-end pour discuter de l'avenir de la mission des observateurs en Syrie,
dont le mandat expire cette semaine. Le Qatar figure parmi ceux qui
appellent à l’abandon de la mission afin d'ouvrir la voie à une intervention
étrangère directe.
L'Armée syrienne libre soutenue par les
occidentaux à appelé la Ligue arabe à retirer ses observateurs, en disant
qu'ils avaient "échoué dans leur mission." Le chef du "groupe", le colonel
Riyad el-Asaad a déclaré à l'agence de presse Reuters, que le groupe
demandait à la Ligue arabe "de transmettre la question au Conseil de
sécurité de l'ONU et que nous demandons que la communauté internationale
intervienne parce qu'ils sont davantage capables de protéger les Syriens à
ce stade que nos frères arabes."