Une série de révélations parues dans les médias québécois démontre que
Québec solidaire (QS), un parti qui se réclame de la gauche, est en fait
entièrement orienté vers le parti de la grande entreprise qu'est le Parti
québécois (PQ).
Les révélations portent sur les discussions secrètes qui sont en cours
depuis plusieurs mois entre QS et le PQ en vue d'un pacte électoral, dans un
contexte où le Parti québécois et tout le mouvement indépendantiste de la
province sont en profonde crise.
Voyant que ces révélations viennent miner leur prétention à représenter une
alternative aux partis traditionnels de l'establishment québécois, les
dirigeants de QS ont cherché à en minimiser la portée.
Amir Khadir, l'unique député de Québec solidaire,
a démenti les affirmations de Nicolas Girard, un député péquiste, qui a déclaré
vers la fin janvier que Khadir avait « approch[é] la moitié du caucus du PQ (l'automne dernier)
pour leur indiquer qu'il souhaite une alliance. » Khadir
a répliqué que c'était plutôt deux péquistes qui l'avaient approché tout en
admettant qu'il avait communiqué avec trois péquistes à l'automne pour les
inviter à se joindre à QS.
Mais ce démenti n'est pas
crédible. En automne dernier, Khadir avait lui-même
réclamé un pacte avec le Parti québécois. « Si le PQ n'en veut pas, de François Legault et des
libéraux », avait affirmé Khadir, « Québec
solidaire n'en veut pas non plus. On dit [dans les comtés électoraux] où il y a
des libéraux actuellement, on essaie de faire quelque chose. »
L'autre dirigeante de Québec solidaire, Françoise David, a aussi
cherché à nier tout rapprochement entre QS et le PQ en vue des prochaines
élections. Elle a déclaré à la mi-janvier qu'il « n'y a eu l'automne dernier et il n'y a
présentement aucune négociation entre la direction de QS et celle du PQ quant à
des pactes électoraux ».
Puis elle a ajouté : « Depuis notre fondation, nous avons
cependant indiqué à maintes reprises notre ouverture à entendre d'éventuelles
propositions de la direction péquiste. » David a beau nier telle ou telle
négociation tactique avec le PQ, elle avoue que dès sa formation, Québec
solidaire est stratégiquement orienté vers le Parti québécois.
Lors de la dernière année et
particulièrement depuis la débâcle électorale du Bloc Québécois, le parti frère
du PQ au niveau fédéral, QS a
courtisé d'anciens députés du PQ qui avaient récemment quitté le parti et a
développé ses liens avec divers groupes dissidents partisans de l'indépendance
du Québec.
Quant au PQ, il a été prudent
devant la main tendue de Québec solidaire. Il ne veut pas s'associer trop
ouvertement à un parti qui se dit de gauche, car cela pourrait miner ses
efforts de convaincre la grande entreprise qu'il est le meilleur véhicule pour
intensifier l'assaut sur les conditions de vie des travailleurs.
En automne dernier, le PQ a
envoyé Jean-François Lisée à titre d'émissaire afin
de prendre le pouls de la direction de Québec solidaire concernant de possibles
alliances. Lisée a déjà été conseiller des
ex-premiers ministres péquistes Lucien Bouchard et Bernard Landry et est une
personnalité très importante au sein du PQ. Si le PQ fait une offre à QS, il
veut s'assurer qu'elle sera acceptée pour ne pas perdre la face.
QS dit qu'il veut pactiser avec
le PQ pour défaire la droite, mais que représente le Parti québécois ? Tout
autant que les Libéraux, c'est un
parti de la grande entreprise. Lorsqu'il a été au pouvoir, le PQ est entré en
conflit direct avec la classe ouvrière. En 1982-83, le gouvernement péquiste de
René Lévesque a imposé de vastes coupes dans les contrats de travail des
travailleurs du secteur public. Quant aux gouvernements péquistes de Lucien
Bouchard et de Bernard Landry (1995-2003), ils ont éliminé des dizaines de
milliers d'emplois en santé et en éducation.
Dans les dernières années, sous la pression de la classe dirigeante, le PQ
s'est orienté encore plus vers la droite. Sous Pauline Marois,
il a attaqué le gouvernement libéral de Jean Charest pour ne pas réduire le
déficit provincial assez rapidement. Il multiplie aussi de plus en plus les
appels chauvins, ayant réussi à faire pression sur le gouvernement libéral pour
qu'il présente un projet de loi interdisant la
prestation de services publics à des femmes musulmanes qui porteraient le niqab ou la burqa.
Québec solidaire prône l'illusion qu'il existe une différence autre que
tactique entre le Parti Québécois et les autres partis de l'establishment
politique québécois, le Parti libéral du Québec et la Coalition Avenir Québec.
Mais c'est justement parce que le PQ a pu se présenter, avec l'appui de la
bureaucratie syndicale, comme un parti « social-démocrate » ayant un
préjugé favorable aux travailleurs, qu'il a pu jouer un rôle de premier plan
dans l'assaut contre les travailleurs.
Comme le Parti québécois, QS soutient que la principale division dans la
société canadienne est celle qui existe entre les fédéralistes et les
souverainistes québécois, et non le gouffre entre l'élite patronale qui domine
la vie économique et la classe ouvrière qui est exploitée par cette élite.
Aujourd'hui, alors que le Parti Québécois est de plus en plus discrédité, QS
cherche à raviver le programme réactionnaire d'une République capitaliste du
Québec.
Québec solidaire compte en son sein divers groupes pseudo-socialistes, tel
que Gauche socialiste, qui endossent entièrement le programme bourgeois de la
souveraineté du Québec et lui donnent une aura de gauche.
Bernard Rioux, principal leader de Gauche socialiste et membre fondateur du
site web Presse-toi à gauche, qui fonctionne comme un groupe de
réflexion de l'ex-gauche petite-bourgeoise québécoise, s'est opposé à une
alliance électorale entre QS et le PQ. Cependant, il écrit dans un article que
« cela ne signifie pas que nous ne pouvons pas faire des alliances
tactiques sur des objectifs partagés et précis autour de mobilisations
précises. »
Lors d'un congrès de trois jours tenu en décembre, Gauche socialiste et
d'autres pseudo-socialistes ont refusé de défier Khadir
et David pour avoir violé une résolution adoptée en mars dernier par les
membres de Québec solidaire qui stipulait que QS ne devait prendre part à
aucune alliance électorale.